KikouBlog de Jihem - Juillet 2019
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Ultra Boucle des ballons

Par Jihem - 21-07-2019 00:31:09 - 3 commentaires

Ultra Boucle des ballons 202 kms dans les Vosges et en Alsace

Le défi Action Real comportait 4 étapes. 4 gros morceaux. Le dernier, la Boulendale, était de taille  : 380 kms et 10000 m de D+ à parcourir en 4 jours dans les Alpes Maritimes et les Alpes de Haute Provence. Des paysages magnifiques que je connais un peu avec un passage au col de la Bonnette haut de 2800 mètres. Seulement voilà, le mai, je recevai un courrier électronique nonchallant m'indiquant qu'avec 2 seuls inscrits, la course était annulée. Heureusement, mes billets n'étaient pas encore pris mais par contre mers congés étaient posés.

Quelques jours plus tard, je vois passer sous mes yeux un dernier rappel avant clôture des inscriptions pour l'U2B. Cette course au drôle de nom propose un sérieux plat de consistance avec 202 kms et 4750 m de dénivelé positif à parcourir en 36 heures dans les Vosges et en Alsace avec le franchissement des principales difficultés de la région. La chose est tentante. Si tentante que j'envoie derechef mon inscription.

Mais une semaine avant les Vosges, il y a un autre plat à digérer non moins copieux : La Montagn'hard, trail technique de 106 kms et 8300 mètres de dénivelé positif, l'occasion de faire un ultra avec mon ami Sylvain.

Il est 4h à Saint Nicolas de Veroce quand nous nous retrouvons tous les 3, David, Sylvain et moi sur la ligne de départ. 5 ans que je n'ai pas pris le départ d'un ultra trail. Je ne connais personne à part le Bagnard et Françoise. Il fait bon, le temps de prendre un dernier café. Je sais que ce sera compliqué 2 semaines après la fin de la mi milkil et je ne veux pas me mettre de pression. Des orages potentiellement violents sont annoncés. On verra.

A 5h00, c’est le départ pour les 350 coureurs du 100. Après 150 m, nous virons à droite. C’est parti pour 1400 m de dénivelé positif. David part devant. Je me cale dans la foulée de Sylvain. Après la mi-pente, j’ai le sentiment que Sylvain m’attend. Puis il part devant lui aussi avant d’attaquer la crête du Mont Joly. Je craignais que ma peur du vide m’empêche de passer. Je ne regarde pas à droite, je fige mes yeux vers le sol. Et ça passe. Avant la descente, au ravitaillement de Tierces, je rejoins mes 2 acolytes et me lance comme un damné dans la descente. Seulement 1400 de dénivelé négatif, c’est long et les quadriceps finissent par fumer. Sylvain me rejoint avant la fin de la descente et je le laisse partir. Au ravitaillement du Pontet, je suis cuit. J’hésite et je décide de repartir. David n’est pas encore arrivé. Quelques coureurs me dépassent sur la portion plate puis j’attaque le Bolchu pour 1000 m de dénivelé. Je pense alors être dans le fond du panier. Ca va mieux mais je sais que je ne pourrais aller au bout. Je décide donc de stopper là pour me préserver pour l’U2B dont le départ est donné une semaine plus tard. J’ai fait 30kms et plus de 1500 m de dénivelé positif. En faisant demi-tour, je m’aperçois qu’une centaine de coureurs et coureuses étaient encore derrière moi. Beaucoup me demandent si ça va. J’appelle Sylvain pensant qu’il est loin devant. Le pauvre a fait une erreur de parcours. Nous abandonnons ensemble.

Seul David a continué. Malheureusement pour lui la Montagn’hard a été raccourci à 60 kms pour des raisons de sécurité. Pour finir, on le rapatrie comme beaucoup d’autres coureurs à causes des prévisions météorologiques. Au final, je crois que je suis le moins frustré des trois.

Jeudi matin, les courbatures se font encore sentir sur les quadriceps. Je sais que ma réussite est improbable mais je suis bien décidé à aller au bout de mes capacités. 2 réussites sur 4 objectifs donneraient quand même au défi Action Real une meilleure tonalité.

Vendredi, j’arrive à Munster à 15h00 précises au camping de la Fecht accolé au parc du même nom où doit être donné le départ. Denis est là depuis la veille et je plante ma tente sur son grand emplacement. La remise des dossards se fait sur le parking, façon ‘tombés du camion’. Il y a là Jean-Louis et Lapinou comme d’habitude sur ce genre de formats. Il y a bien sur Christophe Henriet, le courageux organisateur. Je ne m’attarde pas trop car il faut se préparer pour le lendemain. Le soir est l’occasion de se faire un petit resto avec Denis. Mon dessert mettra tellement de temps à arriver que j’irai manger un gâteau de riz dans ma tente. Sous la toile, je dors mieux qu’à la maison mais à 5h45, il est l’heure de s’extirper de rêves pas forcément avouables.

Nous retrouvons tout le monde près de la ligne de départ où le réconfort d’un petit café est proposé. Les mimilkilers sont là : Jean-Louis, Patrick, Emmanuel et Oliver. Le grand Bob est de retour. Son palmarès est impressionnant. Je retrouve Patricia et Eric croisés chez le roi Mauduit. Nous nous déplaçons de quelques mètres pour le brief de départ du grand schtroumpf Christophe Henriet devant la statue de Psoséidon.

La route est relativement plate sur les quelques centaines de mètres qui suivent le départ. Et puis très vite, la route s’élève vers le lac noir. Je partage tour à tour le bitume avec Oliver, Laurence ou Jean Louis, puis c’est au rythme de Bob le magnifique en compagnie de Denis la malice que je cale ma foulée. Successivement, on court et on marche. Ce départ me semble raisonnable et je sais que je ne peux me permettre de faire l’effort de trop. Et puis j’accélère un peu. Je suis dans mon rythme. Le bon.

Les CP sont placés tous les 20 kilomètres et permettent de s’alimenter et de se recharger en eau. Parti en Solo, j’ai copié Denis pour les vestiaires en plaçant un sac au CP 4, 6 et 8 soit tous les 40 kms à partir du 80e.  J’y ai mis éclairages, vêtements de rechange plus ou moins chauds et alimentation. 202 kilomètres, c’est long. Trop long et trop difficile pour que je puisse l’appréhender. Mon premier objectif, réalisable lui, est d’atteindre correctement le centième kilomètre. Après on fera le point.

Le temps nuageux est idéal pour moi qui ne supporte pas la chaleur. Les paysages vosgiens sont magnifiques. Paisibles. Ils me ramènent à mes vacances, adolescents. Ils me rappellent combien la ville m’oppresse et que j’ai besoin de grands espaces. Pendant cette première montée, je croise encore Jean-Baptiste et Nicolas. Tout va bien au passage au CP1. Après le col de la Schlucht, nous empruntons la route des crêtes jusqu’au Pied du Hohneck où je repasse Jean-Louis. C’est après ce premier marathon que je sollicite pour la première fois mes quadriceps dans une descente digne de ce nom. Mes efforts faits la semaine précédente se font sentir. Je n’aurais jamais durant cette course eu de sensation de facilité.

Je retrouve Nicolas à Kruth au CP3. Il me glisse une phrase du genre ‘on se retrouve à l’arrivée’. J’avoue que je n’en suis pas là. Je m’allonge dans l’herbe 2 min. Je repars avant Laurence et Nicolas. Et ça regrimpe pendant 10 kms jusqu’au col de Page. C’est peut-être dans ce secteur que je croise la route de Michel et Roland. Redescendu, la voie verte jusqu’à Saint Maurice me semble interminable. Je cours et je marche. Et réciproquement. Lancinant. Au CP4 en fin d’après-midi, je crème mes pieds, pose mon éclairage et met mon gilet jaune. L’heure de la révolte a sonné. A moi le ballon d’Alsace !

Le PC5 est placé dans la descente du ballon et marque la mi-course et le centième kilomètre. A partir de ce moment une autre course commence. De 20 en 20 je devrai me rapprocher de l’arrivée. Il y a là Jean-Baptiste qui abandonne. Je lui conseille de se reposer et de repartir. Je n’arrive pas à m’alimenter. Je suis un peu blême et décide d’un repos d’un quart d’heure. Lapinou me propose un lit pico que j’accepte. Elle me glisse ‘je te le propose parce que je sais que tu vas repartir’. Elle sait combien ce genre de phrase fait du bien, vient se loger dans un coin du cerveau. Lorsqu’elle vient me réveiller, je suis déjà debout. Je repars nuit tombante dans la descente vers Sewen. Je suis très vigilant car les petites flèches rouges ne sont pas très visibles la nuit d’autant que je suis seul sur cette portion. Par contre les patrouilleurs sont souvent là pour nous rassurer. Je remonte sur le petit col de Schirm.

Robert le magnifique me rejoint alors que je suis arrêté au Au CP de Bourbach le Haut. Je repars peu avant lui. Il me rattrape dans la plongée vers Rammersmatt et je l’accompagne quelques kilomètres. Il rit de ses blagues. Je ne parviens qu’à sourire car je sers les dents. Nous arrivons à Leimbach dans un paysage plus urbain. Je marche seul… Roadbook en main, il faut être vigilant à chaque intersection. Vers la sortie de la ville, il faut trouver une rue du Vignoble. Je jardine. Et le GPS sur le téléphone aussi. Pas de rue du vignoble. Je finis par repartir sur de bons rails et retrouver la voie verte. La fatigue atteint la lucidité. Il y a des coteaux éclairés par la lune et enveloppés de brume sur la gauche. Sur la droite, les fumées s’échappent de fumées d’usines. Ce tronçon jusqu’au pied du Grand Ballon est sans contexte le moins passionnant.

J’arrive somnolent au CP 7 à Uffholtz et m’endors 10 mn sur une chaise. En m’élançant vers la montée du Grand Ballon, je sais que le prochain CP étant à 40 kms de l’arrivée, je devrais être finisher de la course. Je dors debout, mais confiant. Le jour se lève. Dans les premiers lacets, j’éprouve du mal à garder les yeux ouverts. Je guette un endroit où m’allonger sans être vu. C’est un chemin qui s’offre à moi. Plus confortable que le meilleur des lits, il accueille mon sommeil pendant 10 nouvelles minutes. Au réveil, je me sens mieux pour poursuivre l’ascension du géant d’Alsace. Je ne sais plus qui m’a repassé au sommet du Grand Ballon mais la descente fut âpre et difficile. Le releveur commence alors à faire du bruit. Mais dans ma tête je sais que je vais au bout. A Sondernach, je suis cuit avant d’attaquer le Petit Ballon, dernier obstacle avant l’arrivée. Et ça grimpe. Je suis seul. Et puis c’est la bascule. Les 10 derniers kilomètres sont un vrai calvaire. Le releveur fait mal. Les quadriceps ne répondent plus. La pente est trop raide. Je m’arrête tous les 100 m. Mes jambes tremblent. Mais je sais que je vais finir. Le bonheur et la douleur dans une même caboche. Il pleut à présent.

A 2 kms de l’arrivée je vois Oliver arriver comme une balle. Je suis au ralenti. Puis c’est au tour de Jean-Louis, puis à nouveau d’Oliver. A la fin de la descente, je m’égare. Je téléphone, revient sur mes pas. Une flèche a été arrachée. Je suis maintenant à portée de main de Denis. Je l’attends. Nous finissons ensemble. Finir à 2 deux avec un ami, j’adore.

A l’arrivée c’est la défaillance, la tête tourne, les oreilles sifflent. On m’évite de tomber. J’ai du mal à récupérer. A me relever. On m’escorte jusqu’à la douche. Enfin je retrouve mes esprits. Je suis heureux. Je suis allé au bout de moi-même.

Merci à Christophe pour cette magnifique organisation. Le parcours est sublime. Il est exigeant. Très. Merci à tous les cantiniers et cantinières aux petits soins. Merci aux patrouilleurs vraiment très vigilants. Merci aux coureuses, coureurs, accompagnatrices et accompagnateurs. Les souvenirs sont beaux.

Un merci particulier à Lapinou pour le lit pico, A Jean-Baptiste, Martine, Guillaume, Laurence et ??? pour m'avoir assisté à l'arrivée. Merci à Denis pour la 3e mi-temps. Merci à David et à Isa pour leurs encouragements à distance. 

Le défi Action Real se termine donc avec :

Un échec sur Milan San Remo après 170 kms

Une Mi Milkil

Un échec sur la Montagn’hard après 1500 D+

Une réussite sur l’U2B.

Je suis satisfait.

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Ma Mi'Mil

Par Jihem - 19-07-2019 11:07:12 - 1 commentaire

La Mi Mil'kil, 500 kms de Lignac à Lodève

'Sarah, je vais faire une pause avant la descente. Je vais te laisser profiter de l'arrivée'


'Come on! Come on!' m'intima Sarah.

 

Elle ne me laissait d'autre choix que d'accepter son invitation. Sans prendre le temps de me ravitailler, je plongeais à ses côtés dans la longue descente qui mène à Lodève, abandonnant mes chers accompagnateurs Michel et Christiane.

C'est fatigué que j'avais pris la route six jours plus tôt pour rejoindre Lignac, lieu de départ de la Mi Mil’kil. Mon échec fin avril lors du Milan San Remo, 1er rendez-vous du défi Action Real, avait laissé des traces. Deux grosses infections dentaires avaient fini d'achever mon moral. Et mes nuits trop courtes à mal dormir me laissaient en déficit de sommeil. 

Je partais déterminé tout de même avec un tableau de marche audacieux que j'étais prêt à abandonner si besoin, ne sachant pas vraiment dans quel état de forme je me trouvais. J'avais surtout l'ambition de finir la course et pour cela j'étais très confiant. Je commence à avoir quelques expériences sur cette distance pour justifier mon optimisme. 

Je m'arrêtais vendredi soir dans un lit de passage dans la jolie petite ville d'Argenton sur Creuse pas très loin de Lignac et de la Souterraine où je devais retrouver le lendemain mes amis accompagnateurs Michel et Christiane. Nous devions y emprunter notre logis pour une semaine. Un superbe camping-car sept places. 

Formalités effectuées et après une bonne nuit, nous nous rendions sur le lieu de départ pour retrouver la famille. Lignac, c'était là qu'un an plutôt nous arrivions presque ensemble pour faire étape au quatre cent trentième kilomètre de la Mil’kil, unique point de ravitaillement. Nous, c'était David, Jean-Louis, Christophe et moi. Pascal était venu en vélo partager quelques dizaines d'hectomètres. Des souvenirs encore chargés d'émotions. 

Jean-Louis est là cette année. Évidemment. Dès que la route est longue, l'homme est là. Les sandales ont remplacé les Crocs. Jean-Louis démonte toutes les évidences. Pas besoin de chaussures à l'estampille d'une grande marque et au prix exorbitant pour bien courir. Jean-Louis arbore chemisette à fleur et chapeau de paille. Et c’est un coureur respecté pour son palmarès étoffé en si peu de temps. Sa Lapinou ne pouvant se rendre disponible, c'est David le cameraman qui est chargé de conduire le fourgon tagué et d’assurer son assistance. 

Il y a bien sûr pour nous accueillir JB qui sait mettre à l'aise avec sa voix posée, et ses 2 acolytes, Xavier et Thierry. Tous les trois ont mis en place cette superbe organisation, avec un road book précis et un fléchage impeccable sur cinq cents kilomètres. Ces petits autocollants roses posés çà et là forment  les rêves de tous les mil’killers. 

On retrouve le Général qui a troqué sa paire de jambes pour une trottinette. Son genou grince, mais son coude va toujours très bien. Il y a Serge et sa fascinante humilité. Comme beaucoup, c'est cet homme qui a fait le tour du monde en courant qui m'a donné l'envie d'allonger la foulée au delà des quarante-deux kilomètres du marathon. Qui m'a fait découvrir la course méditative, sensorielle. Nous sommes des compétiteurs-voyageurs. Serge est là comme si c'était son premier défi. Un coureur parmi d'autres. Et discrètement respecté par toutes et tous. 

Alex est l'invité d'honneur. Il ne court pas mais est venu nous donner le départ. Avec toujours le même sourire qu'il offre à volonté. Les lèvres encore brûlées du Paris Alsace qu'il finit brillamment à la deuxième place. Alex, c'est trois victoires à la Mil’kil et autant de podiums. Je me souviendrai toujours de son bonheur à m'accueillir à l'arrivée de la Mil’kil avec le même bonheur qu'il affiche à accueillir tous les arrivants et les arrivantes qui le suivent. Je me souviens de Mimi et Bernard. J'avais compris qu'il y avait un avant et un après l’épreuve. Cette reconnaissance de mes pairs vaut plus que toutes les médailles. 

Mimi et Bernard font aussi parti des murs. Ils sont là, toujours avec la même gentillesse, la même humilité. Mais ici, il n’est pas besoin de frimer pour être respectés. Mimi et Bernard c'est un énorme palmarès, toujours l'air de rien. La course semble chez eux comme un art de vivre. Cette année Mimi accompagne Bernard. Et on sait que ça sera compliqué pour Bernard. Et tout le monde espère le voir à l'arrivée. 

Il y a tant de gens singuliers encore que je pourrais présenter : Stéphane, fournisseur de l'application de géolocalisation, mais surtout grand favori, l'inusable Daniel et sa compagne qui assure son assistance, Jacques et les guérandais déjà rencontrés sur les routes de la Mil’kil, Dédé qui n'en finit plus d'avoir 20 ans... 

L'ambiance est belle à quelques minutes du départ sur la place de l'église de Lignac. C'est l'heure des photos, c'est l'heure d'être encore ensemble avant de s'éparpiller sur le long sillon qui mène à Lodève. La maire donne le départ et le cortège  en rose démarre. 

Les premiers kilomètres sont ceux où le corps ne nous impose pas la vitesse. Ce sont ceux où les discussions sont encore vives. Ce sont ceux où il faut veiller à ne pas adopter une vitesse qui n'est pas la sienne pour pouvoir rester en bonne compagnie. Après une vingtaine de kilomètres, je décide d'accepter la solitude et de laisser filer Jean-louis. J'effectuerai ensuite la presque totalité du parcours en solitaire, agrémenté par de courtes rencontres. 

Comme pour la Mil’kil, j'ai établi un tableau de marche. Et j'ai prévu de faire cent trente kilomètres après les premières vingt-quatre heures. Ce que je définis par ma journée débute à sept heures et s'achève vingt-quatre heures plus tard. Je redécouvre la beauté de paysages que j’avais quelque peu occultés à cet endroit l’année passée alors que mon genou me causait quelques soucis. J’avançais bien. Avec l’expérience, j’ai appris à limiter les temps de pauses. Il vaut mieux manger en marchant et ne se poser que lorsque la machine n’avance plus. C’est avec ma propre histoire, c’est en regardant et observant les autres que j’apprends. Il est des choses que je peux reproduire, d’autres pas. Mes points faibles sont le sommeil et l’alimentation. Mes points forts, mes pieds que je parviens à épargner et un mental pas trop mauvais. J’ai un autre atout précieux : la présence de Michel et Christiane. Nous n’avons presque plus besoin de nous parler pour nous comprendre. Michel apprend très vite et observe tous les coureurs. Leur écoute est exceptionnelle. Ils savent ne dire que l’essentiel, éviter le mot qui va faire douter et écourter la journée. J’ai de la chance et je le sais. Je ne m’occupe que de courir.


Après la montée sur le plateau des Millevaches, je retrouve les abords de Vassivière. Là où nous avions tellement ri avec David un an plus tôt. Là où nous avions élaboré une théorie fumeuse dite de Vassivière, une théorie qui ne mérite pas ici d’être racontée car il faut être réellement épuisé pour qu’elle suscite le moindre intérêt. Nous avions du couper notre effort, pris d’un interminable fou rire.

 

Je m’arrête au kilomètre 118 à Plazanet. Il est minuit. Malgré la douche, malgré le gel au menthol qui m’enveloppe les jambes d’une douce sensation de froid, le sommeil est dur à trouver. Je repars à cinq heures trente après avoir pris un bon petit déjeuner. A sept heures soit après vingt-quatre heures, j’ai effectué 128 kms. Le contrat du premier jour est rempli. J’ai prévu cent quinze kilomètres pour le jour suivant mais les choses se compliquent. Jusqu’à Meymac, tout va bien. Sur la petite route qui suit, je reçois un appel et les encouragements de David. Je partage quelques hectomètres avec Oliver qui court en solo chargé d’un sac à dos avant qu’il ne s’écarte pour se reposer. Plus loin, je passe également Marcus, lui aussi en solo mais tirant une charrette soigneusement confectionnée. Ils m’impressionnent ces deux-là. Je ne sais plus où Annie m’a dépassé mais je me souviens que je n’ai pas pu suivre son allure. Quelle efficacité ! Vers Neuvic, je ressens des extrasystoles. Je pense alors qu’elles vont se calmer. Christiane vient courir avec moi quelques kilomètres de la descente qui mène au pont sur la Dordogne. Puis je monte dans le camping-car dans l’attente que tout rentre dans l’ordre. Il est environ vingt heures. Je veux passer au moins Mauriac dans la soirée. Malheureusement, après deux heures de pause, rien n’a évolué et je pense alors à l’abandon. Michel et Christiane m’apaisent. Nous décidons de rester là pour la nuit, quelques dizaines de mètres du lieu où nous faisions étape un an plus tôt avec David.


Je décide de repartir tôt, vers quatre heures. Je suis stressé et un peu inquiet. L’obscurité est totale. Je respire fort pour me détendre. J’arrive à Mauriac vers 5h30. A sept heures, j’ai effectué quatre-vingt-cinq kilomètres pour ma deuxième journée. Le compte n’est pas bon, mais j’ai sauvé les meubles. Oublié le tableau de marche. Je suis sur la route de Salers où j’ai prévu de faire une pause au café où la tarte aux pruneaux m’a valu quelques désagréments l’an passé. A Anglars de Salers, 2 papis cyclistes m’arrêtent curieux pour savoir quelle est cette course. Ce genre de rencontre est toujours un plaisir. C’est l’avantage de ce genre de course où on peut s’arrêter le temps d’une rencontre. Eux partent en voiture monter des cols dans les Alpes. A Salers, je décide de plonger directement vers le pied du col Legal. Je ne veux pas m’attarder et tant pis pour le petit café tant désiré. Ce tronçon est le plus beau de la course. Par ses petites montagnes, par sa verdure, par ses magnifiques vaches marron qui, agitant leurs  cloches nous accompagnent en musique.


Dans la vallée, je croise Mimi au volant de son camping-car. Bernard dort. Ca va moyen. Il penche me dit-elle. Je comprends qu’il ira au bout, mais que ça ne sera pas facile. Je les aime bien tous les deux. Tout le monde les aime bien. J’attaque le col en bonne forme. Christiane me propose de m’accompagner. Elle est la bienvenue. Un peu plus haut, j’accélère. Je me fais plaisir. Je cours même. Je veux faire une belle montée pour le fun, pour le moral. Une petite pause au sommet pour me crémer contre le soleil et les frottements et c’est la longue plongée vers Aurillac. Le col Legal marque à la fois le point culminant et la mi-course.


Vers dix-sept heures, j’atteins les rues d’Aurillac où je retrouve Jacques. Je connais bien la traversée depuis l’an passé et ma présence le rassure. Il fait très chaud dans cette cuvette alors que j’ai envie de glace depuis fort longtemps. Qu’il est délicieux ce sorbet artisanal aux parfums de letchis et quatres agrumes. Je laisse Jacques qui s’arrête au camping à la sortie de la ville. Je me restaure. J’avais envie de poulet. Mes vœux ont été exhaussés par mes accompagnateurs aux petits soins. Et puis j’attaque le pire tronçon de la course : une montée de plusieurs kilomètres le long d’un quatre voies jusqu’à Senilhès. Un peu plus loin, je double Dominique Caillé. Je m’arrête en campagne au kilomètre deux cent quatre-vingt-dix-huit à la Capelle del Fraisse. Il est vingt-deux heures. L’ami David a prévu de faire trois cents bornes pour venir nous retrouver et le parking où nous nous posons dispose d’un carré d’herbe permettant de planter une tente. David ne viendra finalement pas ce soir-là.


Je repars avant cinq heures de cette petite commune du Cantal. Dès le lever du soleil, la campagne est merveilleuse, calme et sereine. Que de tableaux de maitres se dessinent devant mes yeux alors que la bande de bitume se déroule sous mes pas. Je suis le plus heureux des hommes à chaque instant où mes yeux se posent. Un peu plus loin, je plonge vers la vallée du Lot.  Je me restaure au milieu de la descente. Michel a installé mon fauteuil comme presque à chaque arrêt. Et je poursuis jusqu’au pont qui marque la séparation des départements du Cantal et de l’Aveyron.


Vers Conques en Rouergue, je retrouve David et sa fille. Nous n’avions pu de nouvelles et finalement il est là. Ça fait partie des grands bonheurs de ce genre de course. Les petits bonheurs, c’est le jus d’abricot et le morceau de brioche qu’il m’offre lors de nos retrouvailles. Il a prévu de me suivre pendant quelques heures. Plus loin, il fait chaud pour monter vers les Causses. Arrivés sur le plateau, David reprend la route. L’amitié est un sacré réconfort. La traversée des Causses se passe bien mais j’ai besoin de refroidir mon corps à l’approche de Rodez où j’espère retrouver un autre ami, Denis. C’est alors que je sors de la ville qu’il m’appelle. ‘Tu préfères rester dans ta bulle ou tu veux que je passe ?’ Un peu que je suis heureux de le retrouver. Dans ces moment-là, tous les ressentis sont plus forts. Et c’est presqu’au même endroit qu’un an plus tôt, à l’approche de Flavin, qu’il sort sa glacière et ses bières. Après Flavin ou je double Marcus et Sarah, il faut grimper la longue montée vers Trémouilles où je fais une courte pause. J’indique à Sarah que je veux stopper au quatre centième kilomètre. J’aimerais alors ne pas faire une dernière journée trop pénible et ne pas terminer au cœur de la nuit. Je m’arrête finalement cinq kilomètres plus tôt. Sarah me repasse et stoppe au kilomètre quatre cents.
Je repars vers quatre heures trente. Il pleut lorsque je dépasse le camping-car de Sarah qui semble encore dormir. Dans la descente, je vois une lumière qui apparait, qui disparait au loin. Je ne comprends pas de quoi il s’agit. C’est un coureur, c’est Oliver. Le bougre est joueur et il ne se laisse pas rattraper comme cela. Nous partageons quelques foulées sympathiques et je file devant. Il doit s’arrêter se reposer. Lui a couru toute la nuit. Sarah, elle, est repartie cinq kilomètres derrière moi. Je sais qu’elle reviendra sur moi dans la journée. Le plus tard possible. C’est pour moi source de motivation car je suis vraiment fatigué en cette dernière journée et j’ai besoin de ce défi ludique pour avancer. Jusqu’à Roquefort, je ne suis vraiment pas dans un bon jour. Je fais alors une pause de trente minutes dont dix minutes d’un profond sommeil. Etonnamment je repars en pleine forme. Sarah est alors à cinq cents mètres et mon avance remontera jusqu’à trois kilomètres avant de fondre comme prévu. Je prévois alors d’arriver à Lodève vers une heure du matin. C’est vers Sainte Beaulize à quarante kilomètres de l’arrivée que me rejoint Sarah. Je décide de m’accrocher à sa foulée et j’abandonne dans la côte, coupable, Christiane qui marchait quelques kilomètres à mes côtés. Même si j’explose, je suis certain que ce ne peut être que bénéfique. Et puis j’ai été seul pendant presque toute la course et la compagnie de Sarah fait du bien. Dorénavant, il n’y a plus de pauses au véhicule. Michel et Christiane sont inquiets. Je m’alimente peu. Nous avançons à bon rythme et échangeons quelques mots. La savoir amoureuse des animaux me rassure au moment de passer le Clapier où j’avais été embêté par les chiens un an plus tôt. Finalement, nous ne voyons que de petits chiens attachés.  Sarah est accompagnée d’Angus, son mari qui aux petits soins. Vincent la suit également pour réaliser un film.  Il nous encourage à chaque instant. J’ai l’impression d’être un cycliste derrière un derny. Je serre les dents.

 

A quinze kilomètres de l’arrivée, juste avant de basculer dans la longue descente qui mène à Lodève, je propose à Sarah de la laisser profiter de l’arrivée. ‘Come on !’ m’ordonne-t-elle. Et j’abandonne Michel et Christiane sans prendre le temps de me ravitailler. C’est à la portière que Michel vient alors m’assister dans la descente. Sarah veut maintenant finir avant la nuit… Je m’accroche à ce joli et infernal final. A la moitié de la descente, je faiblis. Sarah ralentit un peu et me fait signe de tenir. Je me dis que l’histoire est belle. Dans Lodève, nous décidons de marcher mais l’orage menace. Nous relançons la foulée. Nous comptons chaque mètre. Nous arrivons enfin tous les deux vers vingt et une heure… C’est une magnifique et inoubliable arrivée dont je me souviendrai toute ma vie.

 

Merci Sarah, tu es une amie. Et je m’incline devant ton fair-play. Je retrouve Christiane et Michel pendant que Sarah tombe dans les bras d’Angus. Notre équipe a fonctionné à merveille pour la troisième fois. Merci à vous. Je ne peux rêver d’être mieux accompagné.


Huit minutes auparavant, Marcus nous avait devancés avec son chariot. Ce titan nous a repris trois minutes dans les dix kilomètres de la dernière descente. Quel champion !
 
Après notre joli final, j’ai souhaité être présent pour chaque nouvel arrivant. Parfois dans la nuit. C’est tellement chouette d’accueillir les copains. Chaque arrivée est tellement marquante, tellement émouvante. Bernard et Mimi, Dédé Caroff, Jean-Michel, Jacques, Oliver, etc…  Je retiens aussi le long hommage proposé par Michel à Anibal venu d’Uruguay. De beaux moments.


Merci à toi JB et à Xavier, Thierry. Merci pour nous offrir du rêve et pour cette organisation impeccable. Merci à tous les coureurs et accompagnateurs.


Et savez-vous qui apportait le petit déjeuner le lendemain de mon arrivée ? David.
Merci à toi David, Merci à Denis. Merci à tous les soutiens qui m’ont envoyé des messages.

La 2e étape du défi Action Real est validée. Vous avez aimé ce récit ? n'hésitez pas à apporter votre petite contribution.

 

 

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