KikouBlog de Jihem - Juillet 2018
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Dans la mil

Par Jihem - 28-07-2018 22:22:32 - 14 commentaires

La Mil’Kil, une aventure fraternelle

 

 

Je tiens à remercier mes filles, ma mère, ma sœur et toutes les personnes qui m’ont encouragé. Je tiens à remercier celles qui ont partagé l’aventure avec moi, mes amis Christiane et Michel, celle qui a contribué à sa réussite, Muriel, je tiens à remercier JB et l’équipe organisatrice de mettre en place une telle épreuve, je tiens à remercier mes copains coureurs et accompagnateurs, David et ses B and B bien sûr avec qui j’ai partagé de long moments de bitume, je tiens à remercier enfin les coureurs qui sont venus à notre rencontre et nous ont offert de très beaux moments et je pense en particulier à l’ami Denis, mais aussi Pascal. Et puis tous ceux et celles qui m’ont offert leurs encouragements.

 

Un rêve de gosse

Gamin, j’étais passionné de vélo. Je rêvais de disputer le Tour de France. Je découpais les articles dans les journaux, j’organisais la grande boucle avec des figurines qu’avec mon cousin nous repeignions aux couleurs des équipes d’alors, Gitane, Peugeot, Miko-Mercier, ou encore Molteni, Bic, Kas, Flandria, ou Ti-Raleigh. Nous les faisions avancer à la pichenette plus ou moins partisane, sur la terre du jardin, dans le caniveau ou sur un circuit 24. Je parcourais la France par le biais des cartes Michelin au 1/100000e. Quelques années plus tard, mon niveau dans les courses de 3e et 4e catégorie ne me laissait pas entrevoir la moindre possibilité de transformer ces fresques oniriques en réalité.

Sous les remparts

Le 17 juin 2018, à 6h30, il fait encore un peu frais dans la cité malouine. Coureurs et accompagnateurs se regroupent peu à peu à l’entrée de la vieille ville fortifiée. J’ai un peu la trouille. Je sais qu’une fois le départ donné, ce sera 12 jours d’abnégation pour accéder au rêve : Traverser la France en courant, de la Manche à la Méditerranée. Ce n’est pas rien ! Il y a là Alex, rayonnant, comme à son habitude. Il a couru toutes les éditions et affiche 3 victoires au compteur. Il y a les solos avec leurs bardas plus ou moins imposants recouverts de panneaux solaires.

A quelques minutes du départ, nous descendons sur la plage avec nos maillots roses  pour les photos souvenir. Celles des femmes tout d’abord, puis les hommes et enfin tout le monde. Je mets mon mètre 81 juste derrière la banderole. Cette même banderole qui sera déroulée lors de chaque arrivée quelques jours plus tard. Nous immortalisons aussi notre équipe : Christiane, Michel et moi au milieu. Ça doit certainement phosphorer dans la tête de mes amis accompagnateurs, totalement néophytes dans le milieu. Et puis c’est l’heure ! Nous partons groupés en bordure de mer en direction du Mont Saint Michel. Très vite, le peloton s’éparpille en petites grappes.

 

 

 

Les mois d’avant

L’aventure a commencé un an auparavant. J’avais en tête de participer un jour à la Trans’Gaule, la traversée de la France de Roscoff à Gruissan en 19 étapes de 60 à 70 kilomètres. Ce défi me semblait davantage à ma portée. Pourtant, j’apprenais la disparition de l’épreuve organisée par JB Jaouen, qui est aussi le grand gourou de la Mil’kil.

‘Et la Mil’kil, jusqu‘à quand sera-t-elle organisée ?’, me dis-je alors. Par précaution, je décidais de me lancer dans ce pari un peu fou : 12 jours pour rallier Saint-Malo à Sète. 83 kilomètres au minimum à parcourir chaque jour. Je n’avais jamais alors parcouru plus de 645 kilomètres et 6 jours de course. Restait à trouver les accompagnateurs et le véhicule d’assistance.

Ma pause déjeuner touchait à sa fin quand le téléphone se mis à sonner. Michel me contactait pour me proposer ses services. Je ne pouvais pas accepter. Il ne pouvait se rendre compte de l’abnégation qu’exige l’accompagnement sur une telle distance. Je ne souhaitais pas lui offrir un cadeau empoisonné. Quelques jours plus tard, de passage dans sa province à l’occasion du mariage d’un ami, je rendais visite à Michel et Christiane. Nous rediscutons du projet. Christiane pourrait être de la partie. Michel avait déjà dépouillé le road book, repéré les tracés avec Google Earth. Le projet etait lancé.

Dorénavant, ma priorité était de retrouver la motivation nécessaire à la pratique de l’ultra-fond car l’année 2017 avait été une année en creux. Abandons à l’Ultrathletic Ardèche, aux 24 heures de Marseille, aux 48 heures de Royan. Echec aux 6 jours de France. Seule l’Etoile savoyarde s’était à peu près bien déroulée. Je ne parvenais plus à soutenir l’effort après quelques heures, ni physiquement, ni mentalement. Comme si j’avais perdu les clés. D’habitude, les aléas de la vie m’avaient toujours permis de me transcender. Là non.

C’est donc une opération reconquête qu’il fallut mener. Et qui commença par un claquage au mollet fin décembre en courant après le métro et me laissa sur le quai. Le raid 28 approchait et même cette course par équipe m’inquiétait. Je m’offrais alors 2 séances d’hypnose afin de reprendre confiance et de retrouver un peu de sérénité. Les jours suivants, avec mon équipe des Bazenhos, nous franchissions au complet la ligne d’arrivée. Ce fut un premier soulagement. Je décidai de ma participation à une épreuve intermédiaire pour me rassurer : Les 100 kilomètres du Périgord noir à Belvès, une épreuve que j’affectionne et que j’avais déjà bouclée par 3 fois.

 

De son côté, Michel était à fond dans le projet. Il se projetait dans l’épreuve. C’est lui qui alla visiter le camping-car sur lequel j’avais posé une option.  Bref, il répondait présent. Sa fougue me motivait. J’établis mon tableau de marche. Nous communiquions sur de menus détails. Je perdais du poids. Pas assez. Sur le mur de mon salon, je punaisai la carte de France et surlignai le tracé de la course. Cette fois-ci, il ne s’agissait plus seulement d’un rêve d’enfant. Un jour, Michel me demanda ce que nous ferions si j’abandonnais la course. Je répondis que je ne pouvais envisager cette éventualité. L’échec est une option trop lourde à porter et il vaut mieux voyager léger.

 

Avant Belvès, je me claquai de nouveau. Une vieille blessure à l’ischio mal soignée. Nouveau coup d’arrêt. Visites chez le médecin et le kiné. L’objectif à Belvès était de terminer. Confirmer que j’étais toujours capable de boucler 100 kilomètres. Je parcourais les 50 premiers kilomètres en 5 heures sur une allure trop rapide. Avec la chaleur, le retour fut beaucoup plus compliqué. Il me fallut 3 heures de plus pour effectuer la seconde moitié. Sans la perspective de la Mil’Kil, je n’aurais jamais terminé. Mais il fallait absolument sortir de la spirale d’échecs. Au final, cette épreuve terminée dans la douleur fut réconfortante. La tête avait tenu. Quelques semaines plus tard, alors que la course approchait, l’ischio craquait à nouveau. L’échographie révéla 2 lésions. Je ralentissais l’entrainement et multipliais les séances d’ondes de chocs. A quinze jours du départ je stoppais totalement l’entrainement.

 

Depuis quelques temps, je bénéficiais de l’aide de Muriel, une amie sophrologue qui s’était proposée pour m’accompagner dans ma préparation. Ce fut une aide précieuse. Dans cette période où j’avais aussi perdu mon boulot, ses séances m’apportèrent confiance et sérénité.

 

L’approche


 

15 juin 2018. J’arrivais chez Michel et Christiane avec l’appréhension de me rater dès les 2 ou 3 premiers jours de course, de décevoir Christiane et Michel, et Muriel et ceux et celles qui me suivent. Passé cet entracte ce devrait être différent. La course. Juste la course.

En fin de journée, nous allâmes chercher notre maison à 4 roues en proche Vendée. J’essayais d’organiser mon côté afin de ne pas avoir à chercher mes affaires pendant la course. Le sens du rangement du côté de Christiane et Michel est nettement plus aiguisé que du mien… Des 2 couchettes superposées pour moi derrière le siège conducteur, Je choisissais celle du haut.

Le lendemain, nous partîmes tôt vers Saint-Malo oh hisse et haut. Arrêt sur le charmant parking d’une zone commerciale à 2 pas de l’hôtel où devait avoir lieu le brief de départ et la remise des dossards. C’était la première fois que je rencontrais JB, un homme sympathique organisateur de la Mil’Kil.

 

Il y avait là des compagnons rencontrés sur d’autres courses comme David, Jean-Louis, Christophe, Alex, Mimi, Bernard, ou Daniel par exemple. Et puis Hervé venu en visiteur. Il y a des gens qui ont nourri mes rêves comme Serge et ses aventures à travers le monde. Il y avait des championnes et champions et des coureurs très expérimentés. Il y avait aussi quelques audacieux qui exposaient leurs montures munies de 2 roues et d’une poignée ou d’un harnais. Des attelages allant du plus léger au plus lourd… Il y avait les crocs de Jean-Louis, qui comme Serge, tentait l’aventure sans assistance avec l’option sac à dos.

Avant le repas, il y avait la présentation des coureurs et de leurs pédigrées. Je me sentais flotter dans mes vêtements au milieu de tous ses cadors de la longue distance. Pour frimer, je compris qu’il allait falloir encore patienter. Je crois que David avec qui nous dinions avait un ressenti assez proche du mien. Nous étions les petits 6e qui venions jouer dans la cour des grands 3e.

Christiane et Michel en prenaient aussi plein les oreilles et les yeux. Ils semblaient facilement lier connaissance avec coureurs et accompagnateurs. L’aventure commençait bien.

 

Premiers kilomètres

Dominique est un de mes premiers compagnons de route en ces premières heures de course. J’avais déjà croisé la route du champion lors des 6 jours de France où il avait battu le record du monde de la catégorie marche. Il semblait alors peu accessible, concentré sur sa performance à venir, impressionnant de régularité. Il faisait très chaud lors de ces 6 jours et Dominique avait sa baignoire remplie au bord de la piste. J’en fais mon favori. Ces kilomètres passés ensemble permettent de découvrir un autre personnage. Nous prenons le temps de parler. De Paris-Alsace, de nos parcours professionnels. La région que nous traversons, Dominique la connait bien puisqu’il accompagne les touristes sur la baie du Mont Saint-Michel. Saisonnier, il n’a pas 12 jours devant lui pour finir la course… Il prend quelques longueurs d’avance  avant de disparaitre définitivement vers un glorieux destin. Elle est belle cette première partie en bord de mer avec la merveille du monde apparaissant çà et là.

Sur la route, il y a aussi Jean-Louis que j’ai eu l’habitude de croiser sur d’autres courses. Il accumule les traversées trans’nationales et les courses non-stop de plus de 200 kilomètres depuis 2 ans, avec sa paire de Crocs aux pieds qui lui a valu le surnom de Crocsman. Pour moi, c’est Batman, d’autant qu’il a dû porter un jour ce costume parmi ses nombreux déguisement. Son défi du moment, c’est de faire la traversée en solo, sac au dos. C’est un dur à cuire, calme, à la gentillesse toujours égale.

Il y a aussi Christophe, rencontré lors de l’Etoile savoyarde. Cette fois-ci, il n’est pas accompagné de Marie, mais du voisin, Pierre, organisateur des 5 jours de Moussans où il faudra qu’un jour j’aille poser mes baskets. Christophe a été accidenté au travail peu avant le départ et une douleur aux côtes le fait ruminer. Regardant ses chaussettes, je lui conseille de les découper pour prévenir d’éventuelles inflammations au releveur du gros orteil. On verra me dit-il…. De mon côté, mes chaussettes sont découpées au niveau des élastiques et mes chaussures largement desserrée. Le genre de chose que l’on met en pratique sur le conseil des coureurs et coureuses expérimentées et après quelques déconvenues.

A quelques encablures, je distingue David et son fanion aux couleurs de SOS Préma, l’association dans laquelle il est très investi et qui soutient les parents d’enfants prématurés. Quel bonhomme ce type ! C’est un bonheur de côtoyer ce grand bavard rencontré pour la première fois sur l’Ultrathletic Ardèche. Toujours disponible pour l’autre, c’est une belle âme.

Je porte une accélération qui en surprend plus d’un. Je veux juste saluer David une dernière fois, persuadé qu’on ne se reverra plus avant l’arrivée. Je ne parviens pas à revenir à sa hauteur mais j’ignore alors que nous parcourrons encore de nombreux kilomètres de bitume. Sur le bord de la route, il y a Maurice, rencontré à l’Etoile savoyarde  et qui est venu nous encourager.

 

Michel et Christiane sont dans la course

Michel et Christiane ont vite trouvé leurs marques, heureux de trouver dans la course des gens sympas. Sur la route, ils croiseront souvent David, Benjamin et Barbara alias B & B, Pierre et Christophe, Crocs Man, Jean-Louis et Marie-Jeanne, Roger et Manu, Claudine, … Rassurés de ne pas être snobés par le milieu, ils sont déjà aux petits soins et assument leurs rôles avec passion. J’ai de la chance.

Quelques kilomètres plus loin, je cours seul avec le bocage et le Mont Saint-Michel comme décor. Je croise Bernard qui assiste Mimi. Bernard est un pilier de la famille ultra et nous sommes pressés de le revoir rapidement sur le bitume. Les premières larmes montent aux yeux lorsque Nolwenn la plus petite de mes filles me téléphone. La notion du temps déjà perturbée, j’ai oublié que nous sommes le jour de la fête des pères. ‘Tu vas réussir papa, tu viens de retrouver du boulot, tu as un bon karma’. Tout cela provoque beaucoup d’émotions. Dans la soirée, ce sera Chloé, ma grande fille qui m’appellera à son tour. Je les sens proches. Je les aime. Avant de bifurquer vers le sud et de quitter la célèbre baie, bretonne pour les uns, normande pour les autres, nous sommes immortalisés par Thierry. Direction Fougères. Même si le temps est très favorable pour un mois de juin, la chaleur des polders a fatigué l’organisme. Dans mon tableau de marche, j’ai prévu chaque jour une pause importante en début d’après-midi, comme aux 6 jours. Ceci aura pour conséquence une arrivée d’étape tardive. La musique cadence ma foulée. J’ai passé beaucoup de temps à constituer ma playlist. Du rythme, beaucoup de rythme, de l’électrojazz de Parov Stelar à Led Zeppelin.

A l’approche de Fougères, vers 22h30, Michel fait de petits sauts de puces avant de jouer les poissons pilotes dans les rues de la ville. Je suis certes la lueur rouge de ses feux arrière, mais je vérifie toujours la présence du balisage. Un peu plus de 100 kilomètres ont été parcourus. J’ai un peu trop tapé dedans à mon goût mais le contrat est rempli. Une marque au sol pour indiquer l’arrêt et nous quittons le tracé pour dormir à 300m de là. Je dors à l’avant sur la couchette supérieure. Je remue. J’ai des crampes dans les pieds. Le sommeil n’est pas très réparateur.

 

 

Et de une

A 5h40, il est l’heure de se lever. Le temps de constituer ma nouvelle panoplie, de prendre un rapide petit déjeuner préparé par coach Michel et le camping-car me dépose sur la marque orange indiquant le dossard 18. Michel me précède encore jusqu’à la sortie de la ville endormie. Les courbatures sont là et il faut patienter quelques minutes pour relancer la machine.

Je ne me souviens plus avec qui j’ai couru en ce début de deuxième jour. Sans doute avec David, peut-être avec Christophe. Après Craon, il commence à faire chaud. Je rejoins Serge dont la posture s’incline avec le poids de son sac à dos. Nous partageons quelques kilomètres. Je suis impressionné. Quelle modestie chez cet homme franchement sympathique. Serge est le personnage qui m’a donné l’envie de faire de l’ultra lorsque je regardais ses vidéos et les articles alors qu’il parcourait son Paris-Tokyo. C’est à lui que j’ai pensé quand en 2007 je coinçai au 70e kilomètre de mon premier cent bornes à Belvès. ‘Si ce type peut faire 70 kilomètres tous les jours pendant des mois, je dois pouvoir faire 100 kilomètres une fois’ m’étais-dit-je alors. Et effectivement, j’avais pu faire les 100 kilomètres à l’aide de ce genre d’arguments. A proximité de Saint Quentin les Anges où Christiane et Michel m’attendent, je quitte mon compagnon de route. Michel a pris l’habitude de mettre un signe distinctif pour m’aider à repérer le camping-car de loin : le drapeau espagnol de ses racines. Dans cette course, on vient avec son histoire et sa mémoire. Mes accompagnateurs m’indiquent que Jean-Louis se restaure dans un petit resto à 50 mètres de là. Le temps de le saluer, je reprends la route. Avec la chaleur pourtant encore raisonnable, le rythme s’est ralenti. Dans la soirée, la fraicheur a un effet bénéfique sur ma foulée qui redevient dynamique. Je profite du calme de la nuit et des bruits des fourrés. Je suis heureux. Déjà 2 jours d’écoulés et je suis bien vivant. Le moral est là. Nous avons dormi à 20 mètres de la route, au bord d’un étang au Vern d’anjou. Je n’ai pas de souvenir précis du lieu où ma course s’est arrêtée. Trop fatigué sans doute. Avec 200 kilomètres au compteur, je suis dans les temps prévus, mon objectif étant de se constituer un petit matelas par rapport aux 83 kilomètres de moyenne nécessaires à la réalisation du défi. Un matelas sur lequel il n’est pas question de se reposer, mais avec 34 kilomètres d’avance, le compte est bon.

Bien entouré

 

David commence ses journées plus tard que moi. Gros dormeur, il embauche généralement à 7h00, ce qui me laisse le temps de le dépasser et de prendre un peu d’avance avant que son allure plus rapide ne me fasse sentir son souffle chaud dans la nuque et entendre la voix de ce grand bavard toujours en quête de compagnie. A 8 heures, il est déjà sur mes talons. Même s’il est plus vite que moi, il adapte généreusement son allure pour que nous effectuons quelques kilomètres ensemble. Les kilomètres partagés sont toujours autant de kilomètres gratuits. Nous rattrapons Serge avec nous papotons encore un peu. Nous le laissons définitivement, avant que David ne s’envole à son tour devant moi. A ce moment-là, le balai des accompagnateurs a déjà commencé. Je vois passer régulièrement Christiane et Michel bien sûr, mais aussi Barbara et Benjamin et Pierre. Des accompagnateurs attentionnés à leur poulain ou pouline, mais attentifs aussi aux autres coureurs. D’ailleurs j’apprendrais que Jean-Louis me tape quelques-uns de mes bretzels. Ce qui a pour effet de doper ses performances. 

Passage en zone libre



Ce troisième jour est celui qui nous mène à Doué la Fontaine, c’est-à-dire aux portes de l’enfer selon le roadbook. Mais avant cela nous devons franchir la ligne de démarcation et traverser la Loire par les 2 ponts qui précèdent l’entrée dans Chalonnes. Il y a une soixantaine d’années, mon père passait certainement en dessous lorsque sur un canoë en zinc qu’il avait fabriqué avec des amis, il remontait la Loire jusqu’à l’embouchure de Saint Nazaire. J’aime me souvenir dans ces moments de plénitude qu’offrent les longues distances.  A l’approche de l’enfer, Christiane décide de se tester à la chaleur du bitume de faire un bout de chemin à la marche avec Claudine. L’allure est élevée si bien que je ne leur prends que quelques dizaines de mètres en alternant course et marche. Je traine la savate.  La ville traversée, l’enfer me tend les bras en cette fin d’après-midi. Et il porte un nom : la départementale 761. Jusqu’aux abords de Loudun et pendant 32 kilomètres, ce sont 2 défilés de camions et d’autos qui se croisent. Partager la route, c’est un joli concept, mais concrètement les automobilistes ne ralentissent presque jamais à la vue d’un fragile piéton qui arrive face à eux. La vie est précaire, comme disait la philosophe Laurence Parisot… Certains véhicules me foncent carrément dessus alors que personne n’arrive en face. Il faut être très vigilant, se ranger dans l’herbe lorsqu’un camion ne peut se déporter. Ou ne veut… La grosse peur, c’est le véhicule qui double dans le dos et que l’on ne sent arriver. Soudain, lancé à 100 k/h, il passe à un mètre de mon bras. Je ne fais pas le fier face aux provocations du malin. Je sens que Christiane et Michel sont inquiets. Je vise La Motte Bourbon comme terme de ma journée, soit à 8 kilomètres de la fin de l’enfer. Les heures moins chaudes sont quand même les meilleures pour visiter le purgatoire.

A Montreuil Bellay, je profite de quelques moments de relâche et de la vue du magnifique château. Je reçois les messages de Saïd qui à distance soutient les copains et fait le point course pour d’autres amateurs. Il ne serait pas étonnant de le voir sur la prochaine Mil’Kil. C’est une belle sensation que de sentir que nous faisons rêver de futurs candidats à l’aventure. Et puis le répit ne dure qu’un temps.

Je porte un gilet fluo et une lampe ventrale qui est bien pratique et bien visible. J’observe cependant que les poids lourds ont du mal à identifier l’obstacle qui arrive face à eux, ce qui semble plus évident pour les autos. Cette départementale illustre bien le mal que font nos gouvernants lorsqu’ils privilégient la route au rail et démolissent notre service public des transports et notre réseau ferré. Tant de camions ça n’est pas sérieux.

La Motte Bourbon, enfin. Nous devions retrouver David qui a décidé de faire son stop là. Apparemment, les patrons du team SOS Préma ont trouvé un endroit sympa à 200m de la route. Mais à minuit, c’est compliqué de les retrouver pour Michel. Nous dormons donc au bord de la route sur un parking de routiers, bercés par le bruit et le souffle des camions qui roulent à vive allure. Quelles dures conditions de travail pour ces travailleurs de la route. A la fin du troisième jour, je suis libéré de mes craintes. Le compteur est à 293 kilomètres. La course peut commencer.  

 

La course peut commencer

 

Mercredi matin, je repars à 6h00 pour en finir avec les derniers kilomètres de cette route diabolique. Il y a de la brume et le lever du soleil est magnifique. Après Trois-Moutiers, peu avant  Loudun, Michel m’attend pour que je ne rate pas la bifurcation à gauche. C’est la fin du cauchemar. Désormais la route est belle et tranquille. Mais dès 8h00, il fait déjà chaud.

Le matin, c’est le moment où j’ai le moins besoin de l’assistance. C’est pourtant un moment chargé pour Michel et Christiane. Prendre le petit déjeuner, se laver, ranger le camping-car, faire la vidange, faire le plein d’eau, faire les courses, me retrouver et… faire à manger. Tout ça est très sportif… Moi qui n’avais jamais été assisté en course, j’ai un peu le sentiment d’abuser.

Après Loudun, l’ami David revient de l’arrière, comme d’habitude. Nous partageons de nombreux kilomètres. Il me semble que c’est vers Orches que je croise Christian Efflam, autre pointure de l’ultra venu en visite sur la course. De Christian, j’ai copié l’usage du vaporisateur de plantes que j’utilise sans modération dans les grandes chaleurs. 10 fois mieux que les brumisateurs du commerce qui sont l’arnaque du siècle. De la chaleur il y en a. Au pied d’une côte, David part devant et prévoit de m’attendre un peu plus loin où il a une interview à réaliser pour son association. Je le vois partir et comprends très vite que je ne pourrai le retrouver. La côte est en plein soleil et je coince. Là-haut je vois mon camping-car, mais c’est interminable. J’ai trop chaud et il n’y a pas d’ombre. Je crains l’insolation. Arrivé en haut, Christiane et Michel déplient le transat. Je dois refroidir mon corps. Je suis passé près de la correctionnelle. Je m’arrête pendant une heure et quart. Christiane me soigne un orteil qui s’est infecté. Fatigué, j’ai omis de prévenir David qui a dû m’attendre. Et je repars, direction Châtellerault. La température du corps redescendue, tout va mieux, la machine est relancée, mais Christiane et Michel me font part de leur inquiétude qui sera relayée par Christophe et David. J’ai une sale gueule et pour eux je ne mange pas assez. J’accepte de les laisser prendre les choses en main. Désormais ce sera pâtes de nombreuses fois par jour. Mais leurs propos m’inquiètent.

 

A la sortie de Châtellerault, en fin d’après-midi, une mauvaise surprise m’attend. Il fait encore chaud et un mur me fait face. Plus de 15% sans doute. Jean-Louis, le mari accompagnant de Marie-Jeanne qui ne porte pas de Crocs me dépasse au pied de l’obstacle. ‘A combien est le record de la montée ?’ lui dis-je. En haut où Michel me guette, je suis cuit après cet effort. Un couple de cyclistes vient nous questionner sur la course. C’est toujours sympa ce genre d’échange. Il est temps de repartir vers Pleumartin où j’ai décidé de faire étape. Le soleil est rasant, ce qui me rend peu visible des rares autos qui arrivent en face. Un type me prend en photo. Il s’appelle Pierre Marié, il est photographe et fait beaucoup de prises vue du ciel à partir d’un paramoteur. Et il est passionné de course à pied. Voilà qui achève bien la journée. David s’est arrêté peu avant Pleumartin mais je préfère maintenir mon objectif. 82 kilomètres aujourd’hui. Ce sera la plus petite étape de ma Mil’Kil.

 

Je repars vers 6h et quart, pieds soignés. J’aperçois Christophe à 200 devant moi. Je le rejoins alors qu’il a bifurqué pour aller se cacher dans les fourrés. Je fais mine de le prendre en photo dans une posture peu à son avantage et je l’entends protester à haute voix. Nous ferons quelques kilomètres ensemble, occupés à échanger un peu de nos visions du monde et d’autres propos moins sérieux.

 

Le club des 5 au ravito de Lignac

 

A l’approche de Lignac, nous avons l’heureuse surprise de retrouver Pascal, venu à la rencontre des copains de la dernière étoile savoyarde. Il a de la chance, et nous aussi, car à ce moment, David, Christophe et moi-même nous trouvons ensemble. Jean-Louis est là aussi. Nous passons un sympathique moment et partageons quelques moments de rigolade sur une route ombragée et vallonnée. Un peu plus loin, un autre visiteur vient à la rencontre de David. C’est Guillaume, champion de France 2017 des 24 heures, portant le maillot de SOS Prema. Il a le regard d’un passionné et pourtant nous sommes loin d’avoir son talent. Mais l’ultra, c’est ça !

Eparpillés mais dans un mouchoir de poche, nous arrivons à Lignac dont le ravitaillement marque une étape importante dans toutes les têtes. Dans l’ordre, David, Christophe, moi-même, Marie-Jeanne et Jean-Louis venons nous attabler. A l’entrée du village, nos noms sont peints sur le sol. Le mien côtoie celui de Serge…

 

J’ai décidé de faire une importe pause d’une heure et demi. De prendre une bonne douche, de régler quelques problèmes intestinaux, de me restaurer et de me reposer un peu. Sans doute un peu trop car je situais Lignac plus loin.  J’ai commis une erreur depuis le début de course. Celle de ne pas avoir alterné l’usage de mes 2 paires de running neuves. Christiane me suggère de changer de chaussures. J’opte pour cette solution. En quittant cette hospitalière commune, je téléphone à Sylvain, un de mes meilleurs amis, coureur d’ultra lui-aussi, pour échanger sur ma course. Je suis pris d’émotion, ce qui m’arrive quotidiennement. J’ai du mal à raconter ce que je suis en train de vivre, cette aventure qui me dépasse toujours. Pourtant tout va bien, le moral est à grand beau et je suis heureux.

 

Ca grippe

Quelques kilomètres plus loin, patatras ! Une douleur naissante sur la face latérale du genou m’empêche de courir et rend la marche douloureuse. Serait-ce le début de la fin ? Si la forme est là la blessure, elle, peut surprendre à tout moment. La fin de journée se fait en marchant.

 

A l’approche de Baulieu, Michel et Christiane installent le transat en face de l’église située sur la butte suivante. La lumière est magnifique et le décor somptueux. Pourtant, je me renferme. Je dine sans trop parler. Michel me passe son petit-fils Lorenzo qui suit la course à distance grâce à l’application et qui souhaite m’encourager. Sympa le gamin. Je frictionne et bande mon genou, remet mes chaussures du départ portant l’inscription Milkil 1 et repars. Boitant. Je n’en  veux à personne, juste à moi-même, de ce mauvais choix. Il est à retenir qu’il est nécessaire d’anticiper ce genre de situation afin d’éviter les malentendus. Sauf les questions de mise en danger, j’assume toutes les décisions. Il n’empêche que dans de tels moments il m’est difficile de verbaliser. Il n’y aura pas de quiproquo. Tant mieux. Un peu plus loin, je croise William Guillot, en partance prochaine vers le Spartathlon. Je ne sais plus quand j’ai également croisé Charles, milkiller sur une autre édition. La fin de l’étape est laborieuse. Heureusement, Christiane vient partager les derniers kilomètres en marchant à mes côtés pendant que Michel va repérer notre futur lieu de couchage, où nous voisineront avec David et sa super équipe. A Saint-Sulpice les feuilles, terme de notre étape, nous jardinons un peu avec Christiane, faute à une confusion dans la photographie d’un panneau envoyé par Michel. A 23 heures, tous les panneaux se ressemblent. Cette douleur subite au genou suscite mon inquiétude. David vient me réconforter d’une blague vaseuse dont il a le secret et qui me débloque le coin des lèvres. Du froid, du gel anti-inflammatoire, du film étirable et nous verrons demain. Nous avons parcouru 455 kilomètres en 5 jours, soit un rab de 40 bornes.  Nous sommes le 21 juin et la France est bien calme par ici. Aucune trace de la fête de la musique et la coupe du monde de la baballe semble si loin…

Mi-course

A 6 heures, je repars le premier comme à mon habitude, direction la Souterraine, terre de récentes luttes sociales où les salariés de GM & S ont chèrement défendu leur outil de travail. Bonne surprise, la douleur n’est pas là. Avant mon départ, mes pieds ont été soignés par Michel et Christiane. Avec David, nous avons vraiment les meilleures assistances du monde. Michel et Christiane se sont fixé leur propre défi : m’offrir les meilleures conditions d’assistance pour que je puisse aller au bout. Ma détermination les motive et c’est réciproque. La complicité que nous avions eue avec Michel en d’autres circonstances se répète ici. Je n’avais pas réalisé au départ combien faire corps est important sur une telle épreuve. Pourtant, c’est bien d’une équipe qu’il s’agit, animée d’une volonté commune : Avancer. A l’amorce de la seconde partie de la course, tout est magnifiquement rodé. Ce matin, les jambes sont bonnes et ça tombe très bien car le team franco-espagnol a fort à faire à la Souterraine. C’est jour de lessive ! Pendant que le tambour de la machine lave, rince, essore, mes jambes tournent rond sans que je ne sois essoré. Les kilomètres déroulent sous mes pieds.

Près de Saint-Priest la feuille, je rattrape Roger et Manu, le tandem coureur-cycliste des Alpes maritimes. Manu fait quelques centaines de mètres avec moi. Il me raconte que la roue de son vélo lourdement chargé a versé dans un profond fossé. Roger s’est précipité pour l’aider et s’est gamellé à son tour. Ils en ont été quittes pour quelques égratignures et une béquille tordue. Manu fait demi-tour pour retrouver son coureur. La vie est belle. Nous sommes dans la Creuse et le décor promet d’être délicieux. Et le relief accidenté qui se dessine peu à peu n’est pas pour me déplaire.

Je ne sais plus à quel moment David revient sur moi, mais ce qui est sûr, c’est que nous partageons de nombreux kilomètres. Ensemble, nous passons  la marque des 500 où nous attendent nos accompagnateurs préférés pour immortaliser l’instant. Peu avant ce passage nous avons bien ri en voyant le linge mis à sécher oublié par Christiane et Michel à l’arrière du véhicule, volant au vent. L’affaire se solde par la perte d’un tee-shirt pour Christiane.

 

Ce cap de la mi-course fait du bien dans les têtes. Avec David, nous sommes comme des gamins déballant les cadeaux de Noël. Et la Mil’Kil, c’est un merveilleux présent. David connait un coup de moins bien. Non que ça me satisfasse, mais je suis heureux de pouvoir lui rendre la pareille alors que nous grimpons en direction du plateau des Millevaches, lui qui n’a jamais hésité à ralentir pour m’attendre. On court, on marche, on discute, on s’amuse. Non loin de Royère en Vassivière, David délire. Il suggère que nous pourrions économiser chacun une jambe et assurer, lui la jambe gauche, moi la droite. C’est con mais nous partons dans un long fou-rire qui stoppe nette notre progression. Nous approchons du lac de Vassivière. Pendant que nous partageons ces bons moments, nos équipages s’entendent également à merveille. Un peu plus loin, ils nous ont dégotté  une belle place au bord et au bout du lac. J’imagine sans le dire que finir l’épreuve ensemble, ça aurait de la gueule. Mais même si je me sens de mieux en mieux, que ma récupération est excellente, que mes courbatures matinales se font plus douces, je sais que David est intrinsèquement plus rapide que moi.

Il est 21 heures quand nous nous posons. Il est déjà tard pour David, il est encore tôt pour moi. Je n’ai ressenti aucune gêne au genou. Depuis le deuxième jour, j’ai opté pour la couchette du bas. Et dès mon arrivée, je décide avec Michel de mon heure de réveil du lendemain. Je prépare mes affaires pour le matin, accroche mon dossard, glisse une compote et une ou deux barres sucrée la pochette fixée sur ma ceinture. Eventuellement Michel me lit le roadbook. Ces moments de concentration font aussi partie de la course. Il me faut toujours être mobilisé. Presque toujours. J’ai à présent raccourci mes pauses en journée. Je mange souvent en marchant mon bol de pates. Déjà parce que le moral me pousse vers l’avant, et puis s’arrêter moins c’est générer moins de toxines et donc moins de courbatures. Enfin, ça permet d’achever la journée plus tôt. En arrivant à 21h, je peux profiter de ma douche, boire une bière avec Michel et diner tranquillement. Arriver plus tôt signifie aussi repartir plus tôt le lendemain. Nous avons parcouru 544 kilomètres.

Gros moral

C’est donc à 5h30 que je quitte le lac après m’être levé une demi-heure plus tôt et m’être appliqué à respecter l’habituel cérémonial : se lever dans la minute, se crémer les pieds et les parties intimes, mettre la lampe ventrale, prendre un petit déjeuner léger et offrir mes pieds à soigner à Michel, Christiane, ou les deux ensemble. Michel a souvent mal dormi depuis le départ. Et cette nuit encore fut agitée. Entendant un rodeur près du véhicule, il sortait du véhicule armé d’une matraque. Pour découvrir que le rodeur, en fait une rodeuse, n’était que Lapinou, la compagne de Jean-Louis venue l’assister pour le week-end. Lapinou matraquée par Michel ça aurait fait désordre dans le milieu. C’est vrai qu’elle fait peur Stéphanie avec son regard mauvais toujours prête à mordre... Nous avions partagé quelques kilomètres ensemble elle est moi lors des 6 jours de France alors que nous connaissions respectivement un passage difficile. Quelques kilomètres après, nos jambes respectives se remettaient à courir.

J’ai la forme et une belle détermination en me dirigeant vers Faux la Montagne. J’aime le silence et observer le jour naissant dans la fraicheur du matin. En partant si tôt, je sais que ma journée risque d’être très solitaire. Après Faux la montagne, je retrouve mes assistants en grande discussion avec Manu et Roger, ces derniers leur étant apparus tel un mirage en sens inverse de la course. La veille, ils se sont trompés de route avant le lac et ont passé la nuit dehors. Michel et Christiane les trouvèrent frigorifiés, hagards, affamés. Je poursuis ma route. Avant Peyrelevade, nous rentrons en Corrèze par les bords du joli lac de Jamet. Au revoir la Creuse et ses beaux pâturages. La Corrèze ne sera pas moins belle.

A midi, j’entre dans à Meymac, soit plus d’un marathon parcouru depuis Vassivière. La petite route qui suit est très agréable entre les prés et le bocage. On y trouve un lieu-dit du nom de Bismuth. Le plus gros escroc de France se cacherait-il en Corrèze ? Les 50 premiers kilomètres sont désormais un vrai plaisir chaque jour et se passent dans une relative facilité. Je profite pleinement des paysages. A partir de ce seuil, j’estime avoir assuré ma journée et la poursuis plus tranquillement avec des moments de mieux et de moins bien. Je suis serein.

Un pont s’est écroulé au niveau de la Palisse. Il nous oblige à empreinter une déviation qui portera la distance finale à 1003 kilomètres. C’est au niveau de cette déviation que je commence à coincer après 65 kilomètres de course. Une bonne pause à l’ombre à me restaurer dans mon transat est alors la bienvenue. Et puis il faut repartir direction Neuvic. Je ne reconnais pas les lieux, mais j’ai passé des vacances, gamin, dans la région. Je faisais mes premières sorties avec mon vélo Gitane rouge avec ses 3 vitesses et ses roues de 600. Mon père nous avait emmenés mon cousin et moi faire une trop longue sortie de 70 kilomètres jusqu’au barrage de l’aigle. Nous étions rincés. Il s’était fait engueuler par ma mère au retour. Moi j’étais heureux.

Ma mère, je l’ai quotidiennement au téléphone. Hospitalisée un mois plus tôt, elle va toujours de l’avant sans jamais se plaindre. Elle n’a jamais fait de sport et pourtant elle a le mental qui fait les coureurs d’ultra. S’occuper des autres l’aide à tenir le cap. Mes filles aussi suivent mon évolution de près et me supportent. Que c’est bon et riche en émotions de les entendre, enthousiastes, au téléphone. Chloé, ma plus grande me parle de son projet de randonnée sur le sentier des douaniers. J’espère qu’un jour prochain nous randonnerons ensemble.

Quelques kilomètres après avoir quitté la sous-préfecture de Corrèze, nous abordons une longue et douce descente arborée et tranquille. Il n’y a plus qu’à se laisser porter. Michel et Christiane filent devant pour trouver notre point de chute et prendre leurs douches avant mon arrivée. Je suis vraiment gâté par toutes leurs attentions. Au bas de la descente, je traverse un long pont sur la Dordogne et au bout duquel nous faisons étape. Il doit être 20h30. 633 kilomètres ont été parcourus en 7 jours.  David arrive un peu plus tard et je ressors de ma roulotte pour l’accueillir. Une fois de plus le 18 et le 19 sont réunis alors que la Corrèze cède la place au Cantal.

 

 

Je marche seul



Dimanche 24 juin. Je pars à 5 heures du matin dans une totale obscurité. La traversée du Cantal constitue la partie la plus escarpée de la Mil’Kil. Et elle débute par une douce montée de 10 kilomètres jusqu’à Mauriac. C’est donc en marchant que j‘entamme la journée. Il n’y a personne. Que la nuit pour compagne. Vers 5h30, le ciel s’éclaircit doucement. Comme tous les jours, je verse une larme. Heureux d’être là après tout, j’allais piano debout, c’est peut-être un détail pour vous. Il va falloir s’habituer à ses journées de solitude. Elles me vont bien mais c’est certainement moins drôle pour Michel et Christiane. Le moral est à son maximum. A Salers, nous faisons une pause à la terrasse d’un café. Christiane a acheté des gâteaux aux pruneaux. Je mange le mien avec gourmandise en faisant fi des vertus de ce fruit. C’est les vacances et on est bien. Mes amis vont aussi acheter du Salers et du Cantal qui me font déjà saliver. Je parle bien sûr du fromage. Après Salers, je veux dire le village de Salers, le décor est somptueux. La moyenne montagne fait face, verdoyante. La philharmonie bovine locale nous offre un concert de clochettes dans la descente vers la vallée qui nous mène au pied du col de Legal. Et quelles sont belles les Salers avec leur imposant costume marron qui se marie avec le vers des pâturages. J’évoque  ici les vaches… Des vaches, nous en avons vu de toutes les couleurs depuis les normandes blanches tachetées de noir. Non, peut-être pas de toutes les couleurs quand même.

                             

Dans la descente, je croise de nombreux cyclistes d’un âge certain pour la plupart. Ils me saluent lorsqu’ils ne sont pas en apnée. Avant d’arriver au pied du col, nous traversons les beaux villages d’Anglars de Salers et Foutanges. C’est dans ce secteur que derrière, David a dû s’égarer et prendre une mauvaise pente durant 4 kilomètres avant de faire demi-tour. Mais comment le bougre a-t-il pu grimper aussi longtemps sans s’inquiéter de l’absence de balisage ? Dans son malheur, il a eu de la chance car où il se trouvait, les communications téléphoniques passaient et il a pu appeler SOS B & B. En conclusion, nous ne pourrons nous retrouver qu’à l’étape.

 

Sur ma route il y avait un Olivier

C’est maintenant la montée vers le Col Saint-Georges. Les dénivelées ne sont pas abruptes et me conviennent parfaitement. Au sommet, je croise Lapinou, ce qui signifie que Jean-Louis n’est pas très loin derrière. Après le passage au col, la route continue à s’élever. J’ai la bonne surprise de faire la rencontre d’un cycliste autochtone achevant sa sortie. Il propose de me tenir compagnie jusqu’au col de Legal. Il est le bienvenu et me permet de cadencer mon ascension. A l’arrivée au col, Olivier me raconte qu’il y avait là de très beaux arbres récemment abattus pour le développement de la station de ski. Olivier me prends en photo qu’il m’adressera quelques jours plus tard. Je regrette que nous n’ayons pas fait de photo ensemble.

Après m’être restauré vraisemblablement de pâtes à l’huile d’olive, je tente de profiter de la longue descente vers Aurillac pour changer de chaussures. Je me dis alors que les appuis seront moins prononcés, mais je suis soucieux. Je n’ai guère le choix. Mes Mil’Kil1 offertes par mes anciens collègues sont râpées. Place aux  Mil’Kil2, sœurs jumelles des premières.

 Dans la descente, je croise à nouveau Lapinou à la recherche d’un endroit bucolique et à l’ombre pour déjeuner en compagnie de son amoureux. Je lui indique un endroit que je pense meilleur 50 mètres plus loin. Un peu plus tard, Christiane et Michel m’attentent au lieu-dit ‘La Croix de Chelles’ et m’offrent un sorbet. Il fait chaud depuis le passage au col. Nous cédons la place à Lapinou. Jean-Louis aura probablement, lui aussi, sa glace. La descente est agréable mais perturbée par l’effet des pruneaux sur mes intestins. Je multiplie les pauses techniques et accepte les sachets de Smecta proposés par Christiane.

Vers 17h30, je rentre dans Aurillac juste après le kilomètre 700. La chaleur de la ville m’épuise et à cet instant, la journée devient difficile. Après une pause à l’ombre vers les dernières artères de la ville, je pars pour une fin d’étape peu sympathique. Avant de retrouver le calme, il faut de nouveau faire face aux autos rugissantes sur une route très passante à 3 voies. La route départementale est rectiligne et interminable. Le soleil dans mon dos tape fort. Rasant, il offre peu de visibilité aux conducteurs qui viennent vers moi. Enfin, éprouvé, je pénètre dans Flavin, village où nous faisons étape et qu’il me faut encore traverser. J’ai ma sœur au téléphone, enthousiaste. ‘Nous, on en veut encore de la Mil’Kil’ me dit-elle. Si je suis fatigué en cette fin de journée, le moral et la détermination sont là. Et bien là. J’ai oublié mes craintes liées au changement de chaussures. Et puis, il est tôt. 20h00. Ce qui me laisse le temps de me raser pour la première et seule fois de la course. Nous sommes garés entre le monument aux morts et les locaux d’un centre aéré. Il reste une place. Celle de David et de son gros véhicule. Il arrive vers 22h30, contrarié par ses kilomètres effectués pour la gloire… ou pas. J’ai 716 kilomètres au compteur. David un peu plus.

 

Le bon samaritain

Je bondis lorsque le réveil sonne à 5h00 et je pars une fois mes orteils soignés. Il me reste encore 500 mètres de cette foutue départementale avant de trouver, sur la droite, une petite route tranquille plus propice à la méditation. Les jambes tournent rond mais je suis encore endormi. Sur l’application pour smartphone Mil’Kil qui géolocalise les coureurs, je vois que Dominique est arrivé en ayant battu le record de l’épreuve de quelques heures. Chapeau l’artiste : Je rédige un petit mot de félicitations sur le fil de discussion qui relie coureurs et accompagnateurs.

Au-dessus de la vallée du Lot, nous attaquons une longue descente ombragée. La vue est splendide par endroits. A 11h00, je suis en bas et je franchis un vieux pont marque l’entrée dans l’Aveyron et le passage aux ¾ de la course. La Creuse, la Corrèze et le Cantal auront été mes départements préférés. Par leur tranquillité, la beauté des paysages et le temps idéal pour la saison que nous y avons trouvé. Par contre le constat de la désertification des campagnes est sidérant. Trouver une boulangerie, un café, des commerces dans les secteurs traversés s’avère une rude épreuve. Il est évident que les politiques de ces dernières décennies ont delaissé ces campagnes qui sont pourtant l’image du pays. Il y a encore des vaches mais pour combien de temps ? Il me semble évident que la survie des campagnes passe par le développement des services publics : de la poste, des transports, de l’éducation, des commerces de proximité…

La route est en devers pendant de nombreux kilomètres et, la chaleur aidant, provoque une inflammation d’un tendon latéral du pied droit. Je déjeune du côté de Saint-Cyprien sur Dourdou dans le camping où Michel et Christiane m’ont commandé une pizza que je dévore accompagnée d’une boisson impérialiste et gazeuse bien connue, salutaire pour les troubles intestinaux. Je repars dans la chaleur qui désormais ne nous quittera plus. 

Je m’aperçois en consultant l’application que j’ai de nouveau dépassé Jean-Louis au moment où nous nous éloignons du Dourdou. Dommage, je ne l’ai pas vu. Non que je sois grisé par ma vitesse, mais certainement parce qu’il s’est arrêté déjeuner à l’ombre. Si mes journées sont solitaires, les copains ne sont jamais très loin. Michel me guide dans la traversée de Marcillac, toujours vigilant à ce que je ne m’égare pas. Le tracé est cependant très bien balisé. Quel travail de titan de la part des organisateurs pour mettre en place le fléchage !

 

Au sortir de la ville, nous remontons vers un paysage de Causses. Nous sommes sur un plateau beau mais chaud. Je croise Xavier à plusieurs reprises. Il assure désormais l’assistance de Jean-Louis qui a quitté le mode solo et abandonné le sac à dos. A l’approche de Rodez, mon tendon est échauffé et la douleur me contraint à m’arrêter. Nous sommes dans la descente à 3 kilomètres de l’entrée de la ville. Je sais depuis quelques temps que Denis qui habite à proximité viens à la rencontre des copains. La veille, c’est Mimi qu’il accueillait. Elle mène une course remarquable à l’avant et dois dormir peu comme à son habitude. Denis vient au-devant de nous là où nous nous sommes posés. Et il sort de sa voiture une grosse glacière d’où il extrait de la glace pour les bobos et des bières. Nous trinquons pendant que je refroidis ma cheville. C’est un vrai bonheur que de le retrouver ici, sa bonne humeur, sa générosité et son enthousiasme. Il a les yeux qui pétillent à suivre notre aventure et assurément, dans 2 ans, cette course est faite pour lui. Il indique à Michel le chemin du supermarché le plus proche et part à la rencontre de Jean-Louis, puis David, puis Daniel alias bob avec un b minuscule à ne pas confondre avec Bob qui n’a pu prendre le départ. Denis doit nous retrouver en fin d’étape et nous apporter des emplâtres et du gel Flector pour soigner les inflammations. Je traverse Rodez pendant que Michel et Christiane font les courses. Nous envisagions de dormir à la sortie de la ville dans la bourgade du Monastère, mais au moment où ils règlent les achats en caisse, je m’apprête à quitter la commune. Nous décidons donc de pousser le cochonnet un peu plus loin, dans une zone plus tranquille, et de me rapprocher ainsi de la moyenne des 90 kilomètres par jour. Nous choisissons la petite commune de Flavin comme lieu d’amarrage. A 500 mètres de l’entrée du village, Denis, qui a posé son carrosse à côté de notre roulotte vient à pied à ma rencontre. Je le laisse poursuivre sa route à la rencontre de David, qui suit quelques kilomètres à l’arrière. Il est 20h30 à mon arrivée. Nous sommes garés sur un grand parking d’entrepôt, adjacent à un champ.

Plus tard, quand David arrive en compagnie de Denis, avec nos 2 équipages au complet une nouvelle fois réunis nous prenons l’apéro. Mais c’est encore l’invité qui régale. Il ressort à nouveau la glacière magique et offre bières, gâteaux au pruneau et brioche. Ce n’est pas moi qui mangerai les gâteaux aux pruneaux pour des raisons déjà évoquées. Je me couvre car j’ai un peu froid après avoir glacé mes

tendons. J’ai posé l’emplâtre apporté par notre bon samaritain. Cet apéro improvisé alors que nous commençons à envisager l’arrivée à Sète est un des meilleurs moments de l’épreuve. De cette Mil’Kil, je vais oublier beaucoup de choses. Ce qui est certain, c’est que la discipline de  l’ultra-marathon a cela de particulier qu’elle offre des moments forts en émotions que l’on n’oublie pas. Ce moment-là restera assurément figé dans mon album à bons souvenirs. J’espère avoir l’occasion, Denis, d’être à mon tour ton bon samaritain.

 

Bionic’David

Nous rentrons dans nos logis respectifs alors que la voiture de Denis s’éloigne. Je prévois le lendemain de me lever à 4h30 car la journée s’annonce torride. Un aléa est venu dans la journée réduire notre confort. La trappe des WC s’est en effet cassée sans que personne n’ait forcé, et les toilettes sont à présent condamnées.  Le propriétaire nous fera plus tard injustement payer l’addition. Il reste moins de 200 kilomètres avant Sète, et si l’optimisme est logiquement là, je dois penser à éloigner les pensées parasites. Il peut être en effet tentant de s’emballer et de vouloir arriver au plus vite, d’allonger le temps de course et le nombre de kilomètres parcourus. Décision que j’aurais certainement prise si ce n’était ma première participation. Mais 200 kilomètres, c’est encore long et il peut arriver encore beaucoup de choses. Il faut donc être vigilant et se recentrer sur l’objectif. Celui de faire partie de ce cercle fermé des milkillers. Pour l’euphorie, nous attendrons un peu. Je suis serein car j’ai un très bon état de fraicheur physique qui d’ailleurs me surprend. C’est cela l’important.

Alors que je m’apprête à quitter le camping-car, je reçois un message de David : ‘A quelle heure pars-tu ?’. ‘A 5 heures lui dis-je’. David a décidé de partir plus tôt aujourd’hui. Chouette, nous devrions faire route ensemble assez rapidement. Je suis dans les dernières ruelles de Flavin lorsque je m’aperçois que j’ai oublié mon bidon d’eau sur ma couchette et je dois bousculer Michel et Christiane dans leur réveil matinal. Pas glop. La fraicheur m’accompagne pour ces premiers kilomètres et les tendons à cette heure ne sifflent plus. A peu de choses près, cette journée est la dernière à proposer un relief accidenté. Je grimpe vers Trémouilles où les habitants au nom rafraichissant de trémouillais se préparent à un chaud week-end de fête. Attention à l’hydratation !

 

 

Peu avant le joli lac de Pareloup, David m’appelle. Il n’est pas bien. Son releveur est gonflé. Je lui dis que 200 kilomètres avec le releveur en vrac ça doit aller au bout. Je le sais pour l’avoir vécu à plusieurs reprises sur les 6 jours. Mais son rythme sera considérablement affecté. Et s’il ne m’arrive rien, nous ne finirons pas ensemble. 

Nous faisons face maintenant au joli village de Salles-Curan. Plus loin, j’ai le plaisir de croiser Dominique, notre magnifique vainqueur. Il remonte en voiture vers le Mont Saint-Michel pour reprendre son activité professionnelle. Il me fait l’honneur de courir quelques centaines de mètres à mes côtés et d’échanger quelques mots avant de reprendre la route. Mes arrêts se font brefs car j’ai de très bonnes jambes.  Je fais une pause le temps de réaliser avec Michel une petite vidéo pour notre camarade André, un ancien collègue de travail qui fête aujourd’hui son départ en retraite.  Par hasard, je découvre que ma playlist disparue depuis une semaine n’était finalement pas effacée. Je repars regonflé par le rythme saccadé de l’electrojazz. Alors que je n’envisageais ma participation à l’épreuve que comme une unique occasion, je me mets à rêver de revenir dans 2 ans. On est si bien ici ! Par contre, il faudra étudier un mode de financement car je ne pourrais engager autant de frais que cette année.

Bientôt, après le passage au col de Vernhette, l’horizon se dégage et laisse apparaître au loin le viaduc de Millau qui s’offre à notre vue durant une longue descente. Je dévale, suivi à quelques dizaines de mètres par Jean-Louis. Michel et Christiane se sont garés juste après le Pont qui franchit le Tarn sur une aire agréable et ombragée et, quel luxe, disposant de toilettes publiques. Je ne prévois pas de faire une pause ici car je me sens bien, mais Michel et Christiane insistent. La montée qui suit est très exposée au soleil. Je décide de les écouter, contrarié mais convaincu. Je prends le temps de déjeuner, de me glacer les chevilles et les genoux et même de faire la sieste allongé dans mon transat face au Tarn. Michel et Christiane me refont les pansements des orteils. Leur minutie sans faille m’a permis de faire la course avec des pieds presque intacts. Je crois que Christiane à ce moment du stage de podologie connais mes pieds mieux que je ne les connais. Je me sens accompagné comme un sportif de haut niveau.

 

On ne sent pas toujours que le coup de chaud n’est pas loin. Lorsque je repars et alors que la température de mon corps s’est abaissée, je comprends que leur insistance était une bonne chose. Il y a une bonne communication dans cette équipe ! La montée est très chaude et le décor moins beau. C’est évidemment difficile mais comment ne pas avoir le moral à ce moment de la course ? J’ai connu une très bonne première partie de journée et il ne reste plus qu’à avancer patiemment.  La chaleur affecte les organismes, fait souffrir muscles et tendons. J’ai avec moi mon pulvérisateur de jardin pour me rafraichir. A partir de Roquefort, la route s’incline encore fortement mais elle est plus agréable et parfois ombragée. Christiane marche pendant quelques kilomètres à mes côtés. Sur une journée chaude comme aujourd’hui, je bois de 8 à 10 litres d’eau.

La fin de journée est belle est calme. Le soleil se couche peu à peu et la lumière est magnifique. Petit à petit les jambes redeviennent plus dynamiques. J’aperçois Jean-Louis au loin, au ralenti. Je veux le rejoindre avant mon arrêt. Je cours à 10 km/h et je ne sens plus mes jambes. Mon ombre immense vient le happer.  Nous faisons quelques centaines de mètres ensemble. Lorsque je lui demande s’il pense s’arrêter, Il me répond que non. Quel mental il a Batman ! Il aurait été quelqu’un d’autre, je n’aurais pas trouvé cela raisonnable. Il est 21h00. Nous sommes à Saint-Beaulize au dixième jour de course, kilomètre 891. Au cœur du village, l’endroit est agréable et calme et doté de toilettes publiques. La douche fait du bien et le gel mentholé sur les jambes aussi. Nous trinquons comme chaque soir maintenant.

David a bien souffert aujourd’hui mais il avance et s’est garé 10 kilomètres derrière moi. Benjamin a confectionné un système à l’aide d’un tendeur allant du pied au genou afin de soulager le releveur. Il devrait le présenter au prochain concours Lépine (dans le pied). Christophe a fait une grosse journée et ne dort pas très loin.

 

Il est beau l’Hérault

Je repars un peu avant 5h00. Jean-Louis a bien avancé dans la nuit. Il est 20 kilomètres devant moi. Je ne le reverrai plus sauf si… La chaleur a laissé des toxines dans les jambes et je dois marcher un peu pour éliminer les courbatures. Mais la fraicheur est là et les collines sont vertes et belles. Une heure après mon départ, alors que je guette la marque des 900 kilomètres, je suis coursé par une meute de chiens au lieu-dit le clapier, signalé dans les récits de la Mil’Kil. J’ai la trouille des chiens et il y en a beaucoup, qui aboient, qui grognent, me chatouillent les mollets et la paume de la main. Mais c’est la course et il faut avancer. Au 900e, le calme est revenu. A 7h00, nous rentrons dans l’Hérault, le dernier département à traverser. Au col du Perthus, nous tournons à gauche pour prendre une jolie petite route qui descend jusqu’à Lodève. Je retrouve notre camping-car garé sur la droite. Michel et Christiane sont afférés à soigner Christophe, démoralisé. Son releveur a lui aussi fait des siennes. Je lui adresse un mot d’encouragement. A 85 kilomètres de l’arrivée, ça va piquer mais tu pourras marcher. Ainsi, les compresses de Denis auront servi à 3 coureurs.

 

Et la chaleur monte

Je déroule dans la descente jusqu’à Lodève. A la sortie de la commune il commence à faire vraiment chaud. Dorénavant la route sera plate jusqu’à Sète. Les cigales s’en donnent à cœur joie. Vers midi et demi, nous arrivons aux abords du lac du Salagou. C’est un endroit très beau avec sa terre rouge et les nuances de vert de l’étendue d’eau, mais pour moi, c’est le début du purgatoire. C’est en effet le cagnard et je suis obligé de m’arrêter. Coup de chaud. Malheureusement, il n’y a pas d’ombre et j’ai du mal à me refroidir. Je manque de m’endormir. Je repars mais je ne suis pas bien. La chaleur maléfique de la route monte le long des jambes jusqu’aux genoux. Je fais des sauts de puce et multiplie les arrêts. Enfin, vers 15h30, j’ai achevé le tour du lac et c’est aussi la fin des terres rouges. J’arrive à Liausson, qui ne possède malheureusement pas de café. Mais il y a un lavoir où je peux me rafraichir au frais, puis une autre halle un peu plus haut. Je peux enfin récupérer de la chaleur. Dorénavant, que peut-il m’arriver ? Un couple de cyclistes vient se renseigner sur ce que nous faisons. Plus loin un automobiliste et un motard règlent des comptes. Sur une route où presque personne ne passe, c’est très fort !

 

Je repars, plus déterminé que jamais et franchis un peu plus loin la marque des 950 kilomètres, avant Clermont L’Hérault. Les kilomètres qui suivent ne sont pas les plus intéressants. Il faut faire de nouveau attention à la circulation et aux automobilistes excédés. Je lis les encouragements des copains, Phiphi, le Shung, Chloé, Philippe, Olivier, Frédérique, Olivier, Patricia, Floran, Richard, Muriel, Katia, les Bazenhos et d’autres encore. A Canet vers 18h00, il ne reste plus qu’un marathon. Pour moi c’est gagné. Je sais que j’irai au bout. Il fait encore chaud mais le plus dur est passé. Michel me dis que ce serait bien de trouver une cabane à pizza. J’avance de 20 mètres et que vois-je ? Une cabane à pizza, chose rare à trouver depuis la Creuse.

 

Phase terminale



Pendant que Michel commande les pizzas, je franchis l’Hérault et m’engage sur un nouvel enfer routier programmé sur 23 kilomètres. Fatigué, je veux absolument les franchir avant la fin de la journée. Lorsque mes amis me rattrapent, nous nous arrêtons dans les vignes pour partager le repas. J’ai la mine fatiguée mais qu’importe. Pastèque et pizza font le plus grand bien. Je repars avec ma casquette sahara car il fait encore chaud. Vers Villeveyrac, nous pouvons apercevoir au loin le Mont Saint-Clair. L’arrivée est là-bas. Poussan marque la fin du secteur dangereux. Il reste 17 kilomètres avant l’arrivée. Il est 22h30. Je m’interroge, questionne Michel. J’hésite à finir maintenant mais la chaleur m’a vraiment éprouvé. L’approche de Sète me stresse et je ne pourrais arriver que vers 2 heures et demi ou trois heures. De plus mon ischio que j’avais oublié depuis Saint-Malo refait des siennes. Je me décide de stopper là et de partir suffisamment tôt pour boucler la Mil’Kil en moins de 11 jours en pouvant ainsi mieux profiter des derniers kilomètres. Je veille cependant à ce que Pierre et Christophe quelques heures derrière moi se sont bien arrêtés pour dormir. Je tiens à conserver ma belle 13e place. ‘Michel, ça t’embête si on se réveille à 3h30 ?’

Notre équipe est au bout, je suis Mil’Killer


A 3h20, je suis debout et très vite, je m’engage dans les ruelles de Poussan. J’essaie de réaliser, de profiter mais ce n’est pas facile car ces derniers kilomètres sont assez urbains, ce qui m’incite à accélérer la foulée. Pour la première fois, Michel s’égare. Je le remets sur le bon chemin. A l’entrée de Sète, il m’attend pour m’indiquer une dernière fois le chemin. Je file rejoindre les canaux. A présent, je marche. J’essaie de profiter du moment. Je m’arrête acheter un maxi pain au chocolat alors qu’il reste 4 kilomètres. Un peu plus loin, je crois m’égarer car l’application de géolocalisation m’indique que je suis du mauvais côté du chenal. Je ne comprends pas. Je téléphone à Michel qui, avec Christiane, est aux côtés de JB. Ils ne sont finalement qu’à 200 mètres de là et c’est l’indication de l’application qui est erronée. Au pied du Mont Saint-Clair, JB me salue. Nous montons tous les 3 les forts pourcentages de la route, Christiane, Michel et moi.  Nous avons été un merveilleux équipage. Je sers le poing. J’écoute un enregistrement de la superbe voix de ma fille Nolwenn. Je pense à mes filles. Et puis, nous arrivons dans la dernière ligne droite, longue. A cent mètres je m’élance en courant pour profiter de l’accueil des autres milkillers, suiveurs, organisateurs. Gilbert et Bernard tiennent la banderole. Mimi me tends les bras. JB est là bien sûr. Alex est toujours ravi d’attendre les copains. Il y a Pierre-Henri, l’autre sénateur du Tor des Géants, Xavier, Jean-Hervé, Bob, Gérard. Je pose le pied sur l’étoile après 10 jours 23 heures 15 minutes. Derrière, en contrebas, il y a la mer. L’autre mer… Nous immortalisons l’instant avec Michel et Christiane. Sans eux, je ne sais pas si j’aurais fini ou pas, mais la course aurait été autrement compliquée. J’avais à cœur de faire au mieux pour eux, ils avaient à cœur de faire au mieux pour moi. S’il n’y a qu’un coureur, c’est bien l’équipe qui doit avoir envie d’aller au bout. Et c’est à l’équipe qu’appartient ce résultat. Nous avons vécu une expérience humaine que nous n’oublierons pas. .

Je dois remercier aussi Muriel. Si ma détermination s’est montrée sans faille, c’est aussi grâce à son travail (https://sophromu.fr/).

Je suis Mil’Killer et je finis sans blessure et dans un bon état de fraicheur. Mon nom s’écrit maintenant avec un point d’exclamation. La bière fraiche à l’arrivée est la bienvenue.

 

Il est temps d’aller prendre une bonne douche avant d’attendre l’arrivée des autres coureurs. A chaque arrivée, nous nous réunissons sur le panoramique pour faire un comité d’accueil avec la banderole et la glacière remplie de boissons fraiches. C’est un moment fort que d’accueillir les copains. Je suis parfois plus ému qu’à ma propre arrivée. Ainsi me succède Pierre, Christophe ému aux larmes, Marie-Jeanne qui n’en revient pas d’être enfin arrivée au bout à la 4e tentative. Et puis bob qui boucle en  finissant très fort sa 3e Mil’Kil. Enfin, l’ami David entouré de sa compagne, sa fille, les B & B et des amis de SOS Préma. On l’a fait, hein, David !

Derrière, il y a encore Dario et son team tout en couleurs, Claudine, puis dans la soirée Serge. Bien qu’ayant mis le réveil, je raterai avec regret  l’arrivée de Bernard, vétéran 4, aux alentours de 6 heures. A présent, nous descendons sur Sète pour la remise des récompenses et le déjeuner d’adieux. D’adieux ? Non, je ne crois pas. Trop de liens se créent dans cette aventure fraternelle.

 

 

Photographies : Michel, Benjamin,

Barbara, Thierry, David, Pierre

et moi-même

 

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