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Ultra Boucle des ballons

Par Jihem - 21-07-2019 00:31:09 - 3 commentaires

Ultra Boucle des ballons 202 kms dans les Vosges et en Alsace

Le défi Action Real comportait 4 étapes. 4 gros morceaux. Le dernier, la Boulendale, était de taille  : 380 kms et 10000 m de D+ à parcourir en 4 jours dans les Alpes Maritimes et les Alpes de Haute Provence. Des paysages magnifiques que je connais un peu avec un passage au col de la Bonnette haut de 2800 mètres. Seulement voilà, le mai, je recevai un courrier électronique nonchallant m'indiquant qu'avec 2 seuls inscrits, la course était annulée. Heureusement, mes billets n'étaient pas encore pris mais par contre mers congés étaient posés.

Quelques jours plus tard, je vois passer sous mes yeux un dernier rappel avant clôture des inscriptions pour l'U2B. Cette course au drôle de nom propose un sérieux plat de consistance avec 202 kms et 4750 m de dénivelé positif à parcourir en 36 heures dans les Vosges et en Alsace avec le franchissement des principales difficultés de la région. La chose est tentante. Si tentante que j'envoie derechef mon inscription.

Mais une semaine avant les Vosges, il y a un autre plat à digérer non moins copieux : La Montagn'hard, trail technique de 106 kms et 8300 mètres de dénivelé positif, l'occasion de faire un ultra avec mon ami Sylvain.

Il est 4h à Saint Nicolas de Veroce quand nous nous retrouvons tous les 3, David, Sylvain et moi sur la ligne de départ. 5 ans que je n'ai pas pris le départ d'un ultra trail. Je ne connais personne à part le Bagnard et Françoise. Il fait bon, le temps de prendre un dernier café. Je sais que ce sera compliqué 2 semaines après la fin de la mi milkil et je ne veux pas me mettre de pression. Des orages potentiellement violents sont annoncés. On verra.

A 5h00, c’est le départ pour les 350 coureurs du 100. Après 150 m, nous virons à droite. C’est parti pour 1400 m de dénivelé positif. David part devant. Je me cale dans la foulée de Sylvain. Après la mi-pente, j’ai le sentiment que Sylvain m’attend. Puis il part devant lui aussi avant d’attaquer la crête du Mont Joly. Je craignais que ma peur du vide m’empêche de passer. Je ne regarde pas à droite, je fige mes yeux vers le sol. Et ça passe. Avant la descente, au ravitaillement de Tierces, je rejoins mes 2 acolytes et me lance comme un damné dans la descente. Seulement 1400 de dénivelé négatif, c’est long et les quadriceps finissent par fumer. Sylvain me rejoint avant la fin de la descente et je le laisse partir. Au ravitaillement du Pontet, je suis cuit. J’hésite et je décide de repartir. David n’est pas encore arrivé. Quelques coureurs me dépassent sur la portion plate puis j’attaque le Bolchu pour 1000 m de dénivelé. Je pense alors être dans le fond du panier. Ca va mieux mais je sais que je ne pourrais aller au bout. Je décide donc de stopper là pour me préserver pour l’U2B dont le départ est donné une semaine plus tard. J’ai fait 30kms et plus de 1500 m de dénivelé positif. En faisant demi-tour, je m’aperçois qu’une centaine de coureurs et coureuses étaient encore derrière moi. Beaucoup me demandent si ça va. J’appelle Sylvain pensant qu’il est loin devant. Le pauvre a fait une erreur de parcours. Nous abandonnons ensemble.

Seul David a continué. Malheureusement pour lui la Montagn’hard a été raccourci à 60 kms pour des raisons de sécurité. Pour finir, on le rapatrie comme beaucoup d’autres coureurs à causes des prévisions météorologiques. Au final, je crois que je suis le moins frustré des trois.

Jeudi matin, les courbatures se font encore sentir sur les quadriceps. Je sais que ma réussite est improbable mais je suis bien décidé à aller au bout de mes capacités. 2 réussites sur 4 objectifs donneraient quand même au défi Action Real une meilleure tonalité.

Vendredi, j’arrive à Munster à 15h00 précises au camping de la Fecht accolé au parc du même nom où doit être donné le départ. Denis est là depuis la veille et je plante ma tente sur son grand emplacement. La remise des dossards se fait sur le parking, façon ‘tombés du camion’. Il y a là Jean-Louis et Lapinou comme d’habitude sur ce genre de formats. Il y a bien sur Christophe Henriet, le courageux organisateur. Je ne m’attarde pas trop car il faut se préparer pour le lendemain. Le soir est l’occasion de se faire un petit resto avec Denis. Mon dessert mettra tellement de temps à arriver que j’irai manger un gâteau de riz dans ma tente. Sous la toile, je dors mieux qu’à la maison mais à 5h45, il est l’heure de s’extirper de rêves pas forcément avouables.

Nous retrouvons tout le monde près de la ligne de départ où le réconfort d’un petit café est proposé. Les mimilkilers sont là : Jean-Louis, Patrick, Emmanuel et Oliver. Le grand Bob est de retour. Son palmarès est impressionnant. Je retrouve Patricia et Eric croisés chez le roi Mauduit. Nous nous déplaçons de quelques mètres pour le brief de départ du grand schtroumpf Christophe Henriet devant la statue de Psoséidon.

La route est relativement plate sur les quelques centaines de mètres qui suivent le départ. Et puis très vite, la route s’élève vers le lac noir. Je partage tour à tour le bitume avec Oliver, Laurence ou Jean Louis, puis c’est au rythme de Bob le magnifique en compagnie de Denis la malice que je cale ma foulée. Successivement, on court et on marche. Ce départ me semble raisonnable et je sais que je ne peux me permettre de faire l’effort de trop. Et puis j’accélère un peu. Je suis dans mon rythme. Le bon.

Les CP sont placés tous les 20 kilomètres et permettent de s’alimenter et de se recharger en eau. Parti en Solo, j’ai copié Denis pour les vestiaires en plaçant un sac au CP 4, 6 et 8 soit tous les 40 kms à partir du 80e.  J’y ai mis éclairages, vêtements de rechange plus ou moins chauds et alimentation. 202 kilomètres, c’est long. Trop long et trop difficile pour que je puisse l’appréhender. Mon premier objectif, réalisable lui, est d’atteindre correctement le centième kilomètre. Après on fera le point.

Le temps nuageux est idéal pour moi qui ne supporte pas la chaleur. Les paysages vosgiens sont magnifiques. Paisibles. Ils me ramènent à mes vacances, adolescents. Ils me rappellent combien la ville m’oppresse et que j’ai besoin de grands espaces. Pendant cette première montée, je croise encore Jean-Baptiste et Nicolas. Tout va bien au passage au CP1. Après le col de la Schlucht, nous empruntons la route des crêtes jusqu’au Pied du Hohneck où je repasse Jean-Louis. C’est après ce premier marathon que je sollicite pour la première fois mes quadriceps dans une descente digne de ce nom. Mes efforts faits la semaine précédente se font sentir. Je n’aurais jamais durant cette course eu de sensation de facilité.

Je retrouve Nicolas à Kruth au CP3. Il me glisse une phrase du genre ‘on se retrouve à l’arrivée’. J’avoue que je n’en suis pas là. Je m’allonge dans l’herbe 2 min. Je repars avant Laurence et Nicolas. Et ça regrimpe pendant 10 kms jusqu’au col de Page. C’est peut-être dans ce secteur que je croise la route de Michel et Roland. Redescendu, la voie verte jusqu’à Saint Maurice me semble interminable. Je cours et je marche. Et réciproquement. Lancinant. Au CP4 en fin d’après-midi, je crème mes pieds, pose mon éclairage et met mon gilet jaune. L’heure de la révolte a sonné. A moi le ballon d’Alsace !

Le PC5 est placé dans la descente du ballon et marque la mi-course et le centième kilomètre. A partir de ce moment une autre course commence. De 20 en 20 je devrai me rapprocher de l’arrivée. Il y a là Jean-Baptiste qui abandonne. Je lui conseille de se reposer et de repartir. Je n’arrive pas à m’alimenter. Je suis un peu blême et décide d’un repos d’un quart d’heure. Lapinou me propose un lit pico que j’accepte. Elle me glisse ‘je te le propose parce que je sais que tu vas repartir’. Elle sait combien ce genre de phrase fait du bien, vient se loger dans un coin du cerveau. Lorsqu’elle vient me réveiller, je suis déjà debout. Je repars nuit tombante dans la descente vers Sewen. Je suis très vigilant car les petites flèches rouges ne sont pas très visibles la nuit d’autant que je suis seul sur cette portion. Par contre les patrouilleurs sont souvent là pour nous rassurer. Je remonte sur le petit col de Schirm.

Robert le magnifique me rejoint alors que je suis arrêté au Au CP de Bourbach le Haut. Je repars peu avant lui. Il me rattrape dans la plongée vers Rammersmatt et je l’accompagne quelques kilomètres. Il rit de ses blagues. Je ne parviens qu’à sourire car je sers les dents. Nous arrivons à Leimbach dans un paysage plus urbain. Je marche seul… Roadbook en main, il faut être vigilant à chaque intersection. Vers la sortie de la ville, il faut trouver une rue du Vignoble. Je jardine. Et le GPS sur le téléphone aussi. Pas de rue du vignoble. Je finis par repartir sur de bons rails et retrouver la voie verte. La fatigue atteint la lucidité. Il y a des coteaux éclairés par la lune et enveloppés de brume sur la gauche. Sur la droite, les fumées s’échappent de fumées d’usines. Ce tronçon jusqu’au pied du Grand Ballon est sans contexte le moins passionnant.

J’arrive somnolent au CP 7 à Uffholtz et m’endors 10 mn sur une chaise. En m’élançant vers la montée du Grand Ballon, je sais que le prochain CP étant à 40 kms de l’arrivée, je devrais être finisher de la course. Je dors debout, mais confiant. Le jour se lève. Dans les premiers lacets, j’éprouve du mal à garder les yeux ouverts. Je guette un endroit où m’allonger sans être vu. C’est un chemin qui s’offre à moi. Plus confortable que le meilleur des lits, il accueille mon sommeil pendant 10 nouvelles minutes. Au réveil, je me sens mieux pour poursuivre l’ascension du géant d’Alsace. Je ne sais plus qui m’a repassé au sommet du Grand Ballon mais la descente fut âpre et difficile. Le releveur commence alors à faire du bruit. Mais dans ma tête je sais que je vais au bout. A Sondernach, je suis cuit avant d’attaquer le Petit Ballon, dernier obstacle avant l’arrivée. Et ça grimpe. Je suis seul. Et puis c’est la bascule. Les 10 derniers kilomètres sont un vrai calvaire. Le releveur fait mal. Les quadriceps ne répondent plus. La pente est trop raide. Je m’arrête tous les 100 m. Mes jambes tremblent. Mais je sais que je vais finir. Le bonheur et la douleur dans une même caboche. Il pleut à présent.

A 2 kms de l’arrivée je vois Oliver arriver comme une balle. Je suis au ralenti. Puis c’est au tour de Jean-Louis, puis à nouveau d’Oliver. A la fin de la descente, je m’égare. Je téléphone, revient sur mes pas. Une flèche a été arrachée. Je suis maintenant à portée de main de Denis. Je l’attends. Nous finissons ensemble. Finir à 2 deux avec un ami, j’adore.

A l’arrivée c’est la défaillance, la tête tourne, les oreilles sifflent. On m’évite de tomber. J’ai du mal à récupérer. A me relever. On m’escorte jusqu’à la douche. Enfin je retrouve mes esprits. Je suis heureux. Je suis allé au bout de moi-même.

Merci à Christophe pour cette magnifique organisation. Le parcours est sublime. Il est exigeant. Très. Merci à tous les cantiniers et cantinières aux petits soins. Merci aux patrouilleurs vraiment très vigilants. Merci aux coureuses, coureurs, accompagnatrices et accompagnateurs. Les souvenirs sont beaux.

Un merci particulier à Lapinou pour le lit pico, A Jean-Baptiste, Martine, Guillaume, Laurence et ??? pour m'avoir assisté à l'arrivée. Merci à Denis pour la 3e mi-temps. Merci à David et à Isa pour leurs encouragements à distance. 

Le défi Action Real se termine donc avec :

Un échec sur Milan San Remo après 170 kms

Une Mi Milkil

Un échec sur la Montagn’hard après 1500 D+

Une réussite sur l’U2B.

Je suis satisfait.

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Ma Mi'Mil

Par Jihem - 19-07-2019 11:07:12 - 1 commentaire

La Mi Mil'kil, 500 kms de Lignac à Lodève

'Sarah, je vais faire une pause avant la descente. Je vais te laisser profiter de l'arrivée'


'Come on! Come on!' m'intima Sarah.

 

Elle ne me laissait d'autre choix que d'accepter son invitation. Sans prendre le temps de me ravitailler, je plongeais à ses côtés dans la longue descente qui mène à Lodève, abandonnant mes chers accompagnateurs Michel et Christiane.

C'est fatigué que j'avais pris la route six jours plus tôt pour rejoindre Lignac, lieu de départ de la Mi Mil’kil. Mon échec fin avril lors du Milan San Remo, 1er rendez-vous du défi Action Real, avait laissé des traces. Deux grosses infections dentaires avaient fini d'achever mon moral. Et mes nuits trop courtes à mal dormir me laissaient en déficit de sommeil. 

Je partais déterminé tout de même avec un tableau de marche audacieux que j'étais prêt à abandonner si besoin, ne sachant pas vraiment dans quel état de forme je me trouvais. J'avais surtout l'ambition de finir la course et pour cela j'étais très confiant. Je commence à avoir quelques expériences sur cette distance pour justifier mon optimisme. 

Je m'arrêtais vendredi soir dans un lit de passage dans la jolie petite ville d'Argenton sur Creuse pas très loin de Lignac et de la Souterraine où je devais retrouver le lendemain mes amis accompagnateurs Michel et Christiane. Nous devions y emprunter notre logis pour une semaine. Un superbe camping-car sept places. 

Formalités effectuées et après une bonne nuit, nous nous rendions sur le lieu de départ pour retrouver la famille. Lignac, c'était là qu'un an plutôt nous arrivions presque ensemble pour faire étape au quatre cent trentième kilomètre de la Mil’kil, unique point de ravitaillement. Nous, c'était David, Jean-Louis, Christophe et moi. Pascal était venu en vélo partager quelques dizaines d'hectomètres. Des souvenirs encore chargés d'émotions. 

Jean-Louis est là cette année. Évidemment. Dès que la route est longue, l'homme est là. Les sandales ont remplacé les Crocs. Jean-Louis démonte toutes les évidences. Pas besoin de chaussures à l'estampille d'une grande marque et au prix exorbitant pour bien courir. Jean-Louis arbore chemisette à fleur et chapeau de paille. Et c’est un coureur respecté pour son palmarès étoffé en si peu de temps. Sa Lapinou ne pouvant se rendre disponible, c'est David le cameraman qui est chargé de conduire le fourgon tagué et d’assurer son assistance. 

Il y a bien sûr pour nous accueillir JB qui sait mettre à l'aise avec sa voix posée, et ses 2 acolytes, Xavier et Thierry. Tous les trois ont mis en place cette superbe organisation, avec un road book précis et un fléchage impeccable sur cinq cents kilomètres. Ces petits autocollants roses posés çà et là forment  les rêves de tous les mil’killers. 

On retrouve le Général qui a troqué sa paire de jambes pour une trottinette. Son genou grince, mais son coude va toujours très bien. Il y a Serge et sa fascinante humilité. Comme beaucoup, c'est cet homme qui a fait le tour du monde en courant qui m'a donné l'envie d'allonger la foulée au delà des quarante-deux kilomètres du marathon. Qui m'a fait découvrir la course méditative, sensorielle. Nous sommes des compétiteurs-voyageurs. Serge est là comme si c'était son premier défi. Un coureur parmi d'autres. Et discrètement respecté par toutes et tous. 

Alex est l'invité d'honneur. Il ne court pas mais est venu nous donner le départ. Avec toujours le même sourire qu'il offre à volonté. Les lèvres encore brûlées du Paris Alsace qu'il finit brillamment à la deuxième place. Alex, c'est trois victoires à la Mil’kil et autant de podiums. Je me souviendrai toujours de son bonheur à m'accueillir à l'arrivée de la Mil’kil avec le même bonheur qu'il affiche à accueillir tous les arrivants et les arrivantes qui le suivent. Je me souviens de Mimi et Bernard. J'avais compris qu'il y avait un avant et un après l’épreuve. Cette reconnaissance de mes pairs vaut plus que toutes les médailles. 

Mimi et Bernard font aussi parti des murs. Ils sont là, toujours avec la même gentillesse, la même humilité. Mais ici, il n’est pas besoin de frimer pour être respectés. Mimi et Bernard c'est un énorme palmarès, toujours l'air de rien. La course semble chez eux comme un art de vivre. Cette année Mimi accompagne Bernard. Et on sait que ça sera compliqué pour Bernard. Et tout le monde espère le voir à l'arrivée. 

Il y a tant de gens singuliers encore que je pourrais présenter : Stéphane, fournisseur de l'application de géolocalisation, mais surtout grand favori, l'inusable Daniel et sa compagne qui assure son assistance, Jacques et les guérandais déjà rencontrés sur les routes de la Mil’kil, Dédé qui n'en finit plus d'avoir 20 ans... 

L'ambiance est belle à quelques minutes du départ sur la place de l'église de Lignac. C'est l'heure des photos, c'est l'heure d'être encore ensemble avant de s'éparpiller sur le long sillon qui mène à Lodève. La maire donne le départ et le cortège  en rose démarre. 

Les premiers kilomètres sont ceux où le corps ne nous impose pas la vitesse. Ce sont ceux où les discussions sont encore vives. Ce sont ceux où il faut veiller à ne pas adopter une vitesse qui n'est pas la sienne pour pouvoir rester en bonne compagnie. Après une vingtaine de kilomètres, je décide d'accepter la solitude et de laisser filer Jean-louis. J'effectuerai ensuite la presque totalité du parcours en solitaire, agrémenté par de courtes rencontres. 

Comme pour la Mil’kil, j'ai établi un tableau de marche. Et j'ai prévu de faire cent trente kilomètres après les premières vingt-quatre heures. Ce que je définis par ma journée débute à sept heures et s'achève vingt-quatre heures plus tard. Je redécouvre la beauté de paysages que j’avais quelque peu occultés à cet endroit l’année passée alors que mon genou me causait quelques soucis. J’avançais bien. Avec l’expérience, j’ai appris à limiter les temps de pauses. Il vaut mieux manger en marchant et ne se poser que lorsque la machine n’avance plus. C’est avec ma propre histoire, c’est en regardant et observant les autres que j’apprends. Il est des choses que je peux reproduire, d’autres pas. Mes points faibles sont le sommeil et l’alimentation. Mes points forts, mes pieds que je parviens à épargner et un mental pas trop mauvais. J’ai un autre atout précieux : la présence de Michel et Christiane. Nous n’avons presque plus besoin de nous parler pour nous comprendre. Michel apprend très vite et observe tous les coureurs. Leur écoute est exceptionnelle. Ils savent ne dire que l’essentiel, éviter le mot qui va faire douter et écourter la journée. J’ai de la chance et je le sais. Je ne m’occupe que de courir.


Après la montée sur le plateau des Millevaches, je retrouve les abords de Vassivière. Là où nous avions tellement ri avec David un an plus tôt. Là où nous avions élaboré une théorie fumeuse dite de Vassivière, une théorie qui ne mérite pas ici d’être racontée car il faut être réellement épuisé pour qu’elle suscite le moindre intérêt. Nous avions du couper notre effort, pris d’un interminable fou rire.

 

Je m’arrête au kilomètre 118 à Plazanet. Il est minuit. Malgré la douche, malgré le gel au menthol qui m’enveloppe les jambes d’une douce sensation de froid, le sommeil est dur à trouver. Je repars à cinq heures trente après avoir pris un bon petit déjeuner. A sept heures soit après vingt-quatre heures, j’ai effectué 128 kms. Le contrat du premier jour est rempli. J’ai prévu cent quinze kilomètres pour le jour suivant mais les choses se compliquent. Jusqu’à Meymac, tout va bien. Sur la petite route qui suit, je reçois un appel et les encouragements de David. Je partage quelques hectomètres avec Oliver qui court en solo chargé d’un sac à dos avant qu’il ne s’écarte pour se reposer. Plus loin, je passe également Marcus, lui aussi en solo mais tirant une charrette soigneusement confectionnée. Ils m’impressionnent ces deux-là. Je ne sais plus où Annie m’a dépassé mais je me souviens que je n’ai pas pu suivre son allure. Quelle efficacité ! Vers Neuvic, je ressens des extrasystoles. Je pense alors qu’elles vont se calmer. Christiane vient courir avec moi quelques kilomètres de la descente qui mène au pont sur la Dordogne. Puis je monte dans le camping-car dans l’attente que tout rentre dans l’ordre. Il est environ vingt heures. Je veux passer au moins Mauriac dans la soirée. Malheureusement, après deux heures de pause, rien n’a évolué et je pense alors à l’abandon. Michel et Christiane m’apaisent. Nous décidons de rester là pour la nuit, quelques dizaines de mètres du lieu où nous faisions étape un an plus tôt avec David.


Je décide de repartir tôt, vers quatre heures. Je suis stressé et un peu inquiet. L’obscurité est totale. Je respire fort pour me détendre. J’arrive à Mauriac vers 5h30. A sept heures, j’ai effectué quatre-vingt-cinq kilomètres pour ma deuxième journée. Le compte n’est pas bon, mais j’ai sauvé les meubles. Oublié le tableau de marche. Je suis sur la route de Salers où j’ai prévu de faire une pause au café où la tarte aux pruneaux m’a valu quelques désagréments l’an passé. A Anglars de Salers, 2 papis cyclistes m’arrêtent curieux pour savoir quelle est cette course. Ce genre de rencontre est toujours un plaisir. C’est l’avantage de ce genre de course où on peut s’arrêter le temps d’une rencontre. Eux partent en voiture monter des cols dans les Alpes. A Salers, je décide de plonger directement vers le pied du col Legal. Je ne veux pas m’attarder et tant pis pour le petit café tant désiré. Ce tronçon est le plus beau de la course. Par ses petites montagnes, par sa verdure, par ses magnifiques vaches marron qui, agitant leurs  cloches nous accompagnent en musique.


Dans la vallée, je croise Mimi au volant de son camping-car. Bernard dort. Ca va moyen. Il penche me dit-elle. Je comprends qu’il ira au bout, mais que ça ne sera pas facile. Je les aime bien tous les deux. Tout le monde les aime bien. J’attaque le col en bonne forme. Christiane me propose de m’accompagner. Elle est la bienvenue. Un peu plus haut, j’accélère. Je me fais plaisir. Je cours même. Je veux faire une belle montée pour le fun, pour le moral. Une petite pause au sommet pour me crémer contre le soleil et les frottements et c’est la longue plongée vers Aurillac. Le col Legal marque à la fois le point culminant et la mi-course.


Vers dix-sept heures, j’atteins les rues d’Aurillac où je retrouve Jacques. Je connais bien la traversée depuis l’an passé et ma présence le rassure. Il fait très chaud dans cette cuvette alors que j’ai envie de glace depuis fort longtemps. Qu’il est délicieux ce sorbet artisanal aux parfums de letchis et quatres agrumes. Je laisse Jacques qui s’arrête au camping à la sortie de la ville. Je me restaure. J’avais envie de poulet. Mes vœux ont été exhaussés par mes accompagnateurs aux petits soins. Et puis j’attaque le pire tronçon de la course : une montée de plusieurs kilomètres le long d’un quatre voies jusqu’à Senilhès. Un peu plus loin, je double Dominique Caillé. Je m’arrête en campagne au kilomètre deux cent quatre-vingt-dix-huit à la Capelle del Fraisse. Il est vingt-deux heures. L’ami David a prévu de faire trois cents bornes pour venir nous retrouver et le parking où nous nous posons dispose d’un carré d’herbe permettant de planter une tente. David ne viendra finalement pas ce soir-là.


Je repars avant cinq heures de cette petite commune du Cantal. Dès le lever du soleil, la campagne est merveilleuse, calme et sereine. Que de tableaux de maitres se dessinent devant mes yeux alors que la bande de bitume se déroule sous mes pas. Je suis le plus heureux des hommes à chaque instant où mes yeux se posent. Un peu plus loin, je plonge vers la vallée du Lot.  Je me restaure au milieu de la descente. Michel a installé mon fauteuil comme presque à chaque arrêt. Et je poursuis jusqu’au pont qui marque la séparation des départements du Cantal et de l’Aveyron.


Vers Conques en Rouergue, je retrouve David et sa fille. Nous n’avions pu de nouvelles et finalement il est là. Ça fait partie des grands bonheurs de ce genre de course. Les petits bonheurs, c’est le jus d’abricot et le morceau de brioche qu’il m’offre lors de nos retrouvailles. Il a prévu de me suivre pendant quelques heures. Plus loin, il fait chaud pour monter vers les Causses. Arrivés sur le plateau, David reprend la route. L’amitié est un sacré réconfort. La traversée des Causses se passe bien mais j’ai besoin de refroidir mon corps à l’approche de Rodez où j’espère retrouver un autre ami, Denis. C’est alors que je sors de la ville qu’il m’appelle. ‘Tu préfères rester dans ta bulle ou tu veux que je passe ?’ Un peu que je suis heureux de le retrouver. Dans ces moment-là, tous les ressentis sont plus forts. Et c’est presqu’au même endroit qu’un an plus tôt, à l’approche de Flavin, qu’il sort sa glacière et ses bières. Après Flavin ou je double Marcus et Sarah, il faut grimper la longue montée vers Trémouilles où je fais une courte pause. J’indique à Sarah que je veux stopper au quatre centième kilomètre. J’aimerais alors ne pas faire une dernière journée trop pénible et ne pas terminer au cœur de la nuit. Je m’arrête finalement cinq kilomètres plus tôt. Sarah me repasse et stoppe au kilomètre quatre cents.
Je repars vers quatre heures trente. Il pleut lorsque je dépasse le camping-car de Sarah qui semble encore dormir. Dans la descente, je vois une lumière qui apparait, qui disparait au loin. Je ne comprends pas de quoi il s’agit. C’est un coureur, c’est Oliver. Le bougre est joueur et il ne se laisse pas rattraper comme cela. Nous partageons quelques foulées sympathiques et je file devant. Il doit s’arrêter se reposer. Lui a couru toute la nuit. Sarah, elle, est repartie cinq kilomètres derrière moi. Je sais qu’elle reviendra sur moi dans la journée. Le plus tard possible. C’est pour moi source de motivation car je suis vraiment fatigué en cette dernière journée et j’ai besoin de ce défi ludique pour avancer. Jusqu’à Roquefort, je ne suis vraiment pas dans un bon jour. Je fais alors une pause de trente minutes dont dix minutes d’un profond sommeil. Etonnamment je repars en pleine forme. Sarah est alors à cinq cents mètres et mon avance remontera jusqu’à trois kilomètres avant de fondre comme prévu. Je prévois alors d’arriver à Lodève vers une heure du matin. C’est vers Sainte Beaulize à quarante kilomètres de l’arrivée que me rejoint Sarah. Je décide de m’accrocher à sa foulée et j’abandonne dans la côte, coupable, Christiane qui marchait quelques kilomètres à mes côtés. Même si j’explose, je suis certain que ce ne peut être que bénéfique. Et puis j’ai été seul pendant presque toute la course et la compagnie de Sarah fait du bien. Dorénavant, il n’y a plus de pauses au véhicule. Michel et Christiane sont inquiets. Je m’alimente peu. Nous avançons à bon rythme et échangeons quelques mots. La savoir amoureuse des animaux me rassure au moment de passer le Clapier où j’avais été embêté par les chiens un an plus tôt. Finalement, nous ne voyons que de petits chiens attachés.  Sarah est accompagnée d’Angus, son mari qui aux petits soins. Vincent la suit également pour réaliser un film.  Il nous encourage à chaque instant. J’ai l’impression d’être un cycliste derrière un derny. Je serre les dents.

 

A quinze kilomètres de l’arrivée, juste avant de basculer dans la longue descente qui mène à Lodève, je propose à Sarah de la laisser profiter de l’arrivée. ‘Come on !’ m’ordonne-t-elle. Et j’abandonne Michel et Christiane sans prendre le temps de me ravitailler. C’est à la portière que Michel vient alors m’assister dans la descente. Sarah veut maintenant finir avant la nuit… Je m’accroche à ce joli et infernal final. A la moitié de la descente, je faiblis. Sarah ralentit un peu et me fait signe de tenir. Je me dis que l’histoire est belle. Dans Lodève, nous décidons de marcher mais l’orage menace. Nous relançons la foulée. Nous comptons chaque mètre. Nous arrivons enfin tous les deux vers vingt et une heure… C’est une magnifique et inoubliable arrivée dont je me souviendrai toute ma vie.

 

Merci Sarah, tu es une amie. Et je m’incline devant ton fair-play. Je retrouve Christiane et Michel pendant que Sarah tombe dans les bras d’Angus. Notre équipe a fonctionné à merveille pour la troisième fois. Merci à vous. Je ne peux rêver d’être mieux accompagné.


Huit minutes auparavant, Marcus nous avait devancés avec son chariot. Ce titan nous a repris trois minutes dans les dix kilomètres de la dernière descente. Quel champion !
 
Après notre joli final, j’ai souhaité être présent pour chaque nouvel arrivant. Parfois dans la nuit. C’est tellement chouette d’accueillir les copains. Chaque arrivée est tellement marquante, tellement émouvante. Bernard et Mimi, Dédé Caroff, Jean-Michel, Jacques, Oliver, etc…  Je retiens aussi le long hommage proposé par Michel à Anibal venu d’Uruguay. De beaux moments.


Merci à toi JB et à Xavier, Thierry. Merci pour nous offrir du rêve et pour cette organisation impeccable. Merci à tous les coureurs et accompagnateurs.


Et savez-vous qui apportait le petit déjeuner le lendemain de mon arrivée ? David.
Merci à toi David, Merci à Denis. Merci à tous les soutiens qui m’ont envoyé des messages.

La 2e étape du défi Action Real est validée. Vous avez aimé ce récit ? n'hésitez pas à apporter votre petite contribution.

 

 

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Dans la mil

Par Jihem - 28-07-2018 22:22:32 - 14 commentaires

La Mil’Kil, une aventure fraternelle

 

 

Je tiens à remercier mes filles, ma mère, ma sœur et toutes les personnes qui m’ont encouragé. Je tiens à remercier celles qui ont partagé l’aventure avec moi, mes amis Christiane et Michel, celle qui a contribué à sa réussite, Muriel, je tiens à remercier JB et l’équipe organisatrice de mettre en place une telle épreuve, je tiens à remercier mes copains coureurs et accompagnateurs, David et ses B and B bien sûr avec qui j’ai partagé de long moments de bitume, je tiens à remercier enfin les coureurs qui sont venus à notre rencontre et nous ont offert de très beaux moments et je pense en particulier à l’ami Denis, mais aussi Pascal. Et puis tous ceux et celles qui m’ont offert leurs encouragements.

 

Un rêve de gosse

Gamin, j’étais passionné de vélo. Je rêvais de disputer le Tour de France. Je découpais les articles dans les journaux, j’organisais la grande boucle avec des figurines qu’avec mon cousin nous repeignions aux couleurs des équipes d’alors, Gitane, Peugeot, Miko-Mercier, ou encore Molteni, Bic, Kas, Flandria, ou Ti-Raleigh. Nous les faisions avancer à la pichenette plus ou moins partisane, sur la terre du jardin, dans le caniveau ou sur un circuit 24. Je parcourais la France par le biais des cartes Michelin au 1/100000e. Quelques années plus tard, mon niveau dans les courses de 3e et 4e catégorie ne me laissait pas entrevoir la moindre possibilité de transformer ces fresques oniriques en réalité.

Sous les remparts

Le 17 juin 2018, à 6h30, il fait encore un peu frais dans la cité malouine. Coureurs et accompagnateurs se regroupent peu à peu à l’entrée de la vieille ville fortifiée. J’ai un peu la trouille. Je sais qu’une fois le départ donné, ce sera 12 jours d’abnégation pour accéder au rêve : Traverser la France en courant, de la Manche à la Méditerranée. Ce n’est pas rien ! Il y a là Alex, rayonnant, comme à son habitude. Il a couru toutes les éditions et affiche 3 victoires au compteur. Il y a les solos avec leurs bardas plus ou moins imposants recouverts de panneaux solaires.

A quelques minutes du départ, nous descendons sur la plage avec nos maillots roses  pour les photos souvenir. Celles des femmes tout d’abord, puis les hommes et enfin tout le monde. Je mets mon mètre 81 juste derrière la banderole. Cette même banderole qui sera déroulée lors de chaque arrivée quelques jours plus tard. Nous immortalisons aussi notre équipe : Christiane, Michel et moi au milieu. Ça doit certainement phosphorer dans la tête de mes amis accompagnateurs, totalement néophytes dans le milieu. Et puis c’est l’heure ! Nous partons groupés en bordure de mer en direction du Mont Saint Michel. Très vite, le peloton s’éparpille en petites grappes.

 

 

 

Les mois d’avant

L’aventure a commencé un an auparavant. J’avais en tête de participer un jour à la Trans’Gaule, la traversée de la France de Roscoff à Gruissan en 19 étapes de 60 à 70 kilomètres. Ce défi me semblait davantage à ma portée. Pourtant, j’apprenais la disparition de l’épreuve organisée par JB Jaouen, qui est aussi le grand gourou de la Mil’kil.

‘Et la Mil’kil, jusqu‘à quand sera-t-elle organisée ?’, me dis-je alors. Par précaution, je décidais de me lancer dans ce pari un peu fou : 12 jours pour rallier Saint-Malo à Sète. 83 kilomètres au minimum à parcourir chaque jour. Je n’avais jamais alors parcouru plus de 645 kilomètres et 6 jours de course. Restait à trouver les accompagnateurs et le véhicule d’assistance.

Ma pause déjeuner touchait à sa fin quand le téléphone se mis à sonner. Michel me contactait pour me proposer ses services. Je ne pouvais pas accepter. Il ne pouvait se rendre compte de l’abnégation qu’exige l’accompagnement sur une telle distance. Je ne souhaitais pas lui offrir un cadeau empoisonné. Quelques jours plus tard, de passage dans sa province à l’occasion du mariage d’un ami, je rendais visite à Michel et Christiane. Nous rediscutons du projet. Christiane pourrait être de la partie. Michel avait déjà dépouillé le road book, repéré les tracés avec Google Earth. Le projet etait lancé.

Dorénavant, ma priorité était de retrouver la motivation nécessaire à la pratique de l’ultra-fond car l’année 2017 avait été une année en creux. Abandons à l’Ultrathletic Ardèche, aux 24 heures de Marseille, aux 48 heures de Royan. Echec aux 6 jours de France. Seule l’Etoile savoyarde s’était à peu près bien déroulée. Je ne parvenais plus à soutenir l’effort après quelques heures, ni physiquement, ni mentalement. Comme si j’avais perdu les clés. D’habitude, les aléas de la vie m’avaient toujours permis de me transcender. Là non.

C’est donc une opération reconquête qu’il fallut mener. Et qui commença par un claquage au mollet fin décembre en courant après le métro et me laissa sur le quai. Le raid 28 approchait et même cette course par équipe m’inquiétait. Je m’offrais alors 2 séances d’hypnose afin de reprendre confiance et de retrouver un peu de sérénité. Les jours suivants, avec mon équipe des Bazenhos, nous franchissions au complet la ligne d’arrivée. Ce fut un premier soulagement. Je décidai de ma participation à une épreuve intermédiaire pour me rassurer : Les 100 kilomètres du Périgord noir à Belvès, une épreuve que j’affectionne et que j’avais déjà bouclée par 3 fois.

 

De son côté, Michel était à fond dans le projet. Il se projetait dans l’épreuve. C’est lui qui alla visiter le camping-car sur lequel j’avais posé une option.  Bref, il répondait présent. Sa fougue me motivait. J’établis mon tableau de marche. Nous communiquions sur de menus détails. Je perdais du poids. Pas assez. Sur le mur de mon salon, je punaisai la carte de France et surlignai le tracé de la course. Cette fois-ci, il ne s’agissait plus seulement d’un rêve d’enfant. Un jour, Michel me demanda ce que nous ferions si j’abandonnais la course. Je répondis que je ne pouvais envisager cette éventualité. L’échec est une option trop lourde à porter et il vaut mieux voyager léger.

 

Avant Belvès, je me claquai de nouveau. Une vieille blessure à l’ischio mal soignée. Nouveau coup d’arrêt. Visites chez le médecin et le kiné. L’objectif à Belvès était de terminer. Confirmer que j’étais toujours capable de boucler 100 kilomètres. Je parcourais les 50 premiers kilomètres en 5 heures sur une allure trop rapide. Avec la chaleur, le retour fut beaucoup plus compliqué. Il me fallut 3 heures de plus pour effectuer la seconde moitié. Sans la perspective de la Mil’Kil, je n’aurais jamais terminé. Mais il fallait absolument sortir de la spirale d’échecs. Au final, cette épreuve terminée dans la douleur fut réconfortante. La tête avait tenu. Quelques semaines plus tard, alors que la course approchait, l’ischio craquait à nouveau. L’échographie révéla 2 lésions. Je ralentissais l’entrainement et multipliais les séances d’ondes de chocs. A quinze jours du départ je stoppais totalement l’entrainement.

 

Depuis quelques temps, je bénéficiais de l’aide de Muriel, une amie sophrologue qui s’était proposée pour m’accompagner dans ma préparation. Ce fut une aide précieuse. Dans cette période où j’avais aussi perdu mon boulot, ses séances m’apportèrent confiance et sérénité.

 

L’approche


 

15 juin 2018. J’arrivais chez Michel et Christiane avec l’appréhension de me rater dès les 2 ou 3 premiers jours de course, de décevoir Christiane et Michel, et Muriel et ceux et celles qui me suivent. Passé cet entracte ce devrait être différent. La course. Juste la course.

En fin de journée, nous allâmes chercher notre maison à 4 roues en proche Vendée. J’essayais d’organiser mon côté afin de ne pas avoir à chercher mes affaires pendant la course. Le sens du rangement du côté de Christiane et Michel est nettement plus aiguisé que du mien… Des 2 couchettes superposées pour moi derrière le siège conducteur, Je choisissais celle du haut.

Le lendemain, nous partîmes tôt vers Saint-Malo oh hisse et haut. Arrêt sur le charmant parking d’une zone commerciale à 2 pas de l’hôtel où devait avoir lieu le brief de départ et la remise des dossards. C’était la première fois que je rencontrais JB, un homme sympathique organisateur de la Mil’Kil.

 

Il y avait là des compagnons rencontrés sur d’autres courses comme David, Jean-Louis, Christophe, Alex, Mimi, Bernard, ou Daniel par exemple. Et puis Hervé venu en visiteur. Il y a des gens qui ont nourri mes rêves comme Serge et ses aventures à travers le monde. Il y avait des championnes et champions et des coureurs très expérimentés. Il y avait aussi quelques audacieux qui exposaient leurs montures munies de 2 roues et d’une poignée ou d’un harnais. Des attelages allant du plus léger au plus lourd… Il y avait les crocs de Jean-Louis, qui comme Serge, tentait l’aventure sans assistance avec l’option sac à dos.

Avant le repas, il y avait la présentation des coureurs et de leurs pédigrées. Je me sentais flotter dans mes vêtements au milieu de tous ses cadors de la longue distance. Pour frimer, je compris qu’il allait falloir encore patienter. Je crois que David avec qui nous dinions avait un ressenti assez proche du mien. Nous étions les petits 6e qui venions jouer dans la cour des grands 3e.

Christiane et Michel en prenaient aussi plein les oreilles et les yeux. Ils semblaient facilement lier connaissance avec coureurs et accompagnateurs. L’aventure commençait bien.

 

Premiers kilomètres

Dominique est un de mes premiers compagnons de route en ces premières heures de course. J’avais déjà croisé la route du champion lors des 6 jours de France où il avait battu le record du monde de la catégorie marche. Il semblait alors peu accessible, concentré sur sa performance à venir, impressionnant de régularité. Il faisait très chaud lors de ces 6 jours et Dominique avait sa baignoire remplie au bord de la piste. J’en fais mon favori. Ces kilomètres passés ensemble permettent de découvrir un autre personnage. Nous prenons le temps de parler. De Paris-Alsace, de nos parcours professionnels. La région que nous traversons, Dominique la connait bien puisqu’il accompagne les touristes sur la baie du Mont Saint-Michel. Saisonnier, il n’a pas 12 jours devant lui pour finir la course… Il prend quelques longueurs d’avance  avant de disparaitre définitivement vers un glorieux destin. Elle est belle cette première partie en bord de mer avec la merveille du monde apparaissant çà et là.

Sur la route, il y a aussi Jean-Louis que j’ai eu l’habitude de croiser sur d’autres courses. Il accumule les traversées trans’nationales et les courses non-stop de plus de 200 kilomètres depuis 2 ans, avec sa paire de Crocs aux pieds qui lui a valu le surnom de Crocsman. Pour moi, c’est Batman, d’autant qu’il a dû porter un jour ce costume parmi ses nombreux déguisement. Son défi du moment, c’est de faire la traversée en solo, sac au dos. C’est un dur à cuire, calme, à la gentillesse toujours égale.

Il y a aussi Christophe, rencontré lors de l’Etoile savoyarde. Cette fois-ci, il n’est pas accompagné de Marie, mais du voisin, Pierre, organisateur des 5 jours de Moussans où il faudra qu’un jour j’aille poser mes baskets. Christophe a été accidenté au travail peu avant le départ et une douleur aux côtes le fait ruminer. Regardant ses chaussettes, je lui conseille de les découper pour prévenir d’éventuelles inflammations au releveur du gros orteil. On verra me dit-il…. De mon côté, mes chaussettes sont découpées au niveau des élastiques et mes chaussures largement desserrée. Le genre de chose que l’on met en pratique sur le conseil des coureurs et coureuses expérimentées et après quelques déconvenues.

A quelques encablures, je distingue David et son fanion aux couleurs de SOS Préma, l’association dans laquelle il est très investi et qui soutient les parents d’enfants prématurés. Quel bonhomme ce type ! C’est un bonheur de côtoyer ce grand bavard rencontré pour la première fois sur l’Ultrathletic Ardèche. Toujours disponible pour l’autre, c’est une belle âme.

Je porte une accélération qui en surprend plus d’un. Je veux juste saluer David une dernière fois, persuadé qu’on ne se reverra plus avant l’arrivée. Je ne parviens pas à revenir à sa hauteur mais j’ignore alors que nous parcourrons encore de nombreux kilomètres de bitume. Sur le bord de la route, il y a Maurice, rencontré à l’Etoile savoyarde  et qui est venu nous encourager.

 

Michel et Christiane sont dans la course

Michel et Christiane ont vite trouvé leurs marques, heureux de trouver dans la course des gens sympas. Sur la route, ils croiseront souvent David, Benjamin et Barbara alias B & B, Pierre et Christophe, Crocs Man, Jean-Louis et Marie-Jeanne, Roger et Manu, Claudine, … Rassurés de ne pas être snobés par le milieu, ils sont déjà aux petits soins et assument leurs rôles avec passion. J’ai de la chance.

Quelques kilomètres plus loin, je cours seul avec le bocage et le Mont Saint-Michel comme décor. Je croise Bernard qui assiste Mimi. Bernard est un pilier de la famille ultra et nous sommes pressés de le revoir rapidement sur le bitume. Les premières larmes montent aux yeux lorsque Nolwenn la plus petite de mes filles me téléphone. La notion du temps déjà perturbée, j’ai oublié que nous sommes le jour de la fête des pères. ‘Tu vas réussir papa, tu viens de retrouver du boulot, tu as un bon karma’. Tout cela provoque beaucoup d’émotions. Dans la soirée, ce sera Chloé, ma grande fille qui m’appellera à son tour. Je les sens proches. Je les aime. Avant de bifurquer vers le sud et de quitter la célèbre baie, bretonne pour les uns, normande pour les autres, nous sommes immortalisés par Thierry. Direction Fougères. Même si le temps est très favorable pour un mois de juin, la chaleur des polders a fatigué l’organisme. Dans mon tableau de marche, j’ai prévu chaque jour une pause importante en début d’après-midi, comme aux 6 jours. Ceci aura pour conséquence une arrivée d’étape tardive. La musique cadence ma foulée. J’ai passé beaucoup de temps à constituer ma playlist. Du rythme, beaucoup de rythme, de l’électrojazz de Parov Stelar à Led Zeppelin.

A l’approche de Fougères, vers 22h30, Michel fait de petits sauts de puces avant de jouer les poissons pilotes dans les rues de la ville. Je suis certes la lueur rouge de ses feux arrière, mais je vérifie toujours la présence du balisage. Un peu plus de 100 kilomètres ont été parcourus. J’ai un peu trop tapé dedans à mon goût mais le contrat est rempli. Une marque au sol pour indiquer l’arrêt et nous quittons le tracé pour dormir à 300m de là. Je dors à l’avant sur la couchette supérieure. Je remue. J’ai des crampes dans les pieds. Le sommeil n’est pas très réparateur.

 

 

Et de une

A 5h40, il est l’heure de se lever. Le temps de constituer ma nouvelle panoplie, de prendre un rapide petit déjeuner préparé par coach Michel et le camping-car me dépose sur la marque orange indiquant le dossard 18. Michel me précède encore jusqu’à la sortie de la ville endormie. Les courbatures sont là et il faut patienter quelques minutes pour relancer la machine.

Je ne me souviens plus avec qui j’ai couru en ce début de deuxième jour. Sans doute avec David, peut-être avec Christophe. Après Craon, il commence à faire chaud. Je rejoins Serge dont la posture s’incline avec le poids de son sac à dos. Nous partageons quelques kilomètres. Je suis impressionné. Quelle modestie chez cet homme franchement sympathique. Serge est le personnage qui m’a donné l’envie de faire de l’ultra lorsque je regardais ses vidéos et les articles alors qu’il parcourait son Paris-Tokyo. C’est à lui que j’ai pensé quand en 2007 je coinçai au 70e kilomètre de mon premier cent bornes à Belvès. ‘Si ce type peut faire 70 kilomètres tous les jours pendant des mois, je dois pouvoir faire 100 kilomètres une fois’ m’étais-dit-je alors. Et effectivement, j’avais pu faire les 100 kilomètres à l’aide de ce genre d’arguments. A proximité de Saint Quentin les Anges où Christiane et Michel m’attendent, je quitte mon compagnon de route. Michel a pris l’habitude de mettre un signe distinctif pour m’aider à repérer le camping-car de loin : le drapeau espagnol de ses racines. Dans cette course, on vient avec son histoire et sa mémoire. Mes accompagnateurs m’indiquent que Jean-Louis se restaure dans un petit resto à 50 mètres de là. Le temps de le saluer, je reprends la route. Avec la chaleur pourtant encore raisonnable, le rythme s’est ralenti. Dans la soirée, la fraicheur a un effet bénéfique sur ma foulée qui redevient dynamique. Je profite du calme de la nuit et des bruits des fourrés. Je suis heureux. Déjà 2 jours d’écoulés et je suis bien vivant. Le moral est là. Nous avons dormi à 20 mètres de la route, au bord d’un étang au Vern d’anjou. Je n’ai pas de souvenir précis du lieu où ma course s’est arrêtée. Trop fatigué sans doute. Avec 200 kilomètres au compteur, je suis dans les temps prévus, mon objectif étant de se constituer un petit matelas par rapport aux 83 kilomètres de moyenne nécessaires à la réalisation du défi. Un matelas sur lequel il n’est pas question de se reposer, mais avec 34 kilomètres d’avance, le compte est bon.

Bien entouré

 

David commence ses journées plus tard que moi. Gros dormeur, il embauche généralement à 7h00, ce qui me laisse le temps de le dépasser et de prendre un peu d’avance avant que son allure plus rapide ne me fasse sentir son souffle chaud dans la nuque et entendre la voix de ce grand bavard toujours en quête de compagnie. A 8 heures, il est déjà sur mes talons. Même s’il est plus vite que moi, il adapte généreusement son allure pour que nous effectuons quelques kilomètres ensemble. Les kilomètres partagés sont toujours autant de kilomètres gratuits. Nous rattrapons Serge avec nous papotons encore un peu. Nous le laissons définitivement, avant que David ne s’envole à son tour devant moi. A ce moment-là, le balai des accompagnateurs a déjà commencé. Je vois passer régulièrement Christiane et Michel bien sûr, mais aussi Barbara et Benjamin et Pierre. Des accompagnateurs attentionnés à leur poulain ou pouline, mais attentifs aussi aux autres coureurs. D’ailleurs j’apprendrais que Jean-Louis me tape quelques-uns de mes bretzels. Ce qui a pour effet de doper ses performances. 

Passage en zone libre



Ce troisième jour est celui qui nous mène à Doué la Fontaine, c’est-à-dire aux portes de l’enfer selon le roadbook. Mais avant cela nous devons franchir la ligne de démarcation et traverser la Loire par les 2 ponts qui précèdent l’entrée dans Chalonnes. Il y a une soixantaine d’années, mon père passait certainement en dessous lorsque sur un canoë en zinc qu’il avait fabriqué avec des amis, il remontait la Loire jusqu’à l’embouchure de Saint Nazaire. J’aime me souvenir dans ces moments de plénitude qu’offrent les longues distances.  A l’approche de l’enfer, Christiane décide de se tester à la chaleur du bitume de faire un bout de chemin à la marche avec Claudine. L’allure est élevée si bien que je ne leur prends que quelques dizaines de mètres en alternant course et marche. Je traine la savate.  La ville traversée, l’enfer me tend les bras en cette fin d’après-midi. Et il porte un nom : la départementale 761. Jusqu’aux abords de Loudun et pendant 32 kilomètres, ce sont 2 défilés de camions et d’autos qui se croisent. Partager la route, c’est un joli concept, mais concrètement les automobilistes ne ralentissent presque jamais à la vue d’un fragile piéton qui arrive face à eux. La vie est précaire, comme disait la philosophe Laurence Parisot… Certains véhicules me foncent carrément dessus alors que personne n’arrive en face. Il faut être très vigilant, se ranger dans l’herbe lorsqu’un camion ne peut se déporter. Ou ne veut… La grosse peur, c’est le véhicule qui double dans le dos et que l’on ne sent arriver. Soudain, lancé à 100 k/h, il passe à un mètre de mon bras. Je ne fais pas le fier face aux provocations du malin. Je sens que Christiane et Michel sont inquiets. Je vise La Motte Bourbon comme terme de ma journée, soit à 8 kilomètres de la fin de l’enfer. Les heures moins chaudes sont quand même les meilleures pour visiter le purgatoire.

A Montreuil Bellay, je profite de quelques moments de relâche et de la vue du magnifique château. Je reçois les messages de Saïd qui à distance soutient les copains et fait le point course pour d’autres amateurs. Il ne serait pas étonnant de le voir sur la prochaine Mil’Kil. C’est une belle sensation que de sentir que nous faisons rêver de futurs candidats à l’aventure. Et puis le répit ne dure qu’un temps.

Je porte un gilet fluo et une lampe ventrale qui est bien pratique et bien visible. J’observe cependant que les poids lourds ont du mal à identifier l’obstacle qui arrive face à eux, ce qui semble plus évident pour les autos. Cette départementale illustre bien le mal que font nos gouvernants lorsqu’ils privilégient la route au rail et démolissent notre service public des transports et notre réseau ferré. Tant de camions ça n’est pas sérieux.

La Motte Bourbon, enfin. Nous devions retrouver David qui a décidé de faire son stop là. Apparemment, les patrons du team SOS Préma ont trouvé un endroit sympa à 200m de la route. Mais à minuit, c’est compliqué de les retrouver pour Michel. Nous dormons donc au bord de la route sur un parking de routiers, bercés par le bruit et le souffle des camions qui roulent à vive allure. Quelles dures conditions de travail pour ces travailleurs de la route. A la fin du troisième jour, je suis libéré de mes craintes. Le compteur est à 293 kilomètres. La course peut commencer.  

 

La course peut commencer

 

Mercredi matin, je repars à 6h00 pour en finir avec les derniers kilomètres de cette route diabolique. Il y a de la brume et le lever du soleil est magnifique. Après Trois-Moutiers, peu avant  Loudun, Michel m’attend pour que je ne rate pas la bifurcation à gauche. C’est la fin du cauchemar. Désormais la route est belle et tranquille. Mais dès 8h00, il fait déjà chaud.

Le matin, c’est le moment où j’ai le moins besoin de l’assistance. C’est pourtant un moment chargé pour Michel et Christiane. Prendre le petit déjeuner, se laver, ranger le camping-car, faire la vidange, faire le plein d’eau, faire les courses, me retrouver et… faire à manger. Tout ça est très sportif… Moi qui n’avais jamais été assisté en course, j’ai un peu le sentiment d’abuser.

Après Loudun, l’ami David revient de l’arrière, comme d’habitude. Nous partageons de nombreux kilomètres. Il me semble que c’est vers Orches que je croise Christian Efflam, autre pointure de l’ultra venu en visite sur la course. De Christian, j’ai copié l’usage du vaporisateur de plantes que j’utilise sans modération dans les grandes chaleurs. 10 fois mieux que les brumisateurs du commerce qui sont l’arnaque du siècle. De la chaleur il y en a. Au pied d’une côte, David part devant et prévoit de m’attendre un peu plus loin où il a une interview à réaliser pour son association. Je le vois partir et comprends très vite que je ne pourrai le retrouver. La côte est en plein soleil et je coince. Là-haut je vois mon camping-car, mais c’est interminable. J’ai trop chaud et il n’y a pas d’ombre. Je crains l’insolation. Arrivé en haut, Christiane et Michel déplient le transat. Je dois refroidir mon corps. Je suis passé près de la correctionnelle. Je m’arrête pendant une heure et quart. Christiane me soigne un orteil qui s’est infecté. Fatigué, j’ai omis de prévenir David qui a dû m’attendre. Et je repars, direction Châtellerault. La température du corps redescendue, tout va mieux, la machine est relancée, mais Christiane et Michel me font part de leur inquiétude qui sera relayée par Christophe et David. J’ai une sale gueule et pour eux je ne mange pas assez. J’accepte de les laisser prendre les choses en main. Désormais ce sera pâtes de nombreuses fois par jour. Mais leurs propos m’inquiètent.

 

A la sortie de Châtellerault, en fin d’après-midi, une mauvaise surprise m’attend. Il fait encore chaud et un mur me fait face. Plus de 15% sans doute. Jean-Louis, le mari accompagnant de Marie-Jeanne qui ne porte pas de Crocs me dépasse au pied de l’obstacle. ‘A combien est le record de la montée ?’ lui dis-je. En haut où Michel me guette, je suis cuit après cet effort. Un couple de cyclistes vient nous questionner sur la course. C’est toujours sympa ce genre d’échange. Il est temps de repartir vers Pleumartin où j’ai décidé de faire étape. Le soleil est rasant, ce qui me rend peu visible des rares autos qui arrivent en face. Un type me prend en photo. Il s’appelle Pierre Marié, il est photographe et fait beaucoup de prises vue du ciel à partir d’un paramoteur. Et il est passionné de course à pied. Voilà qui achève bien la journée. David s’est arrêté peu avant Pleumartin mais je préfère maintenir mon objectif. 82 kilomètres aujourd’hui. Ce sera la plus petite étape de ma Mil’Kil.

 

Je repars vers 6h et quart, pieds soignés. J’aperçois Christophe à 200 devant moi. Je le rejoins alors qu’il a bifurqué pour aller se cacher dans les fourrés. Je fais mine de le prendre en photo dans une posture peu à son avantage et je l’entends protester à haute voix. Nous ferons quelques kilomètres ensemble, occupés à échanger un peu de nos visions du monde et d’autres propos moins sérieux.

 

Le club des 5 au ravito de Lignac

 

A l’approche de Lignac, nous avons l’heureuse surprise de retrouver Pascal, venu à la rencontre des copains de la dernière étoile savoyarde. Il a de la chance, et nous aussi, car à ce moment, David, Christophe et moi-même nous trouvons ensemble. Jean-Louis est là aussi. Nous passons un sympathique moment et partageons quelques moments de rigolade sur une route ombragée et vallonnée. Un peu plus loin, un autre visiteur vient à la rencontre de David. C’est Guillaume, champion de France 2017 des 24 heures, portant le maillot de SOS Prema. Il a le regard d’un passionné et pourtant nous sommes loin d’avoir son talent. Mais l’ultra, c’est ça !

Eparpillés mais dans un mouchoir de poche, nous arrivons à Lignac dont le ravitaillement marque une étape importante dans toutes les têtes. Dans l’ordre, David, Christophe, moi-même, Marie-Jeanne et Jean-Louis venons nous attabler. A l’entrée du village, nos noms sont peints sur le sol. Le mien côtoie celui de Serge…

 

J’ai décidé de faire une importe pause d’une heure et demi. De prendre une bonne douche, de régler quelques problèmes intestinaux, de me restaurer et de me reposer un peu. Sans doute un peu trop car je situais Lignac plus loin.  J’ai commis une erreur depuis le début de course. Celle de ne pas avoir alterné l’usage de mes 2 paires de running neuves. Christiane me suggère de changer de chaussures. J’opte pour cette solution. En quittant cette hospitalière commune, je téléphone à Sylvain, un de mes meilleurs amis, coureur d’ultra lui-aussi, pour échanger sur ma course. Je suis pris d’émotion, ce qui m’arrive quotidiennement. J’ai du mal à raconter ce que je suis en train de vivre, cette aventure qui me dépasse toujours. Pourtant tout va bien, le moral est à grand beau et je suis heureux.

 

Ca grippe

Quelques kilomètres plus loin, patatras ! Une douleur naissante sur la face latérale du genou m’empêche de courir et rend la marche douloureuse. Serait-ce le début de la fin ? Si la forme est là la blessure, elle, peut surprendre à tout moment. La fin de journée se fait en marchant.

 

A l’approche de Baulieu, Michel et Christiane installent le transat en face de l’église située sur la butte suivante. La lumière est magnifique et le décor somptueux. Pourtant, je me renferme. Je dine sans trop parler. Michel me passe son petit-fils Lorenzo qui suit la course à distance grâce à l’application et qui souhaite m’encourager. Sympa le gamin. Je frictionne et bande mon genou, remet mes chaussures du départ portant l’inscription Milkil 1 et repars. Boitant. Je n’en  veux à personne, juste à moi-même, de ce mauvais choix. Il est à retenir qu’il est nécessaire d’anticiper ce genre de situation afin d’éviter les malentendus. Sauf les questions de mise en danger, j’assume toutes les décisions. Il n’empêche que dans de tels moments il m’est difficile de verbaliser. Il n’y aura pas de quiproquo. Tant mieux. Un peu plus loin, je croise William Guillot, en partance prochaine vers le Spartathlon. Je ne sais plus quand j’ai également croisé Charles, milkiller sur une autre édition. La fin de l’étape est laborieuse. Heureusement, Christiane vient partager les derniers kilomètres en marchant à mes côtés pendant que Michel va repérer notre futur lieu de couchage, où nous voisineront avec David et sa super équipe. A Saint-Sulpice les feuilles, terme de notre étape, nous jardinons un peu avec Christiane, faute à une confusion dans la photographie d’un panneau envoyé par Michel. A 23 heures, tous les panneaux se ressemblent. Cette douleur subite au genou suscite mon inquiétude. David vient me réconforter d’une blague vaseuse dont il a le secret et qui me débloque le coin des lèvres. Du froid, du gel anti-inflammatoire, du film étirable et nous verrons demain. Nous avons parcouru 455 kilomètres en 5 jours, soit un rab de 40 bornes.  Nous sommes le 21 juin et la France est bien calme par ici. Aucune trace de la fête de la musique et la coupe du monde de la baballe semble si loin…

Mi-course

A 6 heures, je repars le premier comme à mon habitude, direction la Souterraine, terre de récentes luttes sociales où les salariés de GM & S ont chèrement défendu leur outil de travail. Bonne surprise, la douleur n’est pas là. Avant mon départ, mes pieds ont été soignés par Michel et Christiane. Avec David, nous avons vraiment les meilleures assistances du monde. Michel et Christiane se sont fixé leur propre défi : m’offrir les meilleures conditions d’assistance pour que je puisse aller au bout. Ma détermination les motive et c’est réciproque. La complicité que nous avions eue avec Michel en d’autres circonstances se répète ici. Je n’avais pas réalisé au départ combien faire corps est important sur une telle épreuve. Pourtant, c’est bien d’une équipe qu’il s’agit, animée d’une volonté commune : Avancer. A l’amorce de la seconde partie de la course, tout est magnifiquement rodé. Ce matin, les jambes sont bonnes et ça tombe très bien car le team franco-espagnol a fort à faire à la Souterraine. C’est jour de lessive ! Pendant que le tambour de la machine lave, rince, essore, mes jambes tournent rond sans que je ne sois essoré. Les kilomètres déroulent sous mes pieds.

Près de Saint-Priest la feuille, je rattrape Roger et Manu, le tandem coureur-cycliste des Alpes maritimes. Manu fait quelques centaines de mètres avec moi. Il me raconte que la roue de son vélo lourdement chargé a versé dans un profond fossé. Roger s’est précipité pour l’aider et s’est gamellé à son tour. Ils en ont été quittes pour quelques égratignures et une béquille tordue. Manu fait demi-tour pour retrouver son coureur. La vie est belle. Nous sommes dans la Creuse et le décor promet d’être délicieux. Et le relief accidenté qui se dessine peu à peu n’est pas pour me déplaire.

Je ne sais plus à quel moment David revient sur moi, mais ce qui est sûr, c’est que nous partageons de nombreux kilomètres. Ensemble, nous passons  la marque des 500 où nous attendent nos accompagnateurs préférés pour immortaliser l’instant. Peu avant ce passage nous avons bien ri en voyant le linge mis à sécher oublié par Christiane et Michel à l’arrière du véhicule, volant au vent. L’affaire se solde par la perte d’un tee-shirt pour Christiane.

 

Ce cap de la mi-course fait du bien dans les têtes. Avec David, nous sommes comme des gamins déballant les cadeaux de Noël. Et la Mil’Kil, c’est un merveilleux présent. David connait un coup de moins bien. Non que ça me satisfasse, mais je suis heureux de pouvoir lui rendre la pareille alors que nous grimpons en direction du plateau des Millevaches, lui qui n’a jamais hésité à ralentir pour m’attendre. On court, on marche, on discute, on s’amuse. Non loin de Royère en Vassivière, David délire. Il suggère que nous pourrions économiser chacun une jambe et assurer, lui la jambe gauche, moi la droite. C’est con mais nous partons dans un long fou-rire qui stoppe nette notre progression. Nous approchons du lac de Vassivière. Pendant que nous partageons ces bons moments, nos équipages s’entendent également à merveille. Un peu plus loin, ils nous ont dégotté  une belle place au bord et au bout du lac. J’imagine sans le dire que finir l’épreuve ensemble, ça aurait de la gueule. Mais même si je me sens de mieux en mieux, que ma récupération est excellente, que mes courbatures matinales se font plus douces, je sais que David est intrinsèquement plus rapide que moi.

Il est 21 heures quand nous nous posons. Il est déjà tard pour David, il est encore tôt pour moi. Je n’ai ressenti aucune gêne au genou. Depuis le deuxième jour, j’ai opté pour la couchette du bas. Et dès mon arrivée, je décide avec Michel de mon heure de réveil du lendemain. Je prépare mes affaires pour le matin, accroche mon dossard, glisse une compote et une ou deux barres sucrée la pochette fixée sur ma ceinture. Eventuellement Michel me lit le roadbook. Ces moments de concentration font aussi partie de la course. Il me faut toujours être mobilisé. Presque toujours. J’ai à présent raccourci mes pauses en journée. Je mange souvent en marchant mon bol de pates. Déjà parce que le moral me pousse vers l’avant, et puis s’arrêter moins c’est générer moins de toxines et donc moins de courbatures. Enfin, ça permet d’achever la journée plus tôt. En arrivant à 21h, je peux profiter de ma douche, boire une bière avec Michel et diner tranquillement. Arriver plus tôt signifie aussi repartir plus tôt le lendemain. Nous avons parcouru 544 kilomètres.

Gros moral

C’est donc à 5h30 que je quitte le lac après m’être levé une demi-heure plus tôt et m’être appliqué à respecter l’habituel cérémonial : se lever dans la minute, se crémer les pieds et les parties intimes, mettre la lampe ventrale, prendre un petit déjeuner léger et offrir mes pieds à soigner à Michel, Christiane, ou les deux ensemble. Michel a souvent mal dormi depuis le départ. Et cette nuit encore fut agitée. Entendant un rodeur près du véhicule, il sortait du véhicule armé d’une matraque. Pour découvrir que le rodeur, en fait une rodeuse, n’était que Lapinou, la compagne de Jean-Louis venue l’assister pour le week-end. Lapinou matraquée par Michel ça aurait fait désordre dans le milieu. C’est vrai qu’elle fait peur Stéphanie avec son regard mauvais toujours prête à mordre... Nous avions partagé quelques kilomètres ensemble elle est moi lors des 6 jours de France alors que nous connaissions respectivement un passage difficile. Quelques kilomètres après, nos jambes respectives se remettaient à courir.

J’ai la forme et une belle détermination en me dirigeant vers Faux la Montagne. J’aime le silence et observer le jour naissant dans la fraicheur du matin. En partant si tôt, je sais que ma journée risque d’être très solitaire. Après Faux la montagne, je retrouve mes assistants en grande discussion avec Manu et Roger, ces derniers leur étant apparus tel un mirage en sens inverse de la course. La veille, ils se sont trompés de route avant le lac et ont passé la nuit dehors. Michel et Christiane les trouvèrent frigorifiés, hagards, affamés. Je poursuis ma route. Avant Peyrelevade, nous rentrons en Corrèze par les bords du joli lac de Jamet. Au revoir la Creuse et ses beaux pâturages. La Corrèze ne sera pas moins belle.

A midi, j’entre dans à Meymac, soit plus d’un marathon parcouru depuis Vassivière. La petite route qui suit est très agréable entre les prés et le bocage. On y trouve un lieu-dit du nom de Bismuth. Le plus gros escroc de France se cacherait-il en Corrèze ? Les 50 premiers kilomètres sont désormais un vrai plaisir chaque jour et se passent dans une relative facilité. Je profite pleinement des paysages. A partir de ce seuil, j’estime avoir assuré ma journée et la poursuis plus tranquillement avec des moments de mieux et de moins bien. Je suis serein.

Un pont s’est écroulé au niveau de la Palisse. Il nous oblige à empreinter une déviation qui portera la distance finale à 1003 kilomètres. C’est au niveau de cette déviation que je commence à coincer après 65 kilomètres de course. Une bonne pause à l’ombre à me restaurer dans mon transat est alors la bienvenue. Et puis il faut repartir direction Neuvic. Je ne reconnais pas les lieux, mais j’ai passé des vacances, gamin, dans la région. Je faisais mes premières sorties avec mon vélo Gitane rouge avec ses 3 vitesses et ses roues de 600. Mon père nous avait emmenés mon cousin et moi faire une trop longue sortie de 70 kilomètres jusqu’au barrage de l’aigle. Nous étions rincés. Il s’était fait engueuler par ma mère au retour. Moi j’étais heureux.

Ma mère, je l’ai quotidiennement au téléphone. Hospitalisée un mois plus tôt, elle va toujours de l’avant sans jamais se plaindre. Elle n’a jamais fait de sport et pourtant elle a le mental qui fait les coureurs d’ultra. S’occuper des autres l’aide à tenir le cap. Mes filles aussi suivent mon évolution de près et me supportent. Que c’est bon et riche en émotions de les entendre, enthousiastes, au téléphone. Chloé, ma plus grande me parle de son projet de randonnée sur le sentier des douaniers. J’espère qu’un jour prochain nous randonnerons ensemble.

Quelques kilomètres après avoir quitté la sous-préfecture de Corrèze, nous abordons une longue et douce descente arborée et tranquille. Il n’y a plus qu’à se laisser porter. Michel et Christiane filent devant pour trouver notre point de chute et prendre leurs douches avant mon arrivée. Je suis vraiment gâté par toutes leurs attentions. Au bas de la descente, je traverse un long pont sur la Dordogne et au bout duquel nous faisons étape. Il doit être 20h30. 633 kilomètres ont été parcourus en 7 jours.  David arrive un peu plus tard et je ressors de ma roulotte pour l’accueillir. Une fois de plus le 18 et le 19 sont réunis alors que la Corrèze cède la place au Cantal.

 

 

Je marche seul



Dimanche 24 juin. Je pars à 5 heures du matin dans une totale obscurité. La traversée du Cantal constitue la partie la plus escarpée de la Mil’Kil. Et elle débute par une douce montée de 10 kilomètres jusqu’à Mauriac. C’est donc en marchant que j‘entamme la journée. Il n’y a personne. Que la nuit pour compagne. Vers 5h30, le ciel s’éclaircit doucement. Comme tous les jours, je verse une larme. Heureux d’être là après tout, j’allais piano debout, c’est peut-être un détail pour vous. Il va falloir s’habituer à ses journées de solitude. Elles me vont bien mais c’est certainement moins drôle pour Michel et Christiane. Le moral est à son maximum. A Salers, nous faisons une pause à la terrasse d’un café. Christiane a acheté des gâteaux aux pruneaux. Je mange le mien avec gourmandise en faisant fi des vertus de ce fruit. C’est les vacances et on est bien. Mes amis vont aussi acheter du Salers et du Cantal qui me font déjà saliver. Je parle bien sûr du fromage. Après Salers, je veux dire le village de Salers, le décor est somptueux. La moyenne montagne fait face, verdoyante. La philharmonie bovine locale nous offre un concert de clochettes dans la descente vers la vallée qui nous mène au pied du col de Legal. Et quelles sont belles les Salers avec leur imposant costume marron qui se marie avec le vers des pâturages. J’évoque  ici les vaches… Des vaches, nous en avons vu de toutes les couleurs depuis les normandes blanches tachetées de noir. Non, peut-être pas de toutes les couleurs quand même.

                             

Dans la descente, je croise de nombreux cyclistes d’un âge certain pour la plupart. Ils me saluent lorsqu’ils ne sont pas en apnée. Avant d’arriver au pied du col, nous traversons les beaux villages d’Anglars de Salers et Foutanges. C’est dans ce secteur que derrière, David a dû s’égarer et prendre une mauvaise pente durant 4 kilomètres avant de faire demi-tour. Mais comment le bougre a-t-il pu grimper aussi longtemps sans s’inquiéter de l’absence de balisage ? Dans son malheur, il a eu de la chance car où il se trouvait, les communications téléphoniques passaient et il a pu appeler SOS B & B. En conclusion, nous ne pourrons nous retrouver qu’à l’étape.

 

Sur ma route il y avait un Olivier

C’est maintenant la montée vers le Col Saint-Georges. Les dénivelées ne sont pas abruptes et me conviennent parfaitement. Au sommet, je croise Lapinou, ce qui signifie que Jean-Louis n’est pas très loin derrière. Après le passage au col, la route continue à s’élever. J’ai la bonne surprise de faire la rencontre d’un cycliste autochtone achevant sa sortie. Il propose de me tenir compagnie jusqu’au col de Legal. Il est le bienvenu et me permet de cadencer mon ascension. A l’arrivée au col, Olivier me raconte qu’il y avait là de très beaux arbres récemment abattus pour le développement de la station de ski. Olivier me prends en photo qu’il m’adressera quelques jours plus tard. Je regrette que nous n’ayons pas fait de photo ensemble.

Après m’être restauré vraisemblablement de pâtes à l’huile d’olive, je tente de profiter de la longue descente vers Aurillac pour changer de chaussures. Je me dis alors que les appuis seront moins prononcés, mais je suis soucieux. Je n’ai guère le choix. Mes Mil’Kil1 offertes par mes anciens collègues sont râpées. Place aux  Mil’Kil2, sœurs jumelles des premières.

 Dans la descente, je croise à nouveau Lapinou à la recherche d’un endroit bucolique et à l’ombre pour déjeuner en compagnie de son amoureux. Je lui indique un endroit que je pense meilleur 50 mètres plus loin. Un peu plus tard, Christiane et Michel m’attentent au lieu-dit ‘La Croix de Chelles’ et m’offrent un sorbet. Il fait chaud depuis le passage au col. Nous cédons la place à Lapinou. Jean-Louis aura probablement, lui aussi, sa glace. La descente est agréable mais perturbée par l’effet des pruneaux sur mes intestins. Je multiplie les pauses techniques et accepte les sachets de Smecta proposés par Christiane.

Vers 17h30, je rentre dans Aurillac juste après le kilomètre 700. La chaleur de la ville m’épuise et à cet instant, la journée devient difficile. Après une pause à l’ombre vers les dernières artères de la ville, je pars pour une fin d’étape peu sympathique. Avant de retrouver le calme, il faut de nouveau faire face aux autos rugissantes sur une route très passante à 3 voies. La route départementale est rectiligne et interminable. Le soleil dans mon dos tape fort. Rasant, il offre peu de visibilité aux conducteurs qui viennent vers moi. Enfin, éprouvé, je pénètre dans Flavin, village où nous faisons étape et qu’il me faut encore traverser. J’ai ma sœur au téléphone, enthousiaste. ‘Nous, on en veut encore de la Mil’Kil’ me dit-elle. Si je suis fatigué en cette fin de journée, le moral et la détermination sont là. Et bien là. J’ai oublié mes craintes liées au changement de chaussures. Et puis, il est tôt. 20h00. Ce qui me laisse le temps de me raser pour la première et seule fois de la course. Nous sommes garés entre le monument aux morts et les locaux d’un centre aéré. Il reste une place. Celle de David et de son gros véhicule. Il arrive vers 22h30, contrarié par ses kilomètres effectués pour la gloire… ou pas. J’ai 716 kilomètres au compteur. David un peu plus.

 

Le bon samaritain

Je bondis lorsque le réveil sonne à 5h00 et je pars une fois mes orteils soignés. Il me reste encore 500 mètres de cette foutue départementale avant de trouver, sur la droite, une petite route tranquille plus propice à la méditation. Les jambes tournent rond mais je suis encore endormi. Sur l’application pour smartphone Mil’Kil qui géolocalise les coureurs, je vois que Dominique est arrivé en ayant battu le record de l’épreuve de quelques heures. Chapeau l’artiste : Je rédige un petit mot de félicitations sur le fil de discussion qui relie coureurs et accompagnateurs.

Au-dessus de la vallée du Lot, nous attaquons une longue descente ombragée. La vue est splendide par endroits. A 11h00, je suis en bas et je franchis un vieux pont marque l’entrée dans l’Aveyron et le passage aux ¾ de la course. La Creuse, la Corrèze et le Cantal auront été mes départements préférés. Par leur tranquillité, la beauté des paysages et le temps idéal pour la saison que nous y avons trouvé. Par contre le constat de la désertification des campagnes est sidérant. Trouver une boulangerie, un café, des commerces dans les secteurs traversés s’avère une rude épreuve. Il est évident que les politiques de ces dernières décennies ont delaissé ces campagnes qui sont pourtant l’image du pays. Il y a encore des vaches mais pour combien de temps ? Il me semble évident que la survie des campagnes passe par le développement des services publics : de la poste, des transports, de l’éducation, des commerces de proximité…

La route est en devers pendant de nombreux kilomètres et, la chaleur aidant, provoque une inflammation d’un tendon latéral du pied droit. Je déjeune du côté de Saint-Cyprien sur Dourdou dans le camping où Michel et Christiane m’ont commandé une pizza que je dévore accompagnée d’une boisson impérialiste et gazeuse bien connue, salutaire pour les troubles intestinaux. Je repars dans la chaleur qui désormais ne nous quittera plus. 

Je m’aperçois en consultant l’application que j’ai de nouveau dépassé Jean-Louis au moment où nous nous éloignons du Dourdou. Dommage, je ne l’ai pas vu. Non que je sois grisé par ma vitesse, mais certainement parce qu’il s’est arrêté déjeuner à l’ombre. Si mes journées sont solitaires, les copains ne sont jamais très loin. Michel me guide dans la traversée de Marcillac, toujours vigilant à ce que je ne m’égare pas. Le tracé est cependant très bien balisé. Quel travail de titan de la part des organisateurs pour mettre en place le fléchage !

 

Au sortir de la ville, nous remontons vers un paysage de Causses. Nous sommes sur un plateau beau mais chaud. Je croise Xavier à plusieurs reprises. Il assure désormais l’assistance de Jean-Louis qui a quitté le mode solo et abandonné le sac à dos. A l’approche de Rodez, mon tendon est échauffé et la douleur me contraint à m’arrêter. Nous sommes dans la descente à 3 kilomètres de l’entrée de la ville. Je sais depuis quelques temps que Denis qui habite à proximité viens à la rencontre des copains. La veille, c’est Mimi qu’il accueillait. Elle mène une course remarquable à l’avant et dois dormir peu comme à son habitude. Denis vient au-devant de nous là où nous nous sommes posés. Et il sort de sa voiture une grosse glacière d’où il extrait de la glace pour les bobos et des bières. Nous trinquons pendant que je refroidis ma cheville. C’est un vrai bonheur que de le retrouver ici, sa bonne humeur, sa générosité et son enthousiasme. Il a les yeux qui pétillent à suivre notre aventure et assurément, dans 2 ans, cette course est faite pour lui. Il indique à Michel le chemin du supermarché le plus proche et part à la rencontre de Jean-Louis, puis David, puis Daniel alias bob avec un b minuscule à ne pas confondre avec Bob qui n’a pu prendre le départ. Denis doit nous retrouver en fin d’étape et nous apporter des emplâtres et du gel Flector pour soigner les inflammations. Je traverse Rodez pendant que Michel et Christiane font les courses. Nous envisagions de dormir à la sortie de la ville dans la bourgade du Monastère, mais au moment où ils règlent les achats en caisse, je m’apprête à quitter la commune. Nous décidons donc de pousser le cochonnet un peu plus loin, dans une zone plus tranquille, et de me rapprocher ainsi de la moyenne des 90 kilomètres par jour. Nous choisissons la petite commune de Flavin comme lieu d’amarrage. A 500 mètres de l’entrée du village, Denis, qui a posé son carrosse à côté de notre roulotte vient à pied à ma rencontre. Je le laisse poursuivre sa route à la rencontre de David, qui suit quelques kilomètres à l’arrière. Il est 20h30 à mon arrivée. Nous sommes garés sur un grand parking d’entrepôt, adjacent à un champ.

Plus tard, quand David arrive en compagnie de Denis, avec nos 2 équipages au complet une nouvelle fois réunis nous prenons l’apéro. Mais c’est encore l’invité qui régale. Il ressort à nouveau la glacière magique et offre bières, gâteaux au pruneau et brioche. Ce n’est pas moi qui mangerai les gâteaux aux pruneaux pour des raisons déjà évoquées. Je me couvre car j’ai un peu froid après avoir glacé mes

tendons. J’ai posé l’emplâtre apporté par notre bon samaritain. Cet apéro improvisé alors que nous commençons à envisager l’arrivée à Sète est un des meilleurs moments de l’épreuve. De cette Mil’Kil, je vais oublier beaucoup de choses. Ce qui est certain, c’est que la discipline de  l’ultra-marathon a cela de particulier qu’elle offre des moments forts en émotions que l’on n’oublie pas. Ce moment-là restera assurément figé dans mon album à bons souvenirs. J’espère avoir l’occasion, Denis, d’être à mon tour ton bon samaritain.

 

Bionic’David

Nous rentrons dans nos logis respectifs alors que la voiture de Denis s’éloigne. Je prévois le lendemain de me lever à 4h30 car la journée s’annonce torride. Un aléa est venu dans la journée réduire notre confort. La trappe des WC s’est en effet cassée sans que personne n’ait forcé, et les toilettes sont à présent condamnées.  Le propriétaire nous fera plus tard injustement payer l’addition. Il reste moins de 200 kilomètres avant Sète, et si l’optimisme est logiquement là, je dois penser à éloigner les pensées parasites. Il peut être en effet tentant de s’emballer et de vouloir arriver au plus vite, d’allonger le temps de course et le nombre de kilomètres parcourus. Décision que j’aurais certainement prise si ce n’était ma première participation. Mais 200 kilomètres, c’est encore long et il peut arriver encore beaucoup de choses. Il faut donc être vigilant et se recentrer sur l’objectif. Celui de faire partie de ce cercle fermé des milkillers. Pour l’euphorie, nous attendrons un peu. Je suis serein car j’ai un très bon état de fraicheur physique qui d’ailleurs me surprend. C’est cela l’important.

Alors que je m’apprête à quitter le camping-car, je reçois un message de David : ‘A quelle heure pars-tu ?’. ‘A 5 heures lui dis-je’. David a décidé de partir plus tôt aujourd’hui. Chouette, nous devrions faire route ensemble assez rapidement. Je suis dans les dernières ruelles de Flavin lorsque je m’aperçois que j’ai oublié mon bidon d’eau sur ma couchette et je dois bousculer Michel et Christiane dans leur réveil matinal. Pas glop. La fraicheur m’accompagne pour ces premiers kilomètres et les tendons à cette heure ne sifflent plus. A peu de choses près, cette journée est la dernière à proposer un relief accidenté. Je grimpe vers Trémouilles où les habitants au nom rafraichissant de trémouillais se préparent à un chaud week-end de fête. Attention à l’hydratation !

 

 

Peu avant le joli lac de Pareloup, David m’appelle. Il n’est pas bien. Son releveur est gonflé. Je lui dis que 200 kilomètres avec le releveur en vrac ça doit aller au bout. Je le sais pour l’avoir vécu à plusieurs reprises sur les 6 jours. Mais son rythme sera considérablement affecté. Et s’il ne m’arrive rien, nous ne finirons pas ensemble. 

Nous faisons face maintenant au joli village de Salles-Curan. Plus loin, j’ai le plaisir de croiser Dominique, notre magnifique vainqueur. Il remonte en voiture vers le Mont Saint-Michel pour reprendre son activité professionnelle. Il me fait l’honneur de courir quelques centaines de mètres à mes côtés et d’échanger quelques mots avant de reprendre la route. Mes arrêts se font brefs car j’ai de très bonnes jambes.  Je fais une pause le temps de réaliser avec Michel une petite vidéo pour notre camarade André, un ancien collègue de travail qui fête aujourd’hui son départ en retraite.  Par hasard, je découvre que ma playlist disparue depuis une semaine n’était finalement pas effacée. Je repars regonflé par le rythme saccadé de l’electrojazz. Alors que je n’envisageais ma participation à l’épreuve que comme une unique occasion, je me mets à rêver de revenir dans 2 ans. On est si bien ici ! Par contre, il faudra étudier un mode de financement car je ne pourrais engager autant de frais que cette année.

Bientôt, après le passage au col de Vernhette, l’horizon se dégage et laisse apparaître au loin le viaduc de Millau qui s’offre à notre vue durant une longue descente. Je dévale, suivi à quelques dizaines de mètres par Jean-Louis. Michel et Christiane se sont garés juste après le Pont qui franchit le Tarn sur une aire agréable et ombragée et, quel luxe, disposant de toilettes publiques. Je ne prévois pas de faire une pause ici car je me sens bien, mais Michel et Christiane insistent. La montée qui suit est très exposée au soleil. Je décide de les écouter, contrarié mais convaincu. Je prends le temps de déjeuner, de me glacer les chevilles et les genoux et même de faire la sieste allongé dans mon transat face au Tarn. Michel et Christiane me refont les pansements des orteils. Leur minutie sans faille m’a permis de faire la course avec des pieds presque intacts. Je crois que Christiane à ce moment du stage de podologie connais mes pieds mieux que je ne les connais. Je me sens accompagné comme un sportif de haut niveau.

 

On ne sent pas toujours que le coup de chaud n’est pas loin. Lorsque je repars et alors que la température de mon corps s’est abaissée, je comprends que leur insistance était une bonne chose. Il y a une bonne communication dans cette équipe ! La montée est très chaude et le décor moins beau. C’est évidemment difficile mais comment ne pas avoir le moral à ce moment de la course ? J’ai connu une très bonne première partie de journée et il ne reste plus qu’à avancer patiemment.  La chaleur affecte les organismes, fait souffrir muscles et tendons. J’ai avec moi mon pulvérisateur de jardin pour me rafraichir. A partir de Roquefort, la route s’incline encore fortement mais elle est plus agréable et parfois ombragée. Christiane marche pendant quelques kilomètres à mes côtés. Sur une journée chaude comme aujourd’hui, je bois de 8 à 10 litres d’eau.

La fin de journée est belle est calme. Le soleil se couche peu à peu et la lumière est magnifique. Petit à petit les jambes redeviennent plus dynamiques. J’aperçois Jean-Louis au loin, au ralenti. Je veux le rejoindre avant mon arrêt. Je cours à 10 km/h et je ne sens plus mes jambes. Mon ombre immense vient le happer.  Nous faisons quelques centaines de mètres ensemble. Lorsque je lui demande s’il pense s’arrêter, Il me répond que non. Quel mental il a Batman ! Il aurait été quelqu’un d’autre, je n’aurais pas trouvé cela raisonnable. Il est 21h00. Nous sommes à Saint-Beaulize au dixième jour de course, kilomètre 891. Au cœur du village, l’endroit est agréable et calme et doté de toilettes publiques. La douche fait du bien et le gel mentholé sur les jambes aussi. Nous trinquons comme chaque soir maintenant.

David a bien souffert aujourd’hui mais il avance et s’est garé 10 kilomètres derrière moi. Benjamin a confectionné un système à l’aide d’un tendeur allant du pied au genou afin de soulager le releveur. Il devrait le présenter au prochain concours Lépine (dans le pied). Christophe a fait une grosse journée et ne dort pas très loin.

 

Il est beau l’Hérault

Je repars un peu avant 5h00. Jean-Louis a bien avancé dans la nuit. Il est 20 kilomètres devant moi. Je ne le reverrai plus sauf si… La chaleur a laissé des toxines dans les jambes et je dois marcher un peu pour éliminer les courbatures. Mais la fraicheur est là et les collines sont vertes et belles. Une heure après mon départ, alors que je guette la marque des 900 kilomètres, je suis coursé par une meute de chiens au lieu-dit le clapier, signalé dans les récits de la Mil’Kil. J’ai la trouille des chiens et il y en a beaucoup, qui aboient, qui grognent, me chatouillent les mollets et la paume de la main. Mais c’est la course et il faut avancer. Au 900e, le calme est revenu. A 7h00, nous rentrons dans l’Hérault, le dernier département à traverser. Au col du Perthus, nous tournons à gauche pour prendre une jolie petite route qui descend jusqu’à Lodève. Je retrouve notre camping-car garé sur la droite. Michel et Christiane sont afférés à soigner Christophe, démoralisé. Son releveur a lui aussi fait des siennes. Je lui adresse un mot d’encouragement. A 85 kilomètres de l’arrivée, ça va piquer mais tu pourras marcher. Ainsi, les compresses de Denis auront servi à 3 coureurs.

 

Et la chaleur monte

Je déroule dans la descente jusqu’à Lodève. A la sortie de la commune il commence à faire vraiment chaud. Dorénavant la route sera plate jusqu’à Sète. Les cigales s’en donnent à cœur joie. Vers midi et demi, nous arrivons aux abords du lac du Salagou. C’est un endroit très beau avec sa terre rouge et les nuances de vert de l’étendue d’eau, mais pour moi, c’est le début du purgatoire. C’est en effet le cagnard et je suis obligé de m’arrêter. Coup de chaud. Malheureusement, il n’y a pas d’ombre et j’ai du mal à me refroidir. Je manque de m’endormir. Je repars mais je ne suis pas bien. La chaleur maléfique de la route monte le long des jambes jusqu’aux genoux. Je fais des sauts de puce et multiplie les arrêts. Enfin, vers 15h30, j’ai achevé le tour du lac et c’est aussi la fin des terres rouges. J’arrive à Liausson, qui ne possède malheureusement pas de café. Mais il y a un lavoir où je peux me rafraichir au frais, puis une autre halle un peu plus haut. Je peux enfin récupérer de la chaleur. Dorénavant, que peut-il m’arriver ? Un couple de cyclistes vient se renseigner sur ce que nous faisons. Plus loin un automobiliste et un motard règlent des comptes. Sur une route où presque personne ne passe, c’est très fort !

 

Je repars, plus déterminé que jamais et franchis un peu plus loin la marque des 950 kilomètres, avant Clermont L’Hérault. Les kilomètres qui suivent ne sont pas les plus intéressants. Il faut faire de nouveau attention à la circulation et aux automobilistes excédés. Je lis les encouragements des copains, Phiphi, le Shung, Chloé, Philippe, Olivier, Frédérique, Olivier, Patricia, Floran, Richard, Muriel, Katia, les Bazenhos et d’autres encore. A Canet vers 18h00, il ne reste plus qu’un marathon. Pour moi c’est gagné. Je sais que j’irai au bout. Il fait encore chaud mais le plus dur est passé. Michel me dis que ce serait bien de trouver une cabane à pizza. J’avance de 20 mètres et que vois-je ? Une cabane à pizza, chose rare à trouver depuis la Creuse.

 

Phase terminale



Pendant que Michel commande les pizzas, je franchis l’Hérault et m’engage sur un nouvel enfer routier programmé sur 23 kilomètres. Fatigué, je veux absolument les franchir avant la fin de la journée. Lorsque mes amis me rattrapent, nous nous arrêtons dans les vignes pour partager le repas. J’ai la mine fatiguée mais qu’importe. Pastèque et pizza font le plus grand bien. Je repars avec ma casquette sahara car il fait encore chaud. Vers Villeveyrac, nous pouvons apercevoir au loin le Mont Saint-Clair. L’arrivée est là-bas. Poussan marque la fin du secteur dangereux. Il reste 17 kilomètres avant l’arrivée. Il est 22h30. Je m’interroge, questionne Michel. J’hésite à finir maintenant mais la chaleur m’a vraiment éprouvé. L’approche de Sète me stresse et je ne pourrais arriver que vers 2 heures et demi ou trois heures. De plus mon ischio que j’avais oublié depuis Saint-Malo refait des siennes. Je me décide de stopper là et de partir suffisamment tôt pour boucler la Mil’Kil en moins de 11 jours en pouvant ainsi mieux profiter des derniers kilomètres. Je veille cependant à ce que Pierre et Christophe quelques heures derrière moi se sont bien arrêtés pour dormir. Je tiens à conserver ma belle 13e place. ‘Michel, ça t’embête si on se réveille à 3h30 ?’

Notre équipe est au bout, je suis Mil’Killer


A 3h20, je suis debout et très vite, je m’engage dans les ruelles de Poussan. J’essaie de réaliser, de profiter mais ce n’est pas facile car ces derniers kilomètres sont assez urbains, ce qui m’incite à accélérer la foulée. Pour la première fois, Michel s’égare. Je le remets sur le bon chemin. A l’entrée de Sète, il m’attend pour m’indiquer une dernière fois le chemin. Je file rejoindre les canaux. A présent, je marche. J’essaie de profiter du moment. Je m’arrête acheter un maxi pain au chocolat alors qu’il reste 4 kilomètres. Un peu plus loin, je crois m’égarer car l’application de géolocalisation m’indique que je suis du mauvais côté du chenal. Je ne comprends pas. Je téléphone à Michel qui, avec Christiane, est aux côtés de JB. Ils ne sont finalement qu’à 200 mètres de là et c’est l’indication de l’application qui est erronée. Au pied du Mont Saint-Clair, JB me salue. Nous montons tous les 3 les forts pourcentages de la route, Christiane, Michel et moi.  Nous avons été un merveilleux équipage. Je sers le poing. J’écoute un enregistrement de la superbe voix de ma fille Nolwenn. Je pense à mes filles. Et puis, nous arrivons dans la dernière ligne droite, longue. A cent mètres je m’élance en courant pour profiter de l’accueil des autres milkillers, suiveurs, organisateurs. Gilbert et Bernard tiennent la banderole. Mimi me tends les bras. JB est là bien sûr. Alex est toujours ravi d’attendre les copains. Il y a Pierre-Henri, l’autre sénateur du Tor des Géants, Xavier, Jean-Hervé, Bob, Gérard. Je pose le pied sur l’étoile après 10 jours 23 heures 15 minutes. Derrière, en contrebas, il y a la mer. L’autre mer… Nous immortalisons l’instant avec Michel et Christiane. Sans eux, je ne sais pas si j’aurais fini ou pas, mais la course aurait été autrement compliquée. J’avais à cœur de faire au mieux pour eux, ils avaient à cœur de faire au mieux pour moi. S’il n’y a qu’un coureur, c’est bien l’équipe qui doit avoir envie d’aller au bout. Et c’est à l’équipe qu’appartient ce résultat. Nous avons vécu une expérience humaine que nous n’oublierons pas. .

Je dois remercier aussi Muriel. Si ma détermination s’est montrée sans faille, c’est aussi grâce à son travail (https://sophromu.fr/).

Je suis Mil’Killer et je finis sans blessure et dans un bon état de fraicheur. Mon nom s’écrit maintenant avec un point d’exclamation. La bière fraiche à l’arrivée est la bienvenue.

 

Il est temps d’aller prendre une bonne douche avant d’attendre l’arrivée des autres coureurs. A chaque arrivée, nous nous réunissons sur le panoramique pour faire un comité d’accueil avec la banderole et la glacière remplie de boissons fraiches. C’est un moment fort que d’accueillir les copains. Je suis parfois plus ému qu’à ma propre arrivée. Ainsi me succède Pierre, Christophe ému aux larmes, Marie-Jeanne qui n’en revient pas d’être enfin arrivée au bout à la 4e tentative. Et puis bob qui boucle en  finissant très fort sa 3e Mil’Kil. Enfin, l’ami David entouré de sa compagne, sa fille, les B & B et des amis de SOS Préma. On l’a fait, hein, David !

Derrière, il y a encore Dario et son team tout en couleurs, Claudine, puis dans la soirée Serge. Bien qu’ayant mis le réveil, je raterai avec regret  l’arrivée de Bernard, vétéran 4, aux alentours de 6 heures. A présent, nous descendons sur Sète pour la remise des récompenses et le déjeuner d’adieux. D’adieux ? Non, je ne crois pas. Trop de liens se créent dans cette aventure fraternelle.

 

 

Photographies : Michel, Benjamin,

Barbara, Thierry, David, Pierre

et moi-même

 

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Ma couleur

Par Jihem - 13-12-2016 22:11:40 - 2 commentaires

cadeau d'au revoir à mes collègues préféré-es

 

 

Ma couleur

 

Ma couleur est le rouge,

 

Quand sur le pavé battent,

Nos âmes solidaires,

Les cœurs des camarades,

Criant colère,

Chantant justice et liberté

.

Ma couleur est le rouge,

De cette flamme d’espoir,

Jalousement gardée,

S’animant aux mots de lutte,

De Résistance,

Et de Fraternité.

 

Ma couleur est le rouge,

De nos sangs mêlés,

De nos poings levés,

De nos peurs contenues,

De notre dignité.

 

Je vis.

 

Ma couleur est le noir,

Quand nos yeux se ferment et,

Suspendus à nos doigts,

Nos désirs mutuels,

En douces pressions,

Une fine baguette flotte et ondule,

Comme portée par les flots,

Comme soulevée par le vent.

Elle s’élève et danse,

En nos rythmes troublant,

Comme une flamme, vacillant

Rouge, rouge sang.

 

Ma couleur est le noir,

Quand cheminant dans la nuit,

Je me perds en mirages,

Les yeux à la recherche des crêtes,

L’haleine fumante,

Le rythme des bâtons lents,

Les caresses du vent,

Les pensées arrêtées.

 

Ma couleur est le noir,

Quand mes paupières lourdes tombent,

Enivré par les parfums d’huiles et d’encens,

De feuilles mortes et humides,

Et de terres fertiles.

Et cette flamme rouge, rouge sang.

 

Ma couleur est le noir,

Quand je veux partir loin,

En rêves éveillés,

Décider de l’instant,

Oser,

En tout intimité,

Au plus profond de soie.

 

Ma couleur est le rouge,

Quand ses doigts effleurent ma peau,

Nos regards l’un dans l’autre,

Une baguette ondule,

Suspendue à nos yeux,

Et nos désirs mutuels.

 

Enivré de douceur et de tant de beauté,

De rêves colorés,

Je ferme les yeux,

Il est tard.

 

Ma couleur est le noir.

 

 

 

 

Jean-Michel, pour vous, pour toi, mardi 13 décembre 2016

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Mes 6 jours de France

Par Jihem - 29-06-2015 15:49:19 - 7 commentaires

Il y a deux organisateurs de course que j'apprécie particulièrement. Papy, pour le raid28 et Gégé pour les “six jours”. Parce que leur épreuve n'est pas une simple invitation à courir, mais aussi qu'elle vous accueille,  le temps de l'évènement, telle une famille. Ce récit est dédié à Gégé, à ceux qui rendent possible cette épreuve, et à toute la famille des 6 jours de France. Sans doute les jours et les épisodes se sont-ils confondus avec le temps. Aussi, j’ai certainement pris quelques libertés avec les évènements. Mais quelle importance ?

 

 

Comme une danse

 

Je ne sais pas danser. Longtemps, je l'ai vécu comme une frustration. Ou un exercice imposé, une injonction sociale : Obliger mon corps se mouvoir sur les flots musicaux. Pour partager l’ambiance et être avec les autres. Et puis ça m’a passé. Pourquoi contraindre un corps mal assuré à se mouvoir maladroitement sur le plancher ? Peut-être un jour l’envie d’apprendre me reviendra mais aujourd'hui je n'en ressens aucun besoin. Je laisse à d'autres ce plaisir et cette liberté. J'éprouve ailleurs ces sensations intenses où le corps s’évade, léger, où l'on se sent libre de ses mouvements, en rythmes. Ces sensations, je les vis quand ma foulée se libère et que les kilomètres s'égrainent.

 

Fermer les yeux, se laisser emporter par le rythme de la musique, sauter, humer, respirer fort, bondir, s’envoler, ouvrir grand les yeux. Courir est un plaisir enivrant. Il laisse le champ libre aux songes, à une pensée limpide où les idées s'enchaînent sans se bousculer et viennent se poser sur la note. Courir devient une musique.

 

Tourner en rond, une histoire de fous ?

 

Pourquoi courir six jours, six jours en arrêtant le moins possible, six jours consacrés uniquement à la course, six jours en tournant, six jours sur un stade ?

 

Il n'est guère possible de comprendre pour qui ne connait ce plaisir que j’ai l’année durant à courir dans des lieux divers et variés, villes, villages, monts et merveilles, seul, ou partagés avec toi. Ces moments de bonheur à gambader sur les montagnes tous les deux. Toutes ces fois où j’ai envie de partir, loin, de m’égarer. Courir longtemps offre un sentiment de plénitude et de liberté incomparable. De pouvoir élargir ses espaces et son horizon. Sur un corps entrainé, il n’y a point de douleur à courir quelques heures. Pendant ses moments d'évasion, le coureur confectionne images, décors et paysages.

 

Moi, les uns et les autres

 

Courir longtemps, c’est partir à la rencontre de soi. C'est contempler. C’est développer un art du questionnement. Sur des préoccupations basiques d’abord, sur la façon d'appréhender l'instant, d’aborder les prochaines heures de course ou de sommeil. C'est aussi un temps pour réfléchir sur sa vie et se remettre en questions. De s'interroger par exemple sur la notion de performance. Lors d'un "six jours", elle ne se réduit pas à la seule lecture des classements, elle n'est pas nécessairement synonyme d'excellence, ni le résultat d'une évaluation par un tiers. Elle est le fruit des réalisations de chacun. Le « six jours » est ainsi une leçon humilité au regard des valeureux compagnons de route : côtoyer Serge, qui va faire le tour du monde, Gérard et ses 80 ans aux prunes, Francky et ses mille et une questions, débordant d'humanité,  Patrick et sa jambe appareillée, Jean-Claude, champion avec les yeux des autres et bien sur l’inoxydable Christian, le boss, et les autres. Tous les autres...

 

La souffrance est un obstacle à éviter

 

Certains croient comprendre, ou au moins mieux comprendre qu'il me soit plaisant de cheminer plus de quarante heures autour du Mont-Blanc, sans dormir, à faire avec les douleurs musculaires et les à coup moraux. Ils croient comprendre parce qu'ils savent le décor somptueux. Ils comprennent moins l'obstination à tourner dans la monotonie supposée d’un stade, activité qu’ils assimilent facilement à une souffrance. Ce qu’ils savent en revanche c’est que je vais à la rencontre d'un ailleurs salutaire. Ce qu’il faut sans doute savoir, c'est que vivre le "six jours", c'est devenir l'acteur et le réalisateur de son propre film. Un cinéma intérieur. Les longues heures consacrées à la course offrent cette possibilité de s’enfermer sur soi. S’enfermer et s’ouvrir à un nouvel univers. Tel un planétarium.

 

Pourquoi infliger de tels efforts à mon corps peut-on se demander ? La réponse à cette question n'est aucunement masochiste. A mon sens, une course de grand fond n’est pas, ne doit pas être, un moment de grande souffrance. S'il m'arrive quelque fois de souffrir, c’est que quelque chose m’a échappé, que je suis sorti du film. Au contraire, il m'arrive fréquemment  dans cette épreuve de me sentir vraiment bien, et ce malgré la douleur. Peut-être parce que les angoisses du quotidien s’estompent et que peu à peu je prends conscience que je réalise quelque chose qui me sied. Ne vous attardez-vous jamais devant les choses les plus simples de la vie ? Un objet, une sensation ? Un paysage ou un moment agréable ? Et de vous émerveiller ? Courir est une activité créative. On peut courir comme on peint ou comme on écrit. Ou comme on rêve. « Lorsque la douleur est inévitable, la souffrance est en option » prétend  Murakami. Et c’est vrai. La douleur je ne la recherche pas même si j’aime me confronter à elle, l’apprivoiser. Avec sagesse. Elle est juste un élément dans l'histoire que j'écris. La course de grand fond a sans doute quelque chose d’un art martial.

 

Pourquoi accepter une telle contrainte six jours durant et ne pas s’arrêter lorsqu’on a mal, de l’acide lactique qui brule les muscles ou du feu qui s’abat sur les tendons ? Parce que ça n’est justement pas une contrainte. Parce que c’est un plaisir de cheminer et parce que c’est une réalisation. Ecrire un livre est contraignant et difficile probablement. Mais c’est certainement par plaisir ou par besoin que l'on écrit. Parfois les deux. Dans tous les cas, le sujet, celui qui crée, attribue de la valeur à ce qu'il fait. Une valeur qui n'a rien d'universelle, mais qui est importante pour soi.

 

La valeur universelle de l'effort

 

Pourquoi autant de questionnements viennent spontanément alors qu’il s'agit d'une activité faite de plein gré, un loisir, alors qu'elles sont esquivées dès qu'il s’agit du quotidien de chacun ? Pourquoi par exemple cette acceptation du travail au quotidien ? Le travail qui est une obligation sociale, une nécessité matérielle. Pourquoi associe-t-on le travail à une valeur morale ? Une valeur supérieure à toutes les autres, qu'il est interdit de contester, sauf à se mettre en marge, à se disqualifier. Tu ne vaux que par la quantité de travail que tu fournis. Peu importe sa finalité et son utilité réelle. Pourtant tant de gens dont je fais partie n’aiment pas leur boulot. Se sentent coupables de ne pas travailler « autant qu’il le faudrait ». Et quand bien même l'aimeraient-ils, ça change quoi à la question ?

 

Pourquoi avoir le ventre noué à l'idée d'aller travailler ? Quel est cette injonction que j'entends à devoir prendre du plaisir au métier que j'exerce ? En cela, tourner sur un stade n’est pas une contrainte. C’est une activité relaxante et volontaire. C’est une passion, où les émotions sont fortes. Mais où on a le droit de ralentir ou de s’arrêter, de s'enfermer dans ses songes ou de s'ouvrir à autrui. Courir c’est agir, se confronter et prendre le temps, c’est réunir les composantes nécessaires à la créativité. Le travail, lui est une marche forcée. Même quand on n’en a pas. Le travail est un tabou social. Pas la course. Quoi que la compétition est sujette à bien des controverses...

 

Compétition = jeu ou rivalité ?

 

Il est certain que le sport de compétition peut être générateur de rivalité entre les humains que le système économique en place, le capitalisme, sait si bien organiser. Ce dernier aime d'ailleurs se servir du sport comme d'un étendard. Où, mieux que dans le sport, ne se pratique le culte de l'excellence, de la performance individuelle, de l'allégeance au "meilleur" ? Ainsi, Albert Jacquart voulait abolir la compétition. Mais quel rapport avec la compétition telle que je la vis et que je partage lorsque je tourne en rond ? Est-ce que Guillaume juste devant moi a une attitude dominatrice ? Est-ce que le boss montre quelque arrogance ? Non. Certes cette compétition-là répond à une quête narcissique. Mais écrire un livre, l'éditer, le vendre à des milliers de lecteurs, peindre un tableau et l'exposer dans une galerie y participe tout autant. Et danser ? Quelle différence ? 

 

 Je suis un compétiteur. J’aime cela. Quand d’autres préfèrent ignorer le panneau d’affichage mis à jour à chacun de nos passages, j’aime le regarder. Et l’oublier, fatigue aidant, dix mètres plus loin. Savoir à combien de tours se trouve celui qui me précède. Savoir combien il me reste à parcourir pour réaliser le petit objectif que je me suis fixé.  J’aime la compétition, mais j'aime surtout jouer, lorsqu’elle est amicale et sans enjeu. Dans un six jours, on s’encourage même quand on est adversaire, on encourage aussi celui qui vous dépasse. Guillaume m'a doublé le dernier jour, j’aurais aimé le reprendre, le faire douter, mais je suis content qu’il soit devant moi. On partage tellement dans un six jours. Je suis un compétiteur joueur. 

 

Etape après étape

 

Le six jours est une course par étapes. Ainsi, je n’ai jamais réalisé ces plus de six cents kilomètres, c’est inconcevable, mais bien une trentaine de semi-marathons. Au final, une trentaine de petites victoires. Si on ne comprend pas cela, on ne peut imaginer le plaisir de pratiquer cette discipline. A chaque nouveau départ, les douleurs musculaires se sont atténuées et reviennent immuablement au cours de l’étape. Seules les blessures viennent parfois gêner la progression. Ainsi la sortie du sommeil à l'aube, alors que le froid cherche à mordre le corps encore endormi, est un moment difficile. Il faut alors se remettre en mouvement, pieds trainants, marcher et dérouiller le corps endolori, puis trotter quelques mètres. Marcher, puis repartir jusqu’à ce que l’échauffement rende le corps disponible à l’effort. Ma journée est découpée en quatre séquences à chaque fois guidées par un objectif kilométrique. Du début de la journée à 16 heures jusqu’au repas du soir. Puis du repas au coucher. Puis du lever au petit déjeuner. Et enfin jusqu’à la fin de la journée et si possible à l’objectif du jour.

 

J’étais parti avec trois objectifs comme à mon habitude : six cent cinquante kilomètres comme objectif supérieur, une place dans le top dix et faire au moins ma meilleure marque soit six cent douze kilomètres. Décliner ainsi mes objectifs me permet généralement d’avoir toujours quelque chose à atteindre et au final la satisfaction de réussir ma course. Le corps vieillissant, il faudra un jour me faudra réviser mes prétentions. Mais j’aimerais bien être à quatre-vingt ans comme Gérard Dehu, toujours fidèle à la circadie.

 

Courir !

 

 Je suis un mauvais marcheur. Et j'ai la flemme de m'entrainer à la marche. Dans mes périodes de préparation, je ne fais certes pas n'importe quoi. Je m’entraine cinq jours par semaine et alterne les allures. En revanche je ne suis pas de plan. Ce serait plus efficace mais à quoi bon ? Gagner vingt kilomètres ? Je préfère me laisser guider par mon plaisir. Côté nutrition je n'aime pas les contraintes non plus même s'il devient de plus en plus difficile de retenir les kilogrammes.

 

Les meilleurs alternent durant les six jours course et marche. Leur temps passé sur la piste est énorme. Et ils accumulent ainsi les kilomètres. Ils m'impressionnent. Je suis sans doute un de ceux dont le ratio course/marche est le plus important. J'ai la capacité d’enchaîner de longues séquences de course à pied pendant toute la course. Mais pour permettre cela, je dois m'accorder de longues pauses. Les deux premières nuits de trois heures se sont allongées au fil des jours. Mon plaisir à moi, c'est de courir. Un plaisir qui sollicite beaucoup les tendons.

 

Des drogués ?

 

Courir aussi longtemps relève de l'addiction ai-je entendu çà et là. Peut-être, je ne me prononcerai pas sur cette affirmation. Nous sommes des mordus certes, certains plus que d'autres. Qui n'est pas dépendant d'un produit ou d'une pratique ? Nous vivons dans un monde d'hyper sollicitation et il est bien difficile d'échapper à toutes les dépendances. Mais quand on parle d'addiction, inévitablement on l'associe à l'alcool ou aux psychotropes. La comparaison est-elle judicieuse ? Je ne crois pas. La course à pied donne du souffle, de l'air. Le coureur de longues distances est actif. Il se fabrique des souvenirs, en solitaire ou en communauté. De beaux et riches souvenirs. De ceux qui bâtissent votre existence. Ce qu'il vit est bien réel si l'on compare à l'usage de psychotropes dont l'usage est passif et la réalité sans lendemain. A la fin de la course, il reste un renforcement de l'amour propre et un album d'images bien réelles. 

 

Dans ce qui est communément admis, on évoque rarement d'autres formes d’addictions : La consommation, les hypermarchés, le besoin irrationnel d'acquérir de nouveaux biens, quels souvenirs laissent-ils ? Sommes-nous des acteurs lorsque nous cédons à l'offre sans cesse renouvelée du système capitaliste, pourtant morbide ? Le travail laisse-t-il des beaux souvenirs ? Certes oui parfois, mais ils deviennent rares et de moins en moins beaux tellement le travail est régi par des règles absurdes : fabriquer toujours plus de produits dont personne n'a besoin, éliminer ceux qui ne travaillent pas assez bien ou assez vite. Comment être fiers de ce qu'on réalise dans un tel climat de mépris de l'individu ?

 

Si certaines addictions génèrent de l'illusion, la course à pied offre un enchantement et le sentiment de réalisation de soi. 

 

De l'addiction au dopage,  il n'y a qu'un pas. Je ne sais pas si certains coureurs ont recours à des produits dopant. Ça ne me semble pas être dans l'ambiance des "six jours" mais qui sait ? En l’occurrence, ça m'importe peu. Avoir la moindre conduite dopante ou même tricher m'enlèverais la satisfaction de ce que j'ai réalisé. Je peux tromper les autres, mais pas moi. C'est un besoin que de pouvoir me dire : cette distance, je l'ai vraiment parcourue. C'est une histoire bien réelle que j'écris.

 

Une aventure qui tourne rond

 

Un six jours, c’est avant tout une aventure. Une liberté paradoxale… de tourner en rond. Une aventure où l’on va loin sans jamais s’éloigner. Des aventures parallèles et singulières de compagnons de route. 6 jours où les liens se tissent, où les mots des uns répondent aux gestes des autres. Où les esprits s’évadent.

 

Ce « six jours » a longtemps été une course à plusieurs inconnues. Après tant d'écueils, Gérard arrivera-t-il à organiser l’épreuve ? C'est qu'il faut en avoir de l'énergie et de l'envie pour persévérer. Imaginez : Quitter Antibes pour le circuit du Luc en 2013, devoir alors subir la tempête pendant l'épreuve puis trouver un nouveau point de chute en 2014. Voir les portes se fermer à Nice, puis Villefranche sur Mer. Avertir les coureurs inscrits Repartir sur un nouveau projet à Privas, loin de chez lui, sans savoir si les coureurs vont suivre. Parce que le « six jours » n'est pas une épreuve qu'on improvise à priori. Et quid de l'équipe de bénévoles ? L'équipe a suivi. Les coureurs également, parce qu'ils savaient de quoi cette équipe était capable. Et puis parce qu'il a y a de l'affection dans tout ça. Les « six jours », ce ne sont pas que les coureurs. C'est Gérard, c'est Lolo, Willy, le cuistot, l'informaticien, et tous les bénévoles. Ils sont dans la course, comme nous. Une autre course et pourtant la même. Pendant six jours, nous formons une famille. La famille à Gégé.

 

La belle organisation

 

Le jour J, tout est prêt et l'organisation est impeccable. Avec la zone des tentes, celle des camping-cars, proches des barnums, l'organisation est un vrai petit village. Arrivé la veille, je suis fier de mon organisation, moi qui suis habituellement si bordelique. Le camping-car étant une solution idéale mais trop onéreuse, j'ai opté pour une tente 4 place où je peux tenir debout. L'an passé, je devais ramper pour accéder à mon abri et après la crevaison de mon matelas et avec la fatigue, mon espace de vie s'était transformé en vrai capharnaüm. Cette année, j'ai deux couchages, un lit de camp et un matelas. Mes espaces sont bien délimités. J'ai des caisses posées sur deux tables qui me permettent d'accéder à tout facilement. A mes habits, maillots et cuissards légers, mes vêtements chauds, mes chaussures, mes pommades contre le soleil et les frottements... et bien sur deux grandes caisses de nourritures pour manger ce qui me fait envie en dehors des repas et des ravitaillements : crèmes, chips, biscuits salés, etc. Dans cette épreuve on (je) mange beaucoup. Et on (je) ne maigris pas vraiment.

 

Je suis vraiment confortable en tout point. Ma seule inquiétude est le point faible de ma tente, mal conçue pour le vent compte tenu de sa hauteur. Et du vent à Privas, on en prévoit. J'ai décidé de doubler mes sardines avec d'autres plus efficaces. Bien m'en a pris.   

 

C'est un moment très convivial que le repas thaïlandais proposé par les amis de Gérard, l'association Orchidées. Les petits plats dans les grands, ce repas copieux conclu par l'envolée des lanternes, fut un prologue au voyage et à la convivialité avant l'aventure humaine qui commençait le lendemain. 

 

Après une nuit passée dans le lit douillet de l'hôtel proche, je m'installais pour le petit déjeuner à la table de Gérard Dehu et de sa femme. Ils avaient fait un voyage éprouvant en privilégiant la nationale à l'autoroute pour traverser le massif central. Un voyage qui parut long... Quelle fierté d'être là aux côtés du bonhomme. A quatre-vingt ans, Gérard parle encore avec l'enthousiasme d'un jeune homme. Connaître encore la passion et tourner encore trente ou quarante bornes par jour. Chapeau ! Nous discutons d'un sujet moins drôle : le décès d'Henri Girault, figure des cent bornes avec sa femme Geneviève. Henri, je l'ai croisé deux fois aux cent kilomètres de Belvès. La seconde fois nous étions les derniers à quitter le gymnase où il dormait plus volontiers qu'à l'hôtel. Il venait à plus de 75 ans de courir son six centième « cent bornes ».

 

Retrouvailles

 

A l'hôtel je suis heureux de retrouver Gégé Cartier et sa femme. Avec Gégé, nous nous sommes tirés la bourre pendant des jours au Luc l'an passé. Une rivalité ou plutôt un jeu, un mutuel encouragement. J'aimerais bien que nous nous retrouvions dans la même situation, d'arriver à la même distance à l'aube du sixième jour et se narguer. Peu importe au final qui devance l'autre. La compétition pour jouer.

 

A l'approche du départ, ça fait plaisir de retrouver Maria. Spécialiste du vingt-quatre heures, elle est nouvelle sur la distance.

 

La libération

 

Seize heures, c'est enfin la délivrance. Le début de l'aventure. Le départ de la caravane en mode escargot. Il s'agit de maitriser ses envies et de, déjà, penser à se préserver. Prendre soin de soi est une des préoccupations permanentes qui nous occupe pendant six jours. Nous partons lentement sauf un homme. Jean-Bernard, qui s'élance comme à l'habitude à la vitesse du semi-marathon.

 

Je ne sais pas trop où j'en suis. J'ai couru l'Ultra Trail du Mont-Blanc deux mois auparavant où j'ai failli connaître l'abandon. J'en suis sorti physiquement et psychologiquement épuisé. Je n'ai pas changé pour autant d'objectif : parcourir six cent cinquante kms soit cent vingt-cinq kms le premier jour, cent quinze le second, cent cinq le troisième... Si les quarante-huit premières heures ne sont normalement pas un problème, les prévisions pour la suite sont plus incertaines.

 

Cette année, l'équipe à Gégé a amélioré le service postal. Deux fois par jour, nous pouvons aller chercher nos courriers dans notre bannette. Au fil des jours, nous devenons de plus en plus émotifs. Quelle surprise d'avoir autant d'encouragements de mes collègues ! Aussi surprenant que ce soit, c'est Marie-Christine qui est la plus assidue. Pas franchement une mordue de la course à pied. Elle trouve les bons mots, les prétextes bidons, pour me motiver. Et puis il y a les mots tant attendus de la famille et ceux de Line bien sûr. La remise du courrier est un moment que chaque coureur attend avec impatience.  

 

Après deux jours, tout va bien. J’ai déjà parcouru deux cent cinquante kilomètres. Le moral est au beau fixe. L'organisation de la tente est parfaite. Et puis, comme au Luc l'année précédente, la tempête arrive. C'est le branle-bas de combat dans l'organisation. Les tentes s'envolent. Tout s'envole. Gérard a peur de l'accident. Il envisage d'arrêter la course. Les bénévoles s'activent, prennent les choses en main. En un rien de temps, le ravito, l'électronique est déplacée. Les tentes collectives démontées. Le six jours sauvé.

 

Je suis inquiet pour ma tente. Elle bouge dans tous les sens. Difficile de trouver le sommeil dans ces conditions. L'inquiétude s'ajoute à l'excitation. Je déplace tout à l'intérieur au cas où elle s'envole. L'agencement bien élaboré se transforme en bazar. Au bout de quelques jours, j'en ai déjà fait l'expérience au Luc, chercher ses affaires devient une épreuve en soi.

 

Serge

 

La participation de Serge Girard est un évènement. Pensez : le type a déjà traversé tous les continents en courant et il prépare le tour du monde en courant et à la rame. C'est Serge qui m'a donné envie de faire de l'ultra fond en regardant ses vidéo lorsqu'il courait Paris-Tokyo. C'est lui qui m'a permis de finir mon premier « cent bornes » : je me disais que s'il pouvait faire soixante-dix kilomètres par jour pendant des mois, je pouvais bien en faire cent une fois. Sympa de courir à ses côtés. D'échanger des mots sur sa course. Respect. 

 

Merci Francky

 

Il y a plusieurs personnes qui ont sauvé ma course. Le premier, c'est Francky. Franck est un jeune sympa, passionné de course à pied et un excellent coureur. Il est toujours prêt à rendre service. Je n'ai pas prévu que la nuit il ferait grand froid. Je pensais avoir tout minutieusement anticipé mais j'ai pourtant choisi de ne pas prendre de duvet. Par expérience, je sais qu'il faut toujours emmener une chose alors que l'on doute de son utilité. Ma première nuit sous la tente je suis frigorifié. Et on annonce des nuits plus fraiches. C'est Franck qui me propose d'aller acheter une couverture au supermarché. Je suis sauvé même si elle s'avérera insuffisante pour m'éviter de greloter.

 

En circadie, la solidarité est de mise. Bien que nous soyons, qui en compétition avec untel, qui en lutte avec son propre défi, il n'y a aucune barrière, sinon parfois la langue, entre les bons et les moins bons, les plus jeunes et les très anciens. Les aventuriers tournants s'encouragent. Il en va de même des accompagnants et des bénévoles. Pendant une semaine

 

Aïe

 

Avec le troisième jour viennent les premiers ennuis. Je sens un picotement au niveau du tendon d’Achille. Je connais malheureusement ce signe qui pourrait paraître anodin. Quelques moments plus tard, le tendon s'échauffe. Il rougit. Il gonfle. Il inquiète. C'est le moment d'aller voir Willy, l'urgentiste. De s'arrêter une demi-heure sous la tente qui sert d'infirmerie pour se faire bichonner. L'action cumulée d'un anti-inflammatoire local et de la glace permet d'apaiser un peu la douleur et de repartir. La douleur devient un compagnon de route avec lequel il faudra dorénavant composé. Ce qui m'inquiète, c'est l'avis de Willy. Courir avec un tendon aussi gonflé n'est pas tout à fait sans risque.

 

Lorsqu'on souffre du tendon, on change de foulée, on compense. La douleur se déplace du tendon vers le releveur du gros orteil, ce même tendon qui s'était "bloqué" il y a un an, m'empêchant de courir pendant de nombreuses heures. La course commence, il va falloir maintenant tenir.

 

Au cours de l'épreuve, avec la fatigue et l'excitation de la course, on devient beaucoup plus sensible aux émotions. Ainsi, la visite du Chti Grincheux fait vraiment plaisir. Même si au final, je reste dans ma course, concentré. Chti Grincheux, c'est le Géant du Nord amateur de bière et de blagues paillardes. Un bonhomme sensible comme l'archet du violon. Le type a plutôt le gabarit d'un troisième ligne, mais a une certaine expérience des courses au long cours qu'il pratique parfois en plaisir solitaire...

 

La visite de Jean-Claude fait aussi partie des joyeuses retrouvailles.

 

Je parlais de solidarité entre les coureurs. L’attention de Xavier en est un bel exemple. Nous sommes alors proches dans le classement. Nous sommes dans les tout premiers. Xavier me trouve devant le ravitaillement en train de me glacer le releveur avec une bouteille sortant du congélateur. Il regarde mes lacets et m'engueule. J'ai l'habitude en effet d'un laçage très serré. Et j'aurais dû savoir que sur de telles distances, il est indispensable de limiter la compression du pied pour éviter les tendinites. Xavier se met à quatre pattes pour me libérer les pieds. Les heures qui suivent, je comprendrais tout le bénéfice de son coup de main. Xavier a lui aussi sauvé ma course à cet instant où je suis pourtant son concurrent.

 

Je commence également à comprendre que j'ai fait un très mauvais choix en changeant de modèle de chaussures. Les Hoka avec leurs semelles très compensées sont à la mode chez les pratiquants de l'ultra fond. Sur ce terrain très abrasif qui allie terre et bitume, le talon de mes chaussures est déjà détruit après trois tours. Je décide qu’elles finiront tout de même la course pour ne pas changer de position et risquer d'autres inflammations.

  

Malgré une troisième nuit compliquée par le froid et le vent, je suis 4e au matin du 4e jour et je commence à rêver au podium. Je sais qu'il est improbable mais je suis joueur et je préfère me cramer en aillant essayé. Mais l'illusion ne durera pas longtemps et je commence à reculer dans le classement. 

 

Line me rejoint

 

Quelle émotion lorsque ma chérie m'annonce qu'elle vient me rejoindre. Quelle impatience aussi ! "Tu vois comme elle t'aime" me dit Maria ! Sa présence est un immense réconfort. Guetter son arrivée au petit matin, prendre le petit déjeuner ensemble, se reposer à ses côtés et sentir sa présence. Et puis son aide précieuse pour gérer l'intendance, préparer mon sac pour la douche, les couverts pour le repas, remettre un peu d'ordre dans la tente. Ce sont de petites attentions qui apportent beaucoup de confort.

 

D'autres émotions fortes, ce sont les messages de mes filles "papa, t'es le plus fort", de ma maman qui m'encourage en dépit de ses inquiétudes, de ma sœur qui évoque mon papa. Des messages qui m'attirent les larmes. Des moments vraiment très forts. 

 

Malade

 

La 4e nuit est une très mauvaise nuit. J'ai froid. Je tremble de tout mon corps qui n'arrive pas à se sécher. Au réveil vers quatre heures du matin, je suis fébrile. J'ai chaud et j'ai surtout froid. Je décale le réveil une fois, puis une autre fois. Je me lève enfin et m'habille, difficilement, tremblant. J'ai beau me couvrir de plusieurs couches et de ma couverture mitée, rien n'y fait. Malade, je décide de me recoucher. La course est sans doute finie. A sept heures, je refais pourtant une tentative. Mon corps engourdi se meut lentement et puis s'anime jusqu'à trouver l'allure de la course. C'est reparti. Je suis encore huitième et c'est une bonne nouvelle.

 

Et ça repart !

 

Le temps perdu la nuit m'oblige à courir davantage le jour. Courir, toujours courir, avec cette même musique rythmée de Parlov Stelar que je passe en boucle dans mes oreilles. J'ai dû l'entendre plus de cent fois pendant la semaine.  

 

Et puis il y a les encouragements pour Gérard, Gégé, Guillaume, Xavier, Maria Jean-Michel, Pierre ou Christian qui me le rendent bien. Ceux de Lolo le bagnard ou Gérard, le maître de cérémonie. Et puis les messages postés qui font toujours autant de bien matin et soir, qui font rire ou pleurer. Ceux qui m'annoncent des nouvelles du coma d'André... J'espère qu'il s'en sortira. Je suis vivant. Et bien vivant.

 

Christian est un type incroyable. Un touche à tout de l'ultra endurance. Il fut ainsi champion du monde de déca ironman. Il est taillé dans le roc et un compétiteur-joueur hors pair. Venu pour s'aguerrir à la marche en vue d'un prochain six jours, le gars va gagner et battre le record des 6 jours de France marche en chatouillant le vainqueur course. Il dort peu. Il dort debout. Lorsqu'il est somnolent au point de quitter sa trajectoire, on ne peut plus lui parler, il n'entend plus. Il est telle une machine. Impressionnant.    

 

A quoi pense-t-on lorsqu'on court pendant six jours sur un stade ? Quel ennui ! Et pourtant non. La pensée est plus libre, plus limpide. On pense tout d'abord au moment présent. A ce qu'on doit faire dans les trois heures à venir. Aux tours à effectuer. A s'alimenter. A se soigner les pieds. A guetter Line. Et puis on pense à ses proches. Avec émotion. Mais sans que les préoccupations s'empilent comme à l'habitude. Et puis on joue. A chercher le type qui est devant. Toujours. Inlassablement.

 

Lorsque je sors de la tente après la cinquième nuit vers cinq heures du matin, il m'est impossible de mettre une chaussure devant l’autre. Je fais cinquante mètre mais je n'arrive plus à marcher. Las, je me résous à l'abandon et fais demi-tour. J'ai la chance que Xavier se trouve à nouveau sur ma route à cet instant précis. Il m'interdit de poursuivre en sens inverse et me remet, titubant, hagard, dans le sens de la course. Je pars doucement, ma couverture mitée sur le dos. Xavier m'a sauvé une seconde fois. Toujours aller dans le sens de la course. Quoiqu'il arrive.

 

Je trouve sur le circuit Lapinou en train de craquer, en pleine détresse. Nous décidons de faire cause commune en marchant ensemble pendant une heure et demi ou deux. A l'aube, notre course est définitivement relancée. Elle va se coucher. Je poursuis et me remets à courir.

  

Pendant ces « six jours », j'ai le temps de constater comme je suis bien ici à vivre cette aventure. C'est très éprouvant, il faut lutter sans cesse, mais c'est la réalisation d'un rêve de gamin. C'est l'occasion de se sentir en totale autonomie. 

 

Happy end

 

Le matin du dernier jour, je suis douzième. La onzième place est à portée de main, mais il va falloir aller la chercher. Grignoter, ne pas s'arrêter tant que Mimi qui est devant, ne s'arrête pas. Lorsqu'elle fait une pause, je continue mon effort pour m'éloigner. Jouer. Guillaume est loin devant à la dixième place mais sait-on jamais. Et puis il y a ma marque à améliorer. Je passe les six cent douze kilomètres. 

 

Lorsque j'ai compris que je ne passerai pas Guillaume, je décide de relâcher. Je cravache depuis le matin. Il fait beau et chaud. Je peux profiter du moment en marchant avec Line, se féliciter entre coureurs, profiter des applaudissements, laisser monter les émotions. Je refais tout de même un tour en courant pour me mettre à l’abri d'un coureur qui remonte. Puis à l'approche du coup de pistolet final, lorsque je m'aperçois que les six cent trente kilomètres sont à portée de main. Je décide d'arrêter ma course à côté de Guillaume pour attendre le coup de feu. Le "six jours" est une épreuve individuelle et une aventure tellement collective. A l'arrivée on se félicite, on s'étreint. C'est l'émotion collective. Je suis trop éreinté pour rester jusqu'à la fin de la paëlla finale. J'ai besoin de dormir et de partager un moment avec Line. Et demain il y a la route du retour.  


Epilogue

 

Que de bonheur de retrouver un bon lit à l'hôtel. Même si je suis épuisé. Et tout courbatu. Le lendemain matin, c'est l'ambiance club Med. Ou Lourdes au regard des démarches d'éclopés. A voir le pied de Jean-Michel, noir et gonflé, je me dis que je m'en sors pas si mal. On se dit au revoir et on se promet de revenir l’an prochain. Mon objectif sera de six cent soixante kilomètres et un classement dans les dix premiers si le plateau n'est pas trop relevé (il le sera...).

 

Au retour, je suis épuisé. Mes releveurs et mes tendons d’Achille sont gonflés. Je rêve que je cours les six nuits suivantes. Je tourne et je tourne... Mes jambes me font mal et la circulation me crée des fourmis qui m'empêchent de me rendormir. Et puis la vie reprend ses droits, loin de cette semaine de bonheur, loin de Privas.

 

Je remercie Gérard et l'ensemble des bénévoles de m'avoir permis de vivre une telle histoire. Je remercie enfin Line, ma compagne, de m'avoir supporté d'avoir pris la route pour me rejoindre.

 

 

 

 

 

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Etienne a beaucoup d'amies

Par Jihem - 17-06-2015 23:53:55 - 6 commentaires

L'avantage des aléas dans le RER,

C'est qu'ils nous font quitter nos habitudes,

C'est qu'ils donnent du temps pour observer,

C'est qu'ils nous offrent des anecdotes.

Ainsi j'étais debout dans la rame bondée,

Et m'occupais, curieux, et sans gloire,

A lire par dessus l'épaule de la femme assise devant moi,

La réponse qu'elle donnait à une amie,

En tapant, passionnée, sur le clavier de son smartphone.

L'amie lui avait écrit en substance :

"Etienne cherche à me joindre, mais je parle à Mme Untel,

Qui travaille avec nous dans la société"

Et la femme de lui répondre :

"Je connais beaucoup de femmes qui se seraient précipitées,"

J'attendais la suite avec impatience.

Etienne devenait le sujet de ma curiosité.

Elle poursuivait :

"Il a beaucoup d"

Elle hésitait, effaçait ses mots, en cherchait d'autres.

Je pensais qu'il avait beaucoup de charme

"Il a beaucoup d'ar"

D'arguments ! me dis-je.

En fait, Etienne a beaucoup d'argent.

 

Moralité : Quoi qu'on dise ou qu'on pense, il arrive que l'argent fasse la bonne humeur des curieux.

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Un jour je partirai

Par Jihem - 30-05-2014 11:16:27 - 4 commentaires

On construit des murs,

Pour se protéger,

On emmagasine des biens,

Pour préserver demain,

On s'dit qu'on s'ra heureux,

P'tet' bien.

On s'enferme au présent,

On accepte ses liens,

On refuse le bonheur.

Qu'était pourtant pas loin,

De nos mains.

On fait confiance aux biens, plus qu'au lien.

J'ai laissé derrière moi,

Quelque objet,

Des affaires du passé,

Mais cela n'est rien.

Je ne les oublie pas,

Mais qu'en ferais-je ? Rien.

Les images, elles, sont là,

Enfermées, enlacées,

Je ne peux les toucher,

Il me faut m'éloigner.

Un jour, je partirai,

Bientôt, ou pas. Loin.

J'irai par les chemins.

Le vent choisira, pour moi,

Il me dira où aller,

Et je prendrai la route,

Comme ça, sans liens,

J'irai sur les chemins.

 

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C’est un jeu

Par Jihem - 27-05-2014 17:12:40 - 2 commentaires

C’est un jeu de l’oie,

Où la case départ revient, et puis revient,

A chaque fois, au même endroit.

C’est un solitaire,

Où tu es toujours trop loin,

A la fin.

C’est une réussite,

Où la dame de cœur, se découvre,

Et l’espoir s’en va.

C’est un labyrinthe,

Aux milles et un chemins,

Qui ne mènent à rien.

C’est un château de cartes,

Qui montre sa grandeur,

Le temps d’un souffle, d’une respiration.

C’est un colin maillard,

Mes yeux bandés,

Mais tu n’es plus là.

C’est une illusion,

Le temps d’un jeu,

Sans hasard, sans destin.

Une fois encore, à la case départ,

J’attends que le dé,

Me dise où aller.

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Etres et lavoirs

Par Jihem - 02-01-2013 06:13:14 - 8 commentaires

Etres et lavoirs

Avoir et être bien,
Avoir et n'être rien,
Naître et avoir,
Etre pour Avoir,
Avoir des biens, et l'être ,
Avoir du bien-être,
Avoir est-ce bien naître ?
Est-ce bien être qu'avoir ?
Avoir pour paraître,
Etre sans savoir,
Etre sans avoirs,
Avoir mal ou mal-être,
N'avoir ni dieu ni maître,
Savoir du maître,
Mettre du savoir,
Quêter pour avoir,
Qu'être pour avoir ?
Fut-il été à voir ?
Faut-il avoir été ?
Futile avoir, fut-il Etre ?
Sans avoir n'être rien,
Sans espoir être bien,
Etre las de n'avoir,
Rien été,


Etre eu et avoir été,
Se faire avoir l'été,
A voir l'été...
Avoir fêté,
Fait est de n'avoir su,
La voir, être ami,
Etre à mille avoirs,
Etre bien à voir l'être,
Etre un savoir,
Avoir des lettres,
Et des savoirs, et des lettres,
Une lettre, un avoir ?
Battre au lavoir l'été,
Paraître sans le savoir,
Ni même savoir naître,
Ni même paraître avoir,
N'avoir pas pu paraître,
N'avoir pu par lettre,
Puis-ce-t-elle être lue ?
Etre, va savoir,
Etre ou avoir ?
S'avoir s'arrêter,
Au point de savoir être,
Au point d'avoir été. Ou pas.

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Les bonheurs

Par Jihem - 02-09-2012 01:08:07 - Aucun commentaire

Bon tout d'abord faudrait arrêter avec le bonheur. C'est vrai ça, le bonheur, le bonheur. Parler du bonheur sans savoir ce que c'est. 

Déjà, moi je parlerais plutôt des bonheurs. Et encore je parle du bonheur, du grand, du vrai. Pas des petits bonheurs qu'on a par ci, par là. Encore que même ceux là je les prendrais bien en pension en ce moment. Mais j'ai beau avoir laisser ma fenêtre ouverte. Ils rentrent pas. Le froid oui. Le froid n'a rien à voir avec le bonheur.

Je reprends. Les bonheurs donc, les gros bonheurs. Ben quand même, le bonheur d'avoir des enfants, de les voir grandir, de les voir s'émanciper, c'est pas pareil que le bonheur quand on est amoureux. Le second rend fou et il est toujours incertain. Il fini souvent mal, en gé-né-ral. Le premier est plus fiable on va dire. Oublions le premier. J'ai connu mais j'ai pas envie d'en parler. J'ai droit non. De toute facçon je fais ce que je veux.

Attention, maintenant, on attaque du lourd. Déjà rappelons, que les bonheurs peuvent se croiser, se mélanger, s'additionner. Tu peux être heureux avec tes enfants et triste avec ta ou ton chéri-e. Tu peux être heureux + heureux. Tu peux être heureux * heureux. Il n'y a pas de règles. Tous les coups sont permis en matière de bonheur. Je vous avais dit que c'était du lourd.

Revenons au second. Le bonheur amoureux. Et là encore on devrait dire les bonheurs. Ils ne se cumulent pas trop ceux là. Il y a le bonheur qu'on vit. Ou qu'on croit qu'on vit. Ben oui on peut croire qu'on est heureux alors qu'on a mal. On fait ce qu'on veut après tout. Rigolez pas, j'ai connu, c'est pas mal. On morffle bien. Celui qu'on vit est quand même mieux. Souvent ça ne dure pas, certains ne le connaîtrons jamais et c'est pas pluis mal comme ça. Ce que je peux te dire c'est que le grand bonheur qu'on vit c'est ... Pfff.... enfin tu vois. Il court vite le bougre. Un jour que jétais arrivé en retard, j'ai couru et je l'ai rattrapé. Le bonheur, je cours plus vite que lui ! T'as intérêt à me croire ! Le problème c'est que des fois il file en douce, et là tu as beau courir, tu sais que tu le rattraperas pas. Et là c'est con. Tout ça je connais.

Il y a le bonheur qu'on imagine, qu'en général on ne réalise pas. Il y en a un autre qui est marrant. Le bonheur rétrospectif. Quand on ne l'a jamais connu ou de loin, mais qu'on se fait croire que c'était bien histoire de le regretter. On appelle ça la double peine. 

C'est quand même drôle toutes ces histoires de bonheur, non ? Vous en connaissez suremment certaines. Peut-être toutes. D'autres aussi. 

Aujourd'hui le bonheur est loin, mais je pense toujours à lui. Peut-être qu'il reviendra. Je suis sur liste d'attente. Très loin. 

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