Par Jihem - 21-07-2019 00:31:09 - 3 commentaires
Ultra Boucle des ballons 202 kms dans les Vosges et en Alsace
Le défi Action Real comportait 4 étapes. 4 gros morceaux. Le dernier, la Boulendale, était de taille : 380 kms et 10000 m de D+ à parcourir en 4 jours dans les Alpes Maritimes et les Alpes de Haute Provence. Des paysages magnifiques que je connais un peu avec un passage au col de la Bonnette haut de 2800 mètres. Seulement voilà, le mai, je recevai un courrier électronique nonchallant m'indiquant qu'avec 2 seuls inscrits, la course était annulée. Heureusement, mes billets n'étaient pas encore pris mais par contre mers congés étaient posés.
Quelques jours plus tard, je vois passer sous mes yeux un dernier rappel avant clôture des inscriptions pour l'U2B. Cette course au drôle de nom propose un sérieux plat de consistance avec 202 kms et 4750 m de dénivelé positif à parcourir en 36 heures dans les Vosges et en Alsace avec le franchissement des principales difficultés de la région. La chose est tentante. Si tentante que j'envoie derechef mon inscription.
Mais une semaine avant les Vosges, il y a un autre plat à digérer non moins copieux : La Montagn'hard, trail technique de 106 kms et 8300 mètres de dénivelé positif, l'occasion de faire un ultra avec mon ami Sylvain.
Il est 4h à Saint Nicolas de Veroce quand nous nous retrouvons tous les 3, David, Sylvain et moi sur la ligne de départ. 5 ans que je n'ai pas pris le départ d'un ultra trail. Je ne connais personne à part le Bagnard et Françoise. Il fait bon, le temps de prendre un dernier café. Je sais que ce sera compliqué 2 semaines après la fin de la mi milkil et je ne veux pas me mettre de pression. Des orages potentiellement violents sont annoncés. On verra.
A 5h00, c’est le départ pour les 350 coureurs du 100. Après 150 m, nous virons à droite. C’est parti pour 1400 m de dénivelé positif. David part devant. Je me cale dans la foulée de Sylvain. Après la mi-pente, j’ai le sentiment que Sylvain m’attend. Puis il part devant lui aussi avant d’attaquer la crête du Mont Joly. Je craignais que ma peur du vide m’empêche de passer. Je ne regarde pas à droite, je fige mes yeux vers le sol. Et ça passe. Avant la descente, au ravitaillement de Tierces, je rejoins mes 2 acolytes et me lance comme un damné dans la descente. Seulement 1400 de dénivelé négatif, c’est long et les quadriceps finissent par fumer. Sylvain me rejoint avant la fin de la descente et je le laisse partir. Au ravitaillement du Pontet, je suis cuit. J’hésite et je décide de repartir. David n’est pas encore arrivé. Quelques coureurs me dépassent sur la portion plate puis j’attaque le Bolchu pour 1000 m de dénivelé. Je pense alors être dans le fond du panier. Ca va mieux mais je sais que je ne pourrais aller au bout. Je décide donc de stopper là pour me préserver pour l’U2B dont le départ est donné une semaine plus tard. J’ai fait 30kms et plus de 1500 m de dénivelé positif. En faisant demi-tour, je m’aperçois qu’une centaine de coureurs et coureuses étaient encore derrière moi. Beaucoup me demandent si ça va. J’appelle Sylvain pensant qu’il est loin devant. Le pauvre a fait une erreur de parcours. Nous abandonnons ensemble.
Seul David a continué. Malheureusement pour lui la Montagn’hard a été raccourci à 60 kms pour des raisons de sécurité. Pour finir, on le rapatrie comme beaucoup d’autres coureurs à causes des prévisions météorologiques. Au final, je crois que je suis le moins frustré des trois.
Jeudi matin, les courbatures se font encore sentir sur les quadriceps. Je sais que ma réussite est improbable mais je suis bien décidé à aller au bout de mes capacités. 2 réussites sur 4 objectifs donneraient quand même au défi Action Real une meilleure tonalité.
Vendredi, j’arrive à Munster à 15h00 précises au camping de la Fecht accolé au parc du même nom où doit être donné le départ. Denis est là depuis la veille et je plante ma tente sur son grand emplacement. La remise des dossards se fait sur le parking, façon ‘tombés du camion’. Il y a là Jean-Louis et Lapinou comme d’habitude sur ce genre de formats. Il y a bien sur Christophe Henriet, le courageux organisateur. Je ne m’attarde pas trop car il faut se préparer pour le lendemain. Le soir est l’occasion de se faire un petit resto avec Denis. Mon dessert mettra tellement de temps à arriver que j’irai manger un gâteau de riz dans ma tente. Sous la toile, je dors mieux qu’à la maison mais à 5h45, il est l’heure de s’extirper de rêves pas forcément avouables.
Nous retrouvons tout le monde près de la ligne de départ où le réconfort d’un petit café est proposé. Les mimilkilers sont là : Jean-Louis, Patrick, Emmanuel et Oliver. Le grand Bob est de retour. Son palmarès est impressionnant. Je retrouve Patricia et Eric croisés chez le roi Mauduit. Nous nous déplaçons de quelques mètres pour le brief de départ du grand schtroumpf Christophe Henriet devant la statue de Psoséidon.
La route est relativement plate sur les quelques centaines de mètres qui suivent le départ. Et puis très vite, la route s’élève vers le lac noir. Je partage tour à tour le bitume avec Oliver, Laurence ou Jean Louis, puis c’est au rythme de Bob le magnifique en compagnie de Denis la malice que je cale ma foulée. Successivement, on court et on marche. Ce départ me semble raisonnable et je sais que je ne peux me permettre de faire l’effort de trop. Et puis j’accélère un peu. Je suis dans mon rythme. Le bon.
Les CP sont placés tous les 20 kilomètres et permettent de s’alimenter et de se recharger en eau. Parti en Solo, j’ai copié Denis pour les vestiaires en plaçant un sac au CP 4, 6 et 8 soit tous les 40 kms à partir du 80e. J’y ai mis éclairages, vêtements de rechange plus ou moins chauds et alimentation. 202 kilomètres, c’est long. Trop long et trop difficile pour que je puisse l’appréhender. Mon premier objectif, réalisable lui, est d’atteindre correctement le centième kilomètre. Après on fera le point.
Le temps nuageux est idéal pour moi qui ne supporte pas la chaleur. Les paysages vosgiens sont magnifiques. Paisibles. Ils me ramènent à mes vacances, adolescents. Ils me rappellent combien la ville m’oppresse et que j’ai besoin de grands espaces. Pendant cette première montée, je croise encore Jean-Baptiste et Nicolas. Tout va bien au passage au CP1. Après le col de la Schlucht, nous empruntons la route des crêtes jusqu’au Pied du Hohneck où je repasse Jean-Louis. C’est après ce premier marathon que je sollicite pour la première fois mes quadriceps dans une descente digne de ce nom. Mes efforts faits la semaine précédente se font sentir. Je n’aurais jamais durant cette course eu de sensation de facilité.
Je retrouve Nicolas à Kruth au CP3. Il me glisse une phrase du genre ‘on se retrouve à l’arrivée’. J’avoue que je n’en suis pas là. Je m’allonge dans l’herbe 2 min. Je repars avant Laurence et Nicolas. Et ça regrimpe pendant 10 kms jusqu’au col de Page. C’est peut-être dans ce secteur que je croise la route de Michel et Roland. Redescendu, la voie verte jusqu’à Saint Maurice me semble interminable. Je cours et je marche. Et réciproquement. Lancinant. Au CP4 en fin d’après-midi, je crème mes pieds, pose mon éclairage et met mon gilet jaune. L’heure de la révolte a sonné. A moi le ballon d’Alsace !
Le PC5 est placé dans la descente du ballon et marque la mi-course et le centième kilomètre. A partir de ce moment une autre course commence. De 20 en 20 je devrai me rapprocher de l’arrivée. Il y a là Jean-Baptiste qui abandonne. Je lui conseille de se reposer et de repartir. Je n’arrive pas à m’alimenter. Je suis un peu blême et décide d’un repos d’un quart d’heure. Lapinou me propose un lit pico que j’accepte. Elle me glisse ‘je te le propose parce que je sais que tu vas repartir’. Elle sait combien ce genre de phrase fait du bien, vient se loger dans un coin du cerveau. Lorsqu’elle vient me réveiller, je suis déjà debout. Je repars nuit tombante dans la descente vers Sewen. Je suis très vigilant car les petites flèches rouges ne sont pas très visibles la nuit d’autant que je suis seul sur cette portion. Par contre les patrouilleurs sont souvent là pour nous rassurer. Je remonte sur le petit col de Schirm.
Robert le magnifique me rejoint alors que je suis arrêté au Au CP de Bourbach le Haut. Je repars peu avant lui. Il me rattrape dans la plongée vers Rammersmatt et je l’accompagne quelques kilomètres. Il rit de ses blagues. Je ne parviens qu’à sourire car je sers les dents. Nous arrivons à Leimbach dans un paysage plus urbain. Je marche seul… Roadbook en main, il faut être vigilant à chaque intersection. Vers la sortie de la ville, il faut trouver une rue du Vignoble. Je jardine. Et le GPS sur le téléphone aussi. Pas de rue du vignoble. Je finis par repartir sur de bons rails et retrouver la voie verte. La fatigue atteint la lucidité. Il y a des coteaux éclairés par la lune et enveloppés de brume sur la gauche. Sur la droite, les fumées s’échappent de fumées d’usines. Ce tronçon jusqu’au pied du Grand Ballon est sans contexte le moins passionnant.
J’arrive somnolent au CP 7 à Uffholtz et m’endors 10 mn sur une chaise. En m’élançant vers la montée du Grand Ballon, je sais que le prochain CP étant à 40 kms de l’arrivée, je devrais être finisher de la course. Je dors debout, mais confiant. Le jour se lève. Dans les premiers lacets, j’éprouve du mal à garder les yeux ouverts. Je guette un endroit où m’allonger sans être vu. C’est un chemin qui s’offre à moi. Plus confortable que le meilleur des lits, il accueille mon sommeil pendant 10 nouvelles minutes. Au réveil, je me sens mieux pour poursuivre l’ascension du géant d’Alsace. Je ne sais plus qui m’a repassé au sommet du Grand Ballon mais la descente fut âpre et difficile. Le releveur commence alors à faire du bruit. Mais dans ma tête je sais que je vais au bout. A Sondernach, je suis cuit avant d’attaquer le Petit Ballon, dernier obstacle avant l’arrivée. Et ça grimpe. Je suis seul. Et puis c’est la bascule. Les 10 derniers kilomètres sont un vrai calvaire. Le releveur fait mal. Les quadriceps ne répondent plus. La pente est trop raide. Je m’arrête tous les 100 m. Mes jambes tremblent. Mais je sais que je vais finir. Le bonheur et la douleur dans une même caboche. Il pleut à présent.
A 2 kms de l’arrivée je vois Oliver arriver comme une balle. Je suis au ralenti. Puis c’est au tour de Jean-Louis, puis à nouveau d’Oliver. A la fin de la descente, je m’égare. Je téléphone, revient sur mes pas. Une flèche a été arrachée. Je suis maintenant à portée de main de Denis. Je l’attends. Nous finissons ensemble. Finir à 2 deux avec un ami, j’adore.
A l’arrivée c’est la défaillance, la tête tourne, les oreilles sifflent. On m’évite de tomber. J’ai du mal à récupérer. A me relever. On m’escorte jusqu’à la douche. Enfin je retrouve mes esprits. Je suis heureux. Je suis allé au bout de moi-même.
Merci à Christophe pour cette magnifique organisation. Le parcours est sublime. Il est exigeant. Très. Merci à tous les cantiniers et cantinières aux petits soins. Merci aux patrouilleurs vraiment très vigilants. Merci aux coureuses, coureurs, accompagnatrices et accompagnateurs. Les souvenirs sont beaux.
Un merci particulier à Lapinou pour le lit pico, A Jean-Baptiste, Martine, Guillaume, Laurence et ??? pour m'avoir assisté à l'arrivée. Merci à Denis pour la 3e mi-temps. Merci à David et à Isa pour leurs encouragements à distance.
Le défi Action Real se termine donc avec :
Un échec sur Milan San Remo après 170 kms
Une Mi Milkil
Un échec sur la Montagn’hard après 1500 D+
Une réussite sur l’U2B.
Je suis satisfait.
Billet précédent: Ma Mi'Mil
3 commentaires
Commentaire de Le Lutin d'Ecouves posté le 21-07-2019 à 14:49:22
Content d'avoir de tes nouvelles. Je penserai aussi à toi le six août...
Commentaire de Jihem posté le 06-08-2019 à 08:43:57
Merci Thierry. Aujourd'hui la mémoire du Mustang est bien présente.
Commentaire de philkikou posté le 12-08-2019 à 20:37:56
Bravo pour déjà se lancer dans de tels défis... et vu que la barre est haute en réussir 2/4 est déjà en soit une sacrée performance !!!
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