Les âmes pétrifiées du pont Charles de Gaulle
Par Jihem - 04-09-2008 15:46:33 - 3 commentaires
Les âmes pétrifiées du pont Charles de Gaulle
Le pont Charles de Gaulle, c’est ce pont où tout au bout, la grande Horloge attend les passants venant de la gare d’Austerlitz. A l’extrémité de l’ouvrage, ils devront se frayer un étroit chemin, entre deux tours cubiques vêtues de verre.
Il m’arrive parfois le matin de l’enjamber par-dessus la Seine, courant, porté par mes rêves, tel un poisson volant. Je file au milieu d’une foule dont l’âme et les pensées semblent pétrifiées. C’est la scène des besogneux, des travailleurs, dont la traversée qu’ils ont entreprise semble devoir être longue. Véritables statues mouvantes. Leur regard est ailleurs, il ne semble exprimer ni joie ni souffrance. Et pourtant, un sentiment de reddition, de soumission esquisse leurs visages. Savent-ils encore pourquoi ils franchissent le pont, et pourquoi ce pont. Ont-ils oublié la Seine ?
Et puis cette grande Horloge, qui les attend, déplaçant ses lourdes aiguilles, lentement, laborieusement. Elle non plus ne sait plus. Il y a ces bancs où personne ne s’assoit, qui n’ont sans doute connu que peu d’émotions, ni ne peuvent témoigner de scènes de tendresse ou de solitude. Ces bancs ne disent rien, ne savent rien. Et puis il y a cette file de voitures qu’on oublie, ces véhicules qui se fondent en un trait épais. Et le métropolitain sur le pont d’à côté, aérien, qui bien qu’âgé ressemble à une image du futur.
Et moi je passe heureux, courant, virevoltant, porté par mes rêves et mes pensées.
Si un jour tu devais passer ce pont, attend-moi, je te guiderai, t’entraînerai par la main. Je ne me retournerai pas, de peur que ton âme se glace. Et je sentirai ta main, tes ongles, s’amarrer solidement à moi.
Je n’ai pas évoqué cet homme en arrêt, une cigarette à la main, lisant l’inscription gravée sur le pont, le nommant, « pont Charles de Gaulle ». Demain, je m’arrêterai sur l’ouvrage. J’y découvrirai certainement une autre histoire, une autre Seine. Peut-être y verrai-je des gens soucieux, des gens pressés, un lapin blanc et des poissons volants…
« Je ne vis pas ma vie, je la rêve, c’est comme une maladie, que j’aurais chopée tout p’tit ». Pas vrai jacquot ?
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3 commentaires
Commentaire de corto posté le 04-09-2008 à 16:35:06
Tu as oublié ce qui sont pétrifiés de froid sur leur grille d'aeration!!
Commentaire de Epytafe posté le 13-09-2008 à 17:01:54
Encore un beau texte du JM! Qui pose une douloureuse question : Oui, ça valait la peine de revenir de vacances pour te lire, mais, une fois de retour au taf', je vais recommencer mon voyage vers la putréfaction morale... Quelle chance immense il a le Jacques de pouvoir rêver sa vie. Heureusement, les quelques minutes de CàP quotidiennes sont cette sortie, cette respiration, qui évite la trop rapide putréfaction.
Commentaire de Jalaberte posté le 13-09-2008 à 18:42:19
c'est un plaisir de te lire, j'admire parceque moi je ne sais pas écrire....
c'est peut etre pour ca que je cours, une facon de m'exprimer.
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